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Les 24 Heures du Mans, un siècle d'innovations

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Vous n’imaginez pas tout ce que les 24 Heures du Mans ont apporté à votre mobilité. Retour sur un siècle d'innovations très concrètes avec Bruno Vandestick, speaker officiel des 24 Heures du Mans.

Les 24 Heures du Mans ont 100 ans ! La première édition de cette course d'endurance a eu lieu les 26 et 27 mai 1923. Elle fut remportée par une voiture de la marque Chenard & Walcker qui effectua 128 tours de piste à la vitesse fantastique de 92 km/h de moyenne.

Aujourd'hui, la vitesse des voitures peut dépasser les 400 km/h. L'Automobile Club de l'Ouest (ACO), qui organise la course, et les constructeurs ont innové pour faire gagner la sécurité. Des innovations que l'on retrouve aujourd'hui sur les routes de France.

Les 24 heures du Mans ont 100 ans.
Les 24 heures du Mans ont 100 ans. © Radio France - Cédric Dumaine

Bruno Vandestick est le speaker officiel des 24 Heures du Mans depuis 1993. Il raconte :

"L'automobile est une création française, conçue au Mans en 1873 par Amédée Bollée. La première automobile s'appelle L’Obéissante et c'est à son volant qu'Amédée Bollée réalise en 1875 le trajet Le Mans-Paris. Il lui faudra 18 heures pour parcourir cette distance."

De la terre au bitume

À l'époque, les routes de France sont la plupart du temps des chemins de terre. La circulation des véhicules n'est alors pas des plus faciles. Pour que l'automobile puisse se développer, il faut améliorer ces moyens de communication que sont les routes.

"Les routes des 24 Heures du Mans vont servir de route laboratoire" raconte Bruno Vandestick. Il faut dire qu'il y a urgence quand on sait que les premières éditions des 24 Heures du Mans se font sur des routes de terre. Le circuit devient avec le temps un laboratoire d'essai pour les Ponts et Chaussées.

"Dans les années 20, l’ACO lance une campagne intitulée “Pour sauver les routes de France, modernisons-les économiquement.” On fait des démonstrations de goudronnage sur la route “laboratoire” du circuit des 24 Heures du Mans. Les pouvoirs publics se montrent très intéressés et s'inspirent des techniques de goudronnage testées au Mans, qui sont parmi les moins chères et les plus rapides de leur époque."

Voilà comment on a commencé en France à goudronner les routes, sous l'influence, là aussi, de l'Automobile Club de l'Ouest et des 24 Heures du Mans.

Une partie du circuit des 24 heures du Mans est composée de routes départementales.
Une partie du circuit des 24 heures du Mans est composée de routes départementales. © Radio France - Cédric Dumaine

Bouclez-la !

"L'image qui a marqué les esprits quand on parle des 24 Heures du Mans, c'est celle des départs type “Le Mans” avec les voitures placées en épi, côté stands et en face, côté tribunes, les pilotes qui entamaient ce grand marathon mécanique par un sprint pour sauter à bord de leur voiture et partir. C'était très spectaculaire, mais cela n'existe plus depuis cinquante ans" rappelle Bruno Vandestick.

En 1969, un pilote proteste contre ce type de départ. Pour lui, la sécurité est en jeu parce que les voitures ont gagné en puissance et que certains pilotes, pressés de partir avant les autres, se lançaient dans la course sans prendre le temps de s'attacher.

Le circuit des 24 heures du Mans, vu depuis la ligne d'arrivée.
Le circuit des 24 heures du Mans, vu depuis la ligne d'arrivée. © Radio France - Cédric Dumaine

Ce pilote, c’est Jacky Ickx. Il traverse la piste en marchant, se place à bord de sa Ford GT40, part bon dernier et gagne la course, 24 heures plus tard, après un dernier tour d'anthologie. Il s'impose en franchissant la ligne d'arrivée avec une seconde et demie d'avance.

Jacky Ickx obtiendra gain de cause. La transition va se faire en deux ans. En 1970, les voitures sont toujours en épi, mais les pilotes sont à bord, sanglés. C'est l'image du départ type “Le Mans”, puis à partir de 1971 le départ est donné lancé. Les pilotes sont dans leurs voitures, harnachés et casqués.

La décennie 1970 voit d'ailleurs la ceinture de sécurité s'imposer partout en France. Il devient obligatoire de la porter dans toutes les voitures, pour les places à l'avant dans un premier temps.

L'endurance avant la vitesse

Comme le rappelle Bruno Vandestick : "La notoriété des 24 Heures du Mans s'est bâtie sur l'engagement des constructeurs, sur la notoriété des pilotes aussi, qui font rêver, et puis sur la spécificité de son terrain de jeu : le circuit des 24 Heures du Mans. Un tour de piste, c’est 13,626 km, dont le passage des Hunaudières, une grande ligne droite de cinq kilomètres sans chicane."

La ligne droite des Hunaudières, c'est ici que les voitures réalisent des pointes de vitesse. En 1963, pour la première fois, on atteint pendant les essais 300 km/h. En 1988, une voiture est même prise au radar à 405 km/h. À cette vitesse, les véhicules sont mis à rude épreuve, les accélérations et décélérations exercent des pressions folles sur les châssis.

"Quand on y pense, un avion de ligne à 250 km/h, il décolle" rappelle Bruno Vandestick. Il arrive que les voitures subissent le même phénomène et deviennent des dangers pour le public et les pilotes.

Bruno Vandestick sur la chicane Daytona des Hunaudières
Bruno Vandestick sur la chicane Daytona des Hunaudières © Radio France - Cédric Dumaine

Comme le raconte le speaker officiel des 24 Heures du Mans : "La priorité ici devient donc la sécurité, raison pour laquelle, en 1990, la Fédération internationale du sport automobile impose l'aménagement de deux chicanes dans les Hunaudières qui obligent les voitures à ralentir. L'idée est vraiment de casser la vitesse."

"Aux 24 Heures du Mans, aujourd'hui, les voitures continuent d'aller très vite, mais moins longtemps, et quelque part aujourd'hui, au Mans, la passion continue de se vivre à fond."

Les 24 Heures à l'origine de marques légendaires

La naissance de la légende Ferrari aux 24 Heures du Mans remonte à 1949, l'année de réorganisation de la course après la Seconde Guerre mondiale.

La marque Ferrari est en réalité née en 1947. Le pilote Luigi Chinetti, qui a gagné les 24 Heures du Mans dans les années 1930, veut engager cette toute nouvelle Ferrari 166 MM aux 24 Heures du Mans, mais Enzo Ferrari est réticent. Pour le constructeur, la course est dure et une contre-performance ferait office de contre-publicité.

"Luigi Chinetti trouve donc une astuce" raconte Bruno Vandestick : "Il fait acheter la voiture par un lord anglais, Lord Selsdon, et une fois qu'on a la voiture, on fait ce qu'on veut. Voilà comment une voiture Ferrari apparaît sur la liste des participants en 1949 alors que la marque est inconnue du grand public."

Habitacle d'une Ferrari 166 MM exposée au Musée des 24 heures du Mans
Habitacle d'une Ferrari 166 MM exposée au Musée des 24 heures du Mans © Radio France - Cédric Dumaine

Mais Lord Selsdon n'a pas la finesse de pilotage que souhaite Luigi Chinetti. Il lui faut une idée pour se débarrasser de son encombrant partenaire. Le vendredi, veille de la course, il amène donc Lord Selsdon à une bonne table sarthoise. Il y a de quoi bien manger, mais surtout de quoi bien boire. La légende raconte que Luigi Chinetti aurait commandé de nombreux verres de cognac lors de cette soirée. Lord Selsdon les aurait bus avec plaisir pendant que Luigi Chinetti renversait discrètement les siens dans un bac à fleurs à proximité.

Le samedi matin, Lord Selsdon n'est pas du tout en état de piloter. Luigi Chinetti va donc garder le volant pendant 22 heures 30. Il ne laisse sa place à son coéquipier que le dimanche pour 90 minutes.

"On dira que c'est le minimum syndical" s'amuse Bruno Vandestick. C'est ainsi qu'une marque inconnue du grand public, Ferrari, gagne les 24 Heures du Mans 1949 en présence du président de la République, Vincent Auriol.

Par la suite, Ferrari gagne neuf fois les 24 Heures du Mans. La marque est d'ailleurs de retour en 2023 pour l'édition du centenaire.

MissionH24, vers des voitures non polluantes

Les innovations techniques sont nombreuses à avoir vu le jour aux 24 Heures du Mans. C'est la notion de course utile.
On pourrait citer le goudronnage, l'éclairage, la traction avant, le pneu radial, l'injection directe, les freins à disques, les moteurs turbines, rotatifs, turbo ou hybrides. Les constructeurs sont nombreux à être venus faire la preuve sur 24 heures de la pertinence de leurs technologies avant de les appliquer sur les voitures grand public.

Aujourd'hui, les 24 Heures du Mans tentent de relever un nouveau défi : faire rimer performance automobile et écologie.

MissionH24, quand les 24 heures du Mans se mettent à l'hydrogène
MissionH24, quand les 24 heures du Mans se mettent à l'hydrogène © AFP

Selon Bruno Vandestick : "La solution pourrait être l'hydrogène, c'est en tout cas le message que véhicule l’ACO avec MissionH24. L'idée est de mettre au point un véhicule alimenté par un moteur électrique-hydrogène."

"L'hydrogène, c'est totalement décarboné. Le groupe motopropulseur d'un véhicule électrique-hydrogène, qu'il s'agisse de camion, bus ou même voiture de course, ne rejette dans l'atmosphère que de la vapeur d’eau" rappelle Bruno Vandestick, speaker officiel des 24 Heures du Mans.

L’Automobile Club de l’Ouest travaille désormais à la création d’une catégorie réservée aux prototypes à propulsion électrique-hydrogène. Ces nouvelles motorisations propres devraient faire leur apparition pour les 24 Heures du Mans à horizon 2025, afin d'arriver enfin dans votre automobile.

Le musée des 24 heures du Mans propose des modèles réduits de toutes les engagées.
Le musée des 24 heures du Mans propose des modèles réduits de toutes les engagées. © Radio France - Cédric Dumaine

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