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Hôpital : le système de santé, sous l'eau, risque-t-il de s'effondrer cet été ?

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  • France Bleu

La crise à l'hôpital continue. De nombreux services, d'urgence notamment, ferment ponctuellement ou plus longuement, faute de personnel. Plusieurs syndicats et médecins estiment que le système hospitalier est en train de "craquer", "d'exploser", et qu'il risque de s'effondrer d'ici cet été.

Pres de 500 personnes ont manifesté devant l'hôpital de Montmorillon jeudi 12 mai. Pres de 500 personnes ont manifesté devant l'hôpital de Montmorillon jeudi 12 mai.
Pres de 500 personnes ont manifesté devant l'hôpital de Montmorillon jeudi 12 mai. © Maxppp - Mathieu Herduin

Des urgences fermées, des services en mode dégradés. Les annonces de ce genre se multiplient ces dernières semaines dans les hôpitaux. Au point que de nombreux syndicats et médecins s'inquiètent : notre système de santé va-t-il s'effondrer dans les semaines à venir, faute de personnels ? 

C'est en tout cas ce que prédit Didier Legeais, vice-président du syndicat des médecins de l'Isère. "Le système est en train d'exploser", s'alarme-t-il. Invité sur France Bleu Isère ce mercredi, il indique que dans son département "tous les services de garde sont en très grande difficulté" pour remplir leurs plannings. Selon lui, il manque entre 30% et 60% de médecins. Résultat, "aujourd'hui, on ne peut pas reprendre nos activités chirurgicales comme avant la crise."

Ça a commencé par des pleurs puis un effondrement psychologique et physique

A Chinon, en Indre-et-Loire, le manque de personnel a contraint le centre hospitaliser à fermer le service des urgences et la maternité. Aucune date de reprise n'est précisée. Le maire de Chinon, Jean-Luc Dupont, qui est aussi le président du conseil de surveillance de l'hôpital de Chinon, évoque des "arrêts longs avec des gens qui lâchent, qui sont en situation de burn-out ou d'écœurement (...) On sait le temps qu'il faut pour former des professionnels de santé, si en plus on décourage ceux qui sont déjà en poste..."

"Mes équipes sont épuisées", témoigne aussi Guillem Bouilleau, le responsable du service d'accueil des urgences et du SMUR de Chinon, sur France Bleu Touraine.  "Il reste une seule infirmière qui se sent en capacité de travailler. La situation est effectivement catastrophique. Tous les autres se sont effondrés petit à petit comme un château de cartes. Ça a commencé par des pleurs puis un effondrement psychologique et physique de certains aides-soignants puis ça s'est répandu."

Ce n'est pas une histoire de moyens. Les gens ne veulent plus travailler à l'hôpital

A Remiremont, dans les Vosges, c'est la même chanson. Le service des urgences de l'hôpital a dû fermer dans la nuit de mardi à mercredi, faute de personnel. Et à Bordeaux, les urgences de l'hôpital Pellegrin, le plus grand centre d'Aquitaine, sont en mode dégradé : la nuit, elles n'accueilleront désormais plus que les patients ayant appelé le 15 et ayant été orientés vers le CHU. "Ce n'est pas une histoire de moyens. Les gens ne veulent plus travailler à l'hôpital, il n'y a pas d'attractivité, analyse Alain Essebar, secrétaire général de la CGT Pellegrin, au micro de France Bleu Gironde. Le personnel en place, il est tout seul au lieu d'être deux ou trois. Il est fatigué et il se met en arrêt, ce qui est logique". 

Plusieurs hôpitaux de la région, à Jonzac, Sarlat, Marmande ou encore Oloron-Sainte-Marie, ont aussi adopté un système similaire ou limité le nombre de jours d'ouverture des urgences, a détaillé l'Agence Régionale de Santé (ARS) dans un communiqué_. "Tout le système d'urgences déraille"_ et "le pire n'est malheureusement pas derrière mais devant nous...", réagit dans un communiqué le syndicat Sud Santé Sociaux du CHU de Bordeaux.

Partout, il manque des lits

Concrètement, combien de postes manque-t-il dans les hôpitaux français ? "Probablement des dizaines de milliers, répond sur franceinfo Rémi Salomon, le représentant des médecins des CHU de France. Il y a dans chaque hôpital des lits qui sont fermés par manque de personnel. Et donc, il y a 10%, 15%, 20%, parfois plus, de lits fermés par manque de personnel. C'est peut-être un peu plus important en Île-de-France, car il y a pour les personnels paramédicaux un problème de coût de la vie. Mais partout, il manque des lits. Il manque des infirmiers pour faire fonctionner les blocs opératoires. Il manque d'urgentistes pour faire tourner les services d'urgences".

