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Littoral : comment Lacanau "débétonnise" une partie de son front de mer pour "laisser la place à l'érosion"

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Dix ans après les tempêtes de 2014, l'État et la région Nouvelle-Aquitaine organisaient ce mercredi à Lacanau une journée thématique sur l'érosion côtière et la submersion marine. Les élus ont notamment retiré, symboliquement, des pavés en béton du littoral de la station balnéaire.

De gauche à droite, le président du GIP Littoral Henri Sabarot, le maire de Lacanau Laurent Peyrondet, le président Alain Rousset et le préfet Etienne Guyot. De gauche à droite, le président du GIP Littoral Henri Sabarot, le maire de Lacanau Laurent Peyrondet, le président Alain Rousset et le préfet Etienne Guyot.
De gauche à droite, le président du GIP Littoral Henri Sabarot, le maire de Lacanau Laurent Peyrondet, le président Alain Rousset et le préfet Etienne Guyot. © Radio France - Jules Brelaz

L'image peut surprendre à quelques encablures de l'énorme enrochement, ce fameux mur de pierres bâti pour résister aux assauts de l'océan. Dans la ville de Lacanau, si l'on bétonnise certains sites du front de mer, en revanche, c'est tout l'inverse sur la promenade Lacaze qui surplombe la plage sud. "On commence à enlever les pavés de béton, pour ensuite remettre en sable et créer des espaces capables d'absorber les eaux", explique Laurent Peyrondet, le maire de la station balnéaire, une pelle de chantier entre les mains.

"C'est tout un symbole, poursuit Henri Sabarot, ancien maire de Carcans aujourd'hui président du GIP Littoral, cela montre bien que dans certains sites, il va falloir défendre, et sur d'autres, il faut relaisser la nature avancer. On va planter des gourbets et des oyats (plantes qui consolident les dunes de sables), on va laisser la place à l'érosion pour que la mer puisse avancer sans dégâts."

La vue de la plage sud à Lacanau ce mercredi 27 mars 2024.
La vue de la plage sud à Lacanau ce mercredi 27 mars 2024. © Radio France - Jules Brelaz

Soutenu par la région et l'État notamment, ce chantier à 1,5 million d'euros vient de débuter sous les fenêtres de Michelle, 75 ans. "Il y aura de la végétation, des arbres, de l'herbe. Enfin bon, on change tout, on enlève le béton", se félicite la propriétaire d'un appartement de la résidence Océanide.

Après le Signal, on réaménage "de manière plus naturelle"

En observant ces travaux qui vont durer jusqu'à la fin de l'année, difficile de ne pas songer à cette autre résidence construite dans les années 60 quelques kilomètres plus au nord avant d'être détruite en raison de l'érosion côtière. "On a beaucoup parlé du Signal à Soulac-sur-Mer et effectivement, des traits de côte sont réaménagés de manière plus naturelle. De toute façon, c'est nécessaire. La mer monte et à un moment donné, il faut y faire face. Ce projet en fait partie", estime Christian Melle, chef d'agence de l'entreprise Colas.

Après ces pavés, la ville de Lacanau prévoit de supprimer ses postes de secours et ses parkings du front de mer à l'horizon 2026. Cette opération en plusieurs phases s'inscrit dans le cadre de la stratégie local de gestion de la bande côtière. Un littoral qui avait reculé de 15 à 20 mètres lors des tempêtes de 2014. "Ah, c'était assez impressionnant, se souvient Michelle. Les vagues avaient atteint le Café Maritime sur la route, l'eau passait par-dessus, et cette falaise, la dune tombait".

Vers une solidarité nationale contre l'érosion côtière ?

Dix ans après ces grandes tempêtes, la préfecture et la région Nouvelle