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"La dose de rappel génère deux fois plus d'anticorps que les deux premières", selon un infectiologue

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Alors que le gouvernement semble se diriger vers l'élargissement à tous les adultes de la dose de rappel du vaccin contre le Covid-19 dans les prochaines semaines, le professeur Pierre Tattevin du CHU de Rennes explique pourquoi cette dose sera décisive pour enrayer la cinquième vague.

Selon le professeur Pierre Tattevin du CHU de Rennes, "un mois après la dose de rappel, les anticorps sont deux fois plus forts qu'après les deux premières doses" Selon le professeur Pierre Tattevin du CHU de Rennes, "un mois après la dose de rappel, les anticorps sont deux fois plus forts qu'après les deux premières doses"
Selon le professeur Pierre Tattevin du CHU de Rennes, "un mois après la dose de rappel, les anticorps sont deux fois plus forts qu'après les deux premières doses" © AFP - Aline Morcillo / Hans Lucas

La cinquième vague du Covid-19 s'amplifie en France et le gouvernement cherche la parade. Emmanuel Macron préside mercredi un Conseil de défense sanitaire et la question de la dose de rappel sera au cœur de la réflexion. Actuellement disponible pour les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes souffrant de comorbidités et les soignants, cette dose de rappel pour tous est préconisée par les deux instances scientifiques qui conseillent le gouvernement. 

Un avis partagé par le professeur Pierre Tattevin, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes et président de la Société de pathologie infectieuse de langue française. 

France Bleu : Le gouvernement semble se diriger vers l'élargissement de la dose de rappel anti-Covid pour tous les adultes dans les semaines à venir. C'est ce qu'il faut faire pour enrayer cette cinquième vague ? 

Pr Pierre Tattevin : Oui, absolument. Il y a beaucoup d'arguments pour le faire. Tout d'abord, les personnes atteintes du Covid que l'on voit actuellement à l'hôpital sont le plus souvent non-vaccinées. Et lorsque cela touche des personnes vaccinées, ce sont des gens qui sont à cinq, six ou sept mois de leur primovaccination. Nous avons l'impression que nous arrivons à l'essoufflement de l'efficacité du vaccin. Mais cela ne doit pas être interprété comme un signal nous obligeant à devoir faire un rappel tous les six mois. Il y a beaucoup de vaccins qui fonctionnent de la même façon : une première dose puis quelques mois plus tard, une dose de rappel pour consolider la réponse immunitaire de manière durable. Nous pensons que le vaccin contre le Covid va fonctionner ainsi grâce à l'enseignement de plusieurs études provenant de pays qui ont déployé les doses de rappel plus tôt que chez nous. Ces études montrent que les anticorps qu'on mesure un mois après la dose de rappel sont au moins deux fois plus forts que ceux qu'on obtenait après les deux doses initiales. 

A quel point la dose de rappel est-elle efficace et comment agit-elle sur notre immunité ? 

Le mot "rappel" explique bien l'effet du vaccin sur le système immunitaire. Avec les premières doses, on l'a éduqué pour qu'il apprenne à se défendre contre ce virus. Ensuite, pour que le système immunitaire s'en rappelle pour longtemps, il a besoin d'une confrontation avec des morceaux du virus quelques mois plus tard. Donc la dose de rappel vient consolider la mémoire de notre système immunitaire. Et cela de façon durable. C'est exactement ce qui se passe avec les vaccins pour les bébés contre la diphtérie, le tétanos ou la polio. On leur fait deux vaccins à deux mois d'intervalle, lorsqu'ils sont âgés de 2 et 4 mois environ. Et si on veut que cette immunité dure des années, on leur injecte un nouveau vaccin quelques mois plus tard. C'est pour cela que ça s'appelle un rappel, et c'est une dose nécessaire pour que cela dure longtemps. 

Nous commençons à avoir des bonnes données sur la tolérance à la dose de rappel, grâce aux études réalisées dans les pays qui nous précèdent. Je veux rassurer les gens et leur dire que cette troisième dose est aussi bien tolérée que les deux premières. Il n'y a pas à s'inquiéter. 