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La solution : l'obligation de garde ? 

Alors que le président de la Fédération hospitalière de France, Fréderic Valletoux réclame "une obligation de garde pour les médecins libéraux et une revalorisation des nuits à l’hôpital" Didier Legeais, vice-président du syndicat des médecins de l'Isère estime que ce n'est pas la bonne solution : "Je pense qu'ils n'ont rien compris. Ça fait 30 ans qu'on nous tape dessus, 30 ans qu'on a des conditions de travail inacceptables (...) Les conditions de travail dans les services des urgences sont inacceptables pour l'accueil des patients. Les médecins ne veulent plus travailler, les infirmières nous abandonnent, les conditions au bloc opératoire sont difficiles et aujourd'hui, nos personnels soignants, en particulier les infirmiers, gagnent entre 15 et 16 euros de l'heure, donc ils sont partis faire autre chose".

Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la Confédération des syndicats médicaux français, estime aussi qu'on ne peut "pas demander plus" aux médecins généralistes, déjà pressés comme des citrons. "Un médecin généraliste travaille en moyenne 53 heures par semaine, explique-t-il. Beaucoup de médecins généralistes participent déjà aux gardes". D'autant qu'"un médecin généraliste, quand il fait une garde, il ne récupère pas le temps de travail". 

Résultat : "Il y a beaucoup de médecins généralistes qui veulent arrêter parce que cela devient trop dur : les gardes, le travail au quotidien, moins de médecins, de nouveaux patients à prendre en charge pour pallier les départs à la retraite. Cela devient très dur pour tout le monde. On a un système de santé à bout de souffle. On pousse des cris d'alarme depuis des années, rien ne se passe."

Vous avez deux fois plus de patients, et deux fois moins de médecins qui travaillent deux fois moins

Selon Didier Legeais, le vice-président du syndicat des médecins de l'Isère pourtant, "ce gouvernement n'est pas responsable de la situation". Voici comment il l'explique : "On a deux fois plus de patients, puisque le 'baby boom' de 1945 va être un 'papy boom' de 2025". Et en effet en Gironde, par exemple, le flux de patients a explosé

"Ensuite, les médecins qui partent en retraite aujourd'hui, qui sont 8.500 par an, sont remplacés par des promotions de 3.500 médecins, poursuit-il. Et puis les médecins d'aujourd'hui - à juste titre - ne veulent pas travailler plus de 45 heures par semaine dans un pays où tout le monde veut travailler 35. Les médecins qui partent en retraite aujourd'hui travaillaient 80 heures par semaine. Nos praticiens hospitaliers travaillent 48 heures par semaine et aujourd'hui, les jeunes médecins veulent travailler 35 ou 40 heures. Donc vous avez deux fois plus de patients, et deux fois moins de médecins qui travaillent deux fois moins."

Le système va-t-il "craquer" cet été ?

"On a volontairement laissé tomber le système depuis 25 ans, le système est en train de craquer, dénonce Didier Legeais. Je pense qu'il va tomber cet été et ce sera très difficile. Les Français vont se réveiller avec la gueule de bois. Le système de santé français est malade depuis 25 ans." Un sentiment partagé par Rémi Salomon, le représentant des médecins des CHU de France : "On a un risque imminent de ruptures d'accès aux soins. Quand je dis un risque imminent, c'est déjà en train de se produire et ça risque de s'aggraver de manière assez considérable pendant l'été, c'est-à-dire au moment des congés" affirme-t-il sur franceinfo.

Il n'y a pas beaucoup de professions qui accepteraient de revenir travailler sur leurs congés. Ça doit se payer. 

"Et quant à espérer former de nouveaux personnels, je rappelle qu'il faut presque cinq ans pour former une infirmière opérationnelle et qu'il faut presque quinze ans pour former des urgentistes opérationnels, ajoute le vice-président du syndicat des médecins de l'Isère. Ce qui risque en effet de faire un peu juste d'ici les congés estivaux. Luc Duquesnel aussi craint que "l'été ne soit très difficile pour certains Français qui auront besoin de soins sur certains territoires".

Certains personnels seront ainsi forcés de revenir sur leurs congés. "Il n'y a pas beaucoup de professions qui accepteraient de revenir travailler. On aime bien notre métier mais à un moment donné, la tâche est très contraignante", s'agace Rémi Salomon. Pour payer ce sacrifice, il réclame de l'argent au futur ministre de la Santé. "Ça doit se payer. Dans l'immédiat, qu'on paye bien les heures supplémentaires, les retours de congés. Ce sera peut-être une enveloppe qui sera assez important à l'échelle de la Nation, mais en même temps, est-ce qu'on peut accepter de ne plus avoir accès aux soins ?" 

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