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Grande-Synthe : ce que l'on sait de l'assassinat de Philippe, battu à mort

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Deux suspects de 14 et 15 ans ont été mis en examen vendredi 19 avril pour "assassinat" et placés en détention provisoire, après la mort de Philippe, 22 ans, mardi soir à Grande-Synthe. Un troisième mineur est mis en examen pour "meurtre avec guet-apens". France Bleu fait le point sur l'affaire.

Marche blanche en hommage à Philippe, tué à Grande-Synthe : ses frères déposent une gerbe de fleurs blanche sur le lieu de l'agression Marche blanche en hommage à Philippe, tué à Grande-Synthe : ses frères déposent une gerbe de fleurs blanche sur le lieu de l'agression
Marche blanche en hommage à Philippe, tué à Grande-Synthe : ses frères déposent une gerbe de fleurs blanche sur le lieu de l'agression © Radio France - Alice Marot

Trois mineurs sont mis en examen et écroués pour la mort d'un homme de 22 ans, Philippe, dans la nuit du 15 au 16 avril à Grande-Synthe (Nord). France Bleu revient sur les circonstances et les conséquences de ce meurtre.

L'essentiel

  • Dans la nuit du 15 au 16 avril, Philippe Coopman est passé à tabac et laissé pour mort près d'un parking de de Grande-Synthe. Il succombe à ses blessures le mardi soir.
  • Le mercredi suivant, deux adolescents de 14 et 15 ans sont interpellés.
  • Le 19 avril, une marche blanche rassemble 1.500 personnes.
  • Le même jour, lors d'une conférence de presse, la procureure de la République annonce la mise en examen des deux suspects pour assassinat et leur incarcération.
  • Le 24 avril, un troisième mineur a été mise en examen, cette fois pour "meurtre avec guet-apens".

Une agression violente aux contours encore flous

La victime a été agressée dans la nuit de lundi à mardi à Grande-Synthe, près de son domicile. Un appel a été passé à 1h50 à Police Secours, qui a découvert Philippe sur le parking d'un supermarché, inconscient, avec "plusieurs traces de coups, notamment au visage", d'après le parquet de Dunkerque, qui a ouvert dès mercredi une enquête pour "meurtre en bande organisée". Transporté à l'hôpital avec un pronostic vital engagé, il a en effet succombé à ses blessures dans la soirée du mardi. La brigade criminelle de la police judiciaire est chargée de l'enquête.

Selon les indications de la procureure de la République, Charlotte Huet, un ami de la victime affirme qu'il était en ligne avec lui au moment des faits et qu'il a entendu des voix déclarant qu'il fallait "encercler la victime" pour éviter qu'elle ne s'échappe.

Deux mineurs ont rapidement été interpellés : l'un, âgé de 14 ans, arrêté mercredi tôt matin, l'autre, âgé de 15 ans, à la mi-journée. Lundi 22 avril, un troisième mineur a été placé en garde à vue. Il s'agit d'un cousin de l'un des deux mis en examen. Ce jeune, également âgé de 15 ans, avait été agressé dans la nuit du 19 au 20 avril. Sur ces faits d'agression, une enquête a été ouverte pour "violences volontaires en réunion". Arrêté à la sortie de l'hôpital, il a été mis en examen et écroué à son tour le 24 avril pour "meurtre avec guet-apens".

Lors de sa conférence de presse du 19 avril, la procureure avait indiqué que les enquêteurs étaient toujours à la recherche d'autres suspects."Les faits pourraient avoir été commis par au moins trois individus" , avait indiqué le parquet de Dunkerque mercredi.

Les suspects reconnaissent le guet-apens

La procureure de la République a livré quelques éléments sur les propos tenus en garde à vue. Les adolescents reconnaissent avoir monté un guet-apens à travers un site de rencontre baptisé Coco. Ils affirment s'être fait passer pour une jeune fille mineure, afin de fixer un rendez-vous à la victime. Selon leurs dires, ils auraient vérifié que Philippe était bien celui avec qui ils avaient rendez-vous, en faisant sonner son téléphone.

Les portables des uns et des autres sont en cours d'examen et ces allégations doivent être vérifiées, a précisé Charlotte Huet. Les proches de Philippe indiquent que la victime était sur les lieux par hasard et non pour répondre à une petite annonce.

Pour les suspects, ajoute la procureure, le fait de piéger une personne en se faisant passer pour une mineure est une façon qu'ils ont de se dédouaner, en quelque sorte, du crime. Elle précise toutefois qu'en garde à vue, l'un des deux a commencé à prendre conscience de la gravité des faits et de l'ampleur des conséquences. Le vol comme mobile ne peut pas non plus être écarté, à ce stade de l'enquête. L'organisation du guet apens est une circonstance aggravante qui motive la mise en examen pour assassinat.