Il n'y aura donc pas besoin de faire un vaccin contre le Covid tous les ans, sur le modèle du vaccin contre la grippe ? 

Ce qui nous oblige de refaire un nouveau vaccin contre la grippe tous les ans, ce n'est pas la perte de l'efficacité du vaccin, c'est surtout que le virus change tous les ans. Le virus de la grippe mute beaucoup, et il mute plus que le Covid. C'est pour cela qu'on le change tous les ans et qu'on change même sa composition. Les souches du Covid ont très peu bougé depuis le début par rapport à la grippe. C'est ce qui explique que la protection immunitaire que nous avons grâce aux deux premières doses restent efficaces contre le variant Delta. Il faut néanmoins une dose de rappel pour que ce soit plus solide et durable. 

Actuellement, seuls les plus de 65 ans sont éligibles à la dose de rappel. Le gouvernement donne l'impression de tarder à prendre la décision de l'élargir à tous les adultes. Est-ce la bonne décision à prendre ? 

Oui, je pense que c'est la bonne décision mais qu'il faut le faire par étape. Sinon nous risquons de déborder nos capacités à vacciner. C'est assez logique de reprendre les mêmes séquences que celles de l'hiver dernier. Commencer par les plus fragiles, les personnes âgées et les gens atteints de maladies, parce que ce sont ceux qui sont à la fois le plus à risque de faire des formes graves mais aussi d'avoir perdu les anticorps de la vaccination d'il y a quelques mois. Et lorsque la vaccination aura bien avancé dans ces deux catégories de personnes, alors il faudra certainement l'étendre progressivement. Mais si on disait à partir de demain : "Ok, tout le monde doit faire sa troisième dose", on risquerait de créer des embouteillages et ce serait difficile. 

Avec l'arrivée du vaccin, de nombreux centres de vaccination ont ouvert partout dans le pays. La plupart sont désormais fermés. Va-t-il falloir les rouvrir ? Ou se rendra-t-on chez son médecin pour se vacciner ?

Je crois qu'il serait plus logique de favoriser la vaccination chez son médecin traitant. Ils ont toujours été en première ligne pour la vaccination. Ca n'avait pas pu être fait l'hiver dernier puisqu'il y avait d'importantes contraintes logistiques, avec les congélateurs pour conserver les sérums, etc. Mais maintenant que la logistique est beaucoup plus maîtrisée et qu'on peut se faire vacciner dans les pharmacies ou chez les médecins traitants, ça paraît plus logique. Ca s'intègre à notre système de santé tel qu'il fonctionne. Et il me semblerait compliqué de rouvrir les centres de vaccination puisqu'ils fonctionnaient avec des médecins et des infirmières. Etant donné les problèmes de personnels dans nos hôpitaux, cela reviendrait à déshabiller l'hôpital pour rouvrir des centres qui ne sont pas indispensables. 

Au CHU de Rennes, comment ressentez-vous cette cinquième vague ? Est-ce que c'est "fulgurant" comme le dit le gouvernement ? 

Ce qui est fulgurant, c'est lorsqu'on regarde les courbes des nouvelles contaminations et cela se reflète à l'hôpital. On a une franche augmentation du nombre de patients qui doivent être hospitalisés mais nous sommes très loin des vagues antérieures. Grâce au vaccin, nous espérons pouvoir avoir un décalage entre le nombre très important de nouveaux cas et un faible taux de saturation dans nos services, au moins dans les régions où les gens sont bien vaccinés. Et nous savons maintenant que le virus va réapparaître de temps en temps, et que nous serons d'autant plus solides face à lui que nous serons bien vaccinés. Quand le virus a fait un retour en France au mois d'août dernier, les régions qui étaient bien vaccinées n'ont pas trop souffert. Ca a été indolore pour les hôpitaux. Mais cette fois-ci le virus revient alors que notre population est moins bien protégée en raison de la baisse de l'efficacité du vaccin après cinq ou six mois. 

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