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Assises de la Somme : Léa n’avait "aucune chance de survie" après avoir été fauchée à Bouquemaison

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Les experts ont défilé à la barre ce jeudi pour expliquer que Léa, la jeune femme de 23 ans fauchée par une voiture en septembre 2021, n'avait aucune chance de survie, étant donné ses blessures. L'après-midi a été marquée par la prise de parole émue des proches de Léa.

Les experts se sont succédé à la barre ce jeudi matin, au deuxième du procès aux Assises de la Somme de Laura et Bernard. Les experts se sont succédé à la barre ce jeudi matin, au deuxième du procès aux Assises de la Somme de Laura et Bernard.
Les experts se sont succédé à la barre ce jeudi matin, au deuxième du procès aux Assises de la Somme de Laura et Bernard. © Radio France - Théo Caubel

Deuxième jour de procès aux assises de la Somme pour Laura et Bernard, tous deux âgés de 32 ans. Le couple est accusé d’avoir assassiné Léa, 23 ans, la nouvelle conjointe du mari avec qui, dit-il, il n’arrivait pas à rompre. Ce jeudi matin, les experts se sont succédé à la barre, notamment l’expert automobile, qui a examiné les voitures du couple. La déposition appuie le fait que les accusés ont prémédité les faits.

Les deux pannes de la voiture de l'accusé ont été provoquées

L’examen de la voiture Audi de Bernard démontre que deux pannes successives ont été provoquées sur le véhicule quelques minutes avant la mort de Léa. Première panne à 21H08, le 14 septembre 2021 : Bernard se trouve alors sur le parking de l’Ehpad où travaille Léa. L’expert indique qu’à cette heure, le capot est soulevé : une première manipulation est réalisée, elle induit un dysfonctionnement, mais n’empêche pas de rouler.

Bernard se replace derrière le volant, selon des témoins ; à 21h22, il prend la route avec Léa. Au bout d’un kilomètre, la voiture broute à deux reprises ; Bernard décide de s’arrêter après une nouvelle alerte à 21h26. C’est là, selon l’expert, que l'accusé rouvre le capot et provoque une deuxième panne, qui cette fois empêche le véhicule de rouler. "Deux manipulations très techniques, qu’il est impossible de réaliser dans le noir si on ne les a pas déjà faites, et qu’on ne s’y connaît pas en mécanique", indique l’expert. Or Bernard est un passionné de mécanique.

C’est à ce moment que Bernard et Léa décident de rentrer chez eux à pied, peu avant que Laura, l’épouse, n’arrive en voiture et renverse mortellement la jeune femme de 23 ans. La vitesse est estimée entre 85 et 90 km/h : "Au-delà de 70 km/h, un adulte qui est percuté par une voiture n’a aucune chance de survie", explique l’expert automobile. C’est ce que confirment les médecins légistes, qui ont examiné le corps de Léa le lendemain de son décès. Sa boîte crânienne a été fracassée, elle souffre d’importantes hémorragies. L’examen montre qu’elle a été frappée sur le côté droit, ce que confirme l’analyse du véhicule de Laura. "Elle a sûrement dû vivre quelques instants après le choc, mais elle n'avait aucune chance de survie après l'impact", confirme un médecin légiste.

Bernard confirme avoir dit à Léa de marcher sur le bord droit de la route, dans le sens de circulation "pour éviter d'être éblouie par les voitures arrivant en face". "Si vous aviez voulu protéger Léa, vous auriez marché dans le sens inverse de la circulation ?" demande le président. "Oui", répond l'accusé, qui reconnaît ne pas avoir proposé le gilet réfléchissant qu'il portait à sa conjointe. "Marcher dans ce sens, c'était aussi une manière pour Léa de ne pas voir arriver la voiture de Laura ? Sinon, elle aurait pu s'écarter ?" L'accusé acquiesce de nouveau.

Le témoignage bouleversant des proches de la victime

L’après-midi de ce jeudi marquée par la prise de parole de la demi-sœur de la victime, et de leur père. "On avait 12 ans d’écart avec Léa, démarre sa demi-sœur Pauline, 38 ans, à la barre. On était très proches, même si parfois la vie de famille n’est pas toujours facile et que la vie a parfois fait qu’on a pris nos distances".