Sur l'agression en elle-même, les deux garçons ont utilisé du gaz lacrymogène qui a fait tomber Philippe à terre. L'adolescent de 14 ans "admet avoir donné des coups de pied à la victime au sol", mais il affirme qu'il n'avait "pas l'intention de la tuer". L'autre suspect "reconnait sa présence sur les lieux, mais réfute d'avoir donné des coups". L'autopsie montre que la mort de Philippe a été causée par plusieurs coups à la tête. Elle ne permet pas de mettre en évidence l'utilisation d'une arme.

Enquête sur d'autres agressions du même type

Les deux mis en examen sont également soupçonnés d’avoir tendu un piège similaire, quelques jours auparavant, à un autre homme, qui a réussi à s'échapper. La procureure de la République a confirmé, lors de sa conférence de presse, qu'une enquête était en cours sur des agressions similaires.

Le parquet "invite toute personne qui aurait été victime d'agression ou de tentative" de ce genre à "se manifester" auprès des enquêteurs. Charlotte Huet explique d'ailleurs qu'elle a reçu le matin une "nouvelle plainte sur des faits antérieurs".

Des mineurs déjà connus de la justice

Les deux mis en examen ont déjà été déclarés coupables par le passé : le jeune de 14 ans, à trois reprises pour des violences en 2023. Celui de 15 ans a été condamné pour des dégradations en 2022 et il a été déclaré coupable pour vols en réunion en 2023.

Après la mort de Philippe, ils sont mis en examen pour assassinat et placés en détention provisoire.

Philippe, une "gentillesse débordante"

Au sein de la commune, depuis le crime, les hommages ont été nombreux pour saluer la mémoire du jeune homme. Philippe était un garçon "serviable, aimant et aimé de tous" ont expliqué ses amis, d'une "gentillesse débordante" a ajouté le maire de Grande-Synthe lors de la marche blanche. Martial Beyaert a rapidement rencontré les deux frères de la victime et organisé avec eux le rassemblement de vendredi.

Philippe avait travaillé comme animateur dans des centres de loisirs de la ville "sur des petits contrats d'été". Il avait aussi été surveillant de cantine, a indiqué à l'AFP Benoit Ferré, le directeur de cabinet du maire, et "devait commencer à travailler chez Amazon prochainement".

Les participants à la marche blanche déposent des fleurs sur les lieux où Philippe a été agressé.
Les participants à la marche blanche déposent des fleurs sur les lieux où Philippe a été agressé. © Radio France - Alice Marot

Choc local, émotion nationale

La mobilisation des habitants lors de la marche blanche qui a rassemblé 1.500 personnes et le succès de la cagnotte Leetchi organisée pour aider la famille témoignent du choc ressenti à Grande-Synthe et au-delà.

La population a été saisie par l'horreur des faits, particulièrement violents. Le maire a condamné une "agression barbare" qui a frappé "un enfant de Grande-Synthe". Il y aura "un avant et un après" a témoigné Martial Beyaert lors de la marche blanche.

Mais l'élu socialiste a aussi mis en garde contre la récupération politique et une autre violence, celle des réseaux sociaux. Dans un message diffusé mardi soir sur Facebook, il a demandé à ses administrés "de ne pas céder aux injonctions, aux dérapages, sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours ". En conférence de presse, Martial Beyaert a condamné "les exactions de la fachosphere sur les réseaux sociaux" et rappelé que "Grande-Synthe n'était pas une zone de non droit".

Le meurtre de Philippe avec l'implication de mineurs intervient après plusieurs faits divers concernant de très jeunes gens, comme la mort d'un collégien à Viry-Châtillon. Ces événements ont conduit le gouvernement à annoncer ce jeudi une série de mesures contre la violence des adolescents. Invité le même jour sur BFMTV, le Premier ministre Gabriel Attal a qualifié l'agression à Grande-Synthe d'acte "barbare", considérant l'affaire comme "une nouvelle évocation" des violences qu'il entend combattre.

"Philippe n'était pas un fait divers, mais un jeune homme attentionné" a déclaré l'un de ses amis à l'issue de la marche blanche, "c'était un ami, un frère, un collègue, il n'appartient à personne".

Les obsèques du jeune homme ont eu lieu le mercredi 24 avril, en l'église de Grande-Synthe. Environ 500 personnes y ont assisté, mais pas le maire, qui fait l'objet, affirme-t-il de menaces de mort.

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