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Hôpital public : la rémunération des médecins intérimaires plafonnée dès ce lundi

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

Le gouvernement impose le plafonnement strict de la rémunération des intérimaires à partir de ce lundi 3 avril. L'exécutif ne veut plus de ce qu'il appelle "l'intérim mercenaire", où certains praticiens font monter les enchères au-delà du plafond. Un surcoût dangereux pour l'hôpital public.

Le gouvernement va strictement plafonner la rémunération des médecins intérimaires à partir de ce lundi Le gouvernement va strictement plafonner la rémunération des médecins intérimaires à partir de ce lundi
Le gouvernement va strictement plafonner la rémunération des médecins intérimaires à partir de ce lundi © AFP - Nicolas Guyonnet / Hans Lucas

À partir de ce lundi 3 avril, les hôpitaux publics ne pourront plus payer un médecin au-dessus du tarif maximum de 1.390 euros brut pour une garde de 24 heures, sous peine de poursuites judiciaires. Le gouvernement applique une mesure votée en janvier 2016, suspendue à cause de l'épidémie de Covid puis renforcée par la loi Rist en avril 2021. Les principaux intéressés sont furieux et certains menacent de ne plus venir travailler, au risque de provoquer la fermeture de services clefs - urgences, blocs opératoires, maternité - à travers la France. Que va changer l'application de cette mesure ? Pourquoi les médecins intérimaires sont-ils en colère ? France Bleu vous explique.

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Qu'est-ce qu'un médecin intérimaire ?

Comme tout travailleur intérimaire, un médecin intérimaire est amené à venir renforcer les équipes d'un hôpital : "Un médecin intérimaire ou remplaçant est un praticien de la santé qui n’est pas salarié. Il peut exercer en intérim avec des contrats de courte durée, le plus souvent à la semaine ou au mois" explique le site Egora, spécialisé de l'actualité des médecins. Le médecin intérimaire officie très souvent dans des petits hôpitaux.

Dans les périodes de tension sur les plannings, "les médecins intérimaires constituent une réserve pour les hôpitaux, notamment dans les périodes de congés d’été ou de fêtes de fin d’année. Ils sont donc considérés comme des renforts nécessaires". Mais le gouvernement veut désormais plafonner leur rémunération à 1.390 euros brut pour une garde 24 heures, car il pointe du doigt des abus.

"L'intérim mercenaire", un gouffre financier

À partir du 3 avril, les hôpitaux publics ne pourront donc plus payer les médecins intérimaires au-dessus du tarif maximum, sous peine de poursuites judiciaires. Le gouvernement ne veut plus de ce qu'il appelle "l'intérim mercenaire", où certains praticiens font monter les enchères bien au-delà du plafond. "Lorsque des médecins exigent 1.500, 2.000, 2.500 euros pour 24 heures, cela met en péril la continuité des soins (et) la sécurité financière de l'établissement", avait déclaré le 14 mars à l'Assemblée le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.

L'objectif de cette mesure est de faire des économies. Le gouvernement et la Fédération hospitalière de France estiment que l'intérim médical représente un surcoût de 1,5 milliard d'euros chaque année pour les finances publiques. "Il ne s'agit pas d'être contre l'intérim, mais de réguler et de plafonner son coût", a assuré le président de la FHF sur franceinfo le dimanche 12 mars.

La députée Stéphanie Rist, à l'origine de la loi qui plafonne le revenu des médecins intérimaires, s'est aussi justifiée sur France Bleu Orélans ce lundi matin. "La majorité des médecins intérimaires n'avaient pas de tarifs excessifs, mais certains touchaient jusqu'à 5.000 euros pour 24h de travail", a-t-elle rappelé, mettent également en avant la qualité et le suivi des soins dans les hôpitaux.

Des hôpitaux menacés par cette mesure ?

L'exécutif joue gros dans cette affaire. Un peu partout à travers la France, des hôpitaux, en particulier dans les villes moyennes, ont déjà prévenu qu'ils risquaient de fermer plus ou moins temporairement des services, faute de pouvoir recruter des intérimaires exigeant plus que le plafond. Les fermetures pourraient notamment concerner des services clefs comme les urgences ou les blocs opératoires.

