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Après la mort de son fils "shooté aux médicaments", un Drômois va saisir la justice contre un hôpital psychiatrique

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Jean-Claude, habitant de Crest, va saisir le tribunal administratif de Grenoble contre le CH Drôme Vivarais suite au décès de son fils de 19 ans, Noé, en 2022. Il souffrait d'anxiété et de multiples addictions. Il est décédé d'un arrêt cardiaque après une prescription de Subutex.

Une boîte de chlorhydrate de buprénorphine, plus connu sous le nom de Subutex Une boîte de chlorhydrate de buprénorphine, plus connu sous le nom de Subutex
Une boîte de chlorhydrate de buprénorphine, plus connu sous le nom de Subutex © Maxppp - Jean-Marc Lallemand/BELPRESS/MAXPPP

Il fait partie d'un groupe de plusieurs parents qui dénonce la surmédication dont a été victime leur enfant : Jean-Claude, drômois, va déposer dans les prochaines semaines un recours devant le tribunal administratif de Grenoble. Il espère une suite juridique à la mort de son fils, Noé, 19 ans, en octobre 2022. Ce dernier, anxieux et souffrant de dépendances à des stupéfiants, a été suivi par le CMP de Crest (Centre Médico Psychologique), géré par le Centre Hospitalier Drôme Vivarais, à Montéléger, où il a également fait plusieurs séjours.

Pour soigner ses addictions et ses angoisses, les psychiatres ont prescrit à Noé plusieurs médicaments, jusqu'à du Subutex (Buprénorphine). Un mois plus tard, il était mort, selon l'autopsie suite à un arrêt respiratoire provoqué par ce traitement, raconte Jean-Claude. "Mon fils fumait beaucoup de cannabis. Pour soigner ses addictions, il était tellement shooté aux médicaments, qu'il était devenu un vrai zombie. On avait alerté l'hôpital à plusieurs reprises. Le 13 octobre, les gendarmes nous ont appelés, ma femme et moi, pour nous dire que Noé était mort. C'était horrible. [...]

Nous avons contacté le Centre Hospitalier Drôme Vivarais, par email et au téléphone directement. Les responsables ne souhaitent pas s'exprimer sur le décès de Noé.

"Ça aurait pu être évité"

Jean-Claude affirme qu'il n'a pas de colère dans sa démarche, par rapport au corps médical ou à la psychiatrie, "les gens qui y travaillent sont formidables pour la plupart", dit-il. Mais *m*on fils était livré à lui-même, il voyait le psychiatre, on lui donnait une ordonnance, et puis rentrez chez vous. On a plusieurs fois alerté le CMP (Centre Médico-Psychologique) mais il prenait mal son traitement. Des cas comme lui il y en a plein, c'est un accident qui aurait pu être évité.

Deux ans plus tard, l'amertume de Jean-Claude se concentre sur le Subutex, médicament qui est un substitut de synthèse aux opiacées, c'est-à-dire à l'héroïne. "Mon fils n'en prenait pas", affirme-t-il. Il est néanmoins possible que Noé ait déclaré en consommer pour obtenir le médicament. Jean-Claude ajoute : "la prise de Subutex doit être très encadrée, potentiellement il y a des risques lorsqu'on le prend avec d'autres médicaments. Pourtant, on l'a renvoyé chez lui, seul, avec son sac plein de médicaments. Ça ne marche pas."

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Les médicaments peuvent tuer

Selon le docteur Bruno Revol, pharmacologue interrogé par nos confrères de France Bleu Isère. "Oui, un médicament peut tuer. Tout médicament présente des bénéfices et des risques. C'est ce rapport bénéfices-risques qu'il faut évaluer". Il faut faire attention au surdosage, ajoute-t-il. "Les médicaments de substitution, comme la méthadone ou la buprénorphine, plus connue sous le nom de Subutex, peuvent tuer. Pourtant, quand on a commencé à en donner, en France, dans les années 90, on en a vu les bienfaits chez les usagers de drogue. Cela a réduit la mortalité, les infections par VIH. Mais certaines complications cardiaques, liées en particulier à la méthadone, peuvent survenir quand on en prend avec d'autres médicaments ou d'autres drogues" explique le docteur Revol.

Il cite notamment des sédatifs, comme les benzodiazépines, qui peuvent, associés au Subutex, provoquer une dépression du système nerveux central et une détresse respiratoire. C'est ce qui a tué Noé selon le rapport d'autopsie. En 2019, on a enregistré 648 décès par surdose en France. Le Dr Revol évoque un antidote contre les overdoses, qui existe mais nécessite la présence d'un infirmier ou d'un médecin, le Narcan.

Surmédication non accompagnée

C'est ce que dénonce Jean-Claude dans le cas de son fils Noé. "Le traitement avait fait de lui un zombie, avant même le Subutex. Vous le croisiez dans la rue, vous aviez l'impression de voir un toxicomane hagard, mais il était shooté aux médicaments. Il ne s'agit pas d'exonérer mon fils, mais on avait alerté pour dire que la prise en charge ne fonctionnait pas, qu'il fallait un meilleur suivi. Mon fils était incapable d'exercer un métier. Il l'a fait, mais évidemment les gens quand ils l'ont vu ne l'ont pas pris, il était hagard, pas apte. Donc comment voulez-vous vous réinsérer ? On s'enferme, on continue les médicaments. Comme l'hôpital n'a plus de moyens, les médicaments c'est un moyen d'externaliser la prise en charge.

Aujourd'hui, Jean-Claude va entamer cette démarche d'un recours devant le Tribunal Administratif de Grenoble pour que "les pratiques changent". Reste toujours ce sentiment de culpabilité. "C'est vrai qu'on se demande souvent ce que l'on aurait dû faire, ce que l'on n'a pas fait" s'interroge-t-il. "Avec notre fils, nous n'avons jamais perdu le lien. La veille de sa mort, j'ai parlé avec lui au téléphone. Avant de raccrocher, il m'a dit : Papa, je t'aime. Et cela est précieux pour nous" conclut Jean-Claude, des larmes dans la voix.

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