Les deux sœurs se rapprochent quand Pauline se réinstalle dans la Somme en 2015, "à tel point qu’elle est la première personne que j’ai appelée, endormie par la morphine, pour lui annoncer la naissance de mon fils en 2018, sourit la jeune femme. D’ailleurs mon garçon s’appelle Léo, en l'honneur de ma sœur".

La trentenaire, quelques sanglots refoulés dans la voix, décrit Léa comme "une tata très présente : quand j’ai accouché de façon prématurée, elle a débarqué chez moi avec la voiture pleine à craquer avec des équipements pour mon fils".

Et puis le 14 septembre 2021, coup de fil des gendarmes : Léa est morte. Passé le choc, un cri de douleur, j’ai tout de suite pensé à Bernard poursuit Pauline : "Est-ce qu’il a été touché aussi ? En fait, je m’inquiétais pour l’assassin de ma sœur". La jeune femme dit avoir pensé à un ex jaloux, qui aurait pu s’en prendre à Léa : "Mais jamais j’aurais soupçonné Bernard, dit-elle, en désignant l’accusé d’un geste. Il a pleuré au téléphone, il a pris la grand-mère de Léa dans les bras… il a même choisi le cercueil de Léa !" À la tristesse, dit Pauline, s’ajoutent la colère et un sentiment de trahison : "Je ne souhaite ça à personne". Et de décrire l’absence, pesante, de Léa : "Quand mon fils fait quelque chose, mon cerveau oublie parfois… et mon premier réflexe est d’envoyer un texto à Léa. On est plongés dans un mauvais polar", ajoute la sœur de la victime, qui dit s’exprimer aussi au nom des grands-mères, des oncles, tantes et cousins de Léa.

Vient ensuite la prise de parole du père de Léa : **"Quand j’ai appris le décès de ma fille, ça faisait longtemps que je n’avais pas pleuré, explique l’homme de 65 ans. Je suis tombé de 10 étages : et puis quand on apprend que sa fille a été massacrée sur une route… même dans une colère extrême, je ne ferais pas ça à un animal". Le père de la victime précise avoir été choqué peu après le décès de sa fille : "Je lisais qu’elle était née de père inconnu : c’est moi qui ai dû me manifester auprès des autorités. J’ai le sentiment aussi qu’on dit que je ne m’intéressais pas à Léa : c’est faux ! Je voulais lui laisser son indépendance ; on ne se voyait pas régulièrement, mais c’était ma petite fille. Je l’ai toujours aimée, et je l’aimerai toujours", conclut ce retraité très pudique.

En ce dernier jour de procès, la famille attend des réponses plus précises sur le drame : pourquoi Bernard a-t-il décidé de tuer Léa, malgré son amour pour elle ? Les proches de la victime espèrent beaucoup des expertises psychiatriques du couple d'accusés ce vendredi matin.

Léa, une jeune femme "réservée", qui avait coupé les ponts avec beaucoup de monde

Ce jeudi est aussi marqué par la déposition d'une enquêtrice de la personnalité, qui a dressé le portrait de Léa, la victime. Âgée de 23 ans lors de son décès, elle est présentée comme une jeune femme "très réservée", consciencieuse et déterminée dans son travail d'aide-soignante auprès de personnes âgées à Doullens. La vie de Léa a été ébranlée en décembre 2020, quand elle perd sa mère atteinte d'un cancer. La jeune femme était même partie se réinstaller chez cette dernière pour l'accompagner dans sa fin de vie.

Ce qui revient également, c'est que Léa avait progressivement coupé les ponts avec certains amis et personnes de son entourage peu avant sa mort. "La famille de Léa a eu tardivement connaissance de sa relation avec Bernard, détaille l'enquêtrice. Son père l'a appris par un post Facebook et n'a jamais rencontré Bernard. Le père de Léa ne voulait pas être intrusif dans la vie de sa fille, il voulait la laisser être indépendante : elle était assez seule dans ses choix de vie", poursuit l'experte. Ce qui a aussi accentué l'isolement de Léa, installée à Frévent dans le Pas-de-Calais, les mois qui ont précédé sa mort, c'est la suspension de son permis de conduire après un grand excès de vitesse : "Elle était devenue dépendante de son entourage pour se déplacer et ne pouvait plus vaquer à ses occupations comme elle le voulait : elle est devenue plus distante à partir de ce moment", conclut l'experte.

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