Selon France Bleu Berry, le service de soins gériatriques de l'hôpital d'Issoudun va fermer temporairement à Issoudun (Indre), faute de médecin intérimaire recruté au tarif réglementé. L'hôpital de Châteauroux doit aussi se réorganiser tout comme les urgences de l'hôpital de Briey (Meurthe-et-Moselle), indique France Bleu Lorraine Nord. Dans la Loire, à l’hôpital de Feurs, tous les intérimaires ont décidé de partir. La direction est obligée de fermer le service des urgences et d'envoyer les patients à Montbrison, rapporte France Bleu Saint-Etienne Loire.

Le Syndicat national des médecins intérimaires hospitaliers (SNMRH), vent debout contre tout plafonnement de la rémunération, a publié sur son site internet une liste de 69 établissements à travers la France qui pourrait être amenés selon lui à fermer des services. "C'est toute la survie de nos structures hospitalières publiques, partout en France, petites et moyennes de proximité" qui est en jeu, a affirmé ce lundi 27 mars le syndicat dans une lettre ouverte aux élus.

L'application de cette mesure inquiète l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Le syndicat "alerte sur la loi d'encadrement de l'intérim médical", qui se traduira selon lui par ces "fermetures au mépris des malades". Mêmes "préoccupations" chez les maires de l'Association des petites villes de France (APVF), qui "souhaitent la fin du mercenariat" dans leurs hôpitaux, mais réclament déjà "des dérogations circonstanciées" afin d'éviter des fermetures de services début avril.

Arnaud Robinet a reconnu sur franceinfo que les établissements allaient rencontrer "des difficultés" dans l'application de cette loi, avec "un risque de façon temporaire" de voir des services fermer dans un "grand nombre de villes", notamment des villes moyennes. "On espère que cette période sera la plus courte possible" a-t-il poursuivi.

"Les Français ne seront plus soignés correctement à partir de lundi"

Ce plafonnement indigne les principaux intéressés : "C'est inadmissible, on veut nous dévaloriser", a assuré le médecin urgentiste Eric Reboli ce dimanche matin sur franceinfo. Le porte-parole du Syndicat national des médecins hospitaliers remplaçants (SNMHR) assure que "80% des intérimaires" touchent entre "40 et 65 euros de l'heure", un salaire qu'il juge "décent". Il prend exemple sur sa propre situation : "Là je suis de garde, j'attaque ma 23ème heure de travail de suite. Je pense que ce salaire est raisonnable" a-t-il jugé.

Avec ce plafonnement, les médecins remplaçants risquent selon lui de déserter l'hôpital : "Les Français ne seront plus soignés correctement", a-t-il alerté.

Vers des réquisitions des intérimaires ?

Pour faire passer la pilule et dans l'espoir d'éviter une grève des intéressés et des fermetures de services un peu partout en France, le ministre de la Santé François Braun a décidé de revaloriser de 20% le plafond de rémunération. Il va passer de 1.170 euros brut pour 24 heures à 1.390 euros. Il s'agit d'une "remise à niveau par rapport aux revalorisations qui ont eu lieu pour les médecins hospitaliers" depuis 2016, date à laquelle le montant de 1.170 euros avait été fixé, a précisé le ministère.

François Braun a également annoncé la revalorisation de la "prime de solidarité territoriale", qui rémunère les médecins hospitaliers acceptant d'aller donner un coup de main dans les hôpitaux de leur région. Il s'agit "d'un praticien en hôpital qui, en plus de son travail habituel, accepte d'aider un autre hôpital, en difficulté", dans des spécialités en tension comme les urgences, la radiologie ou la pédiatrie, a expliqué le ministre. La revalorisation de la prime sera décidée localement par les Agences régionales de santé (ARS). Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Arnaud Robinet, a aussi réclamé la possibilité pour les préfets de "réquisitionner les personnels le moment venu et notamment les intérimaires".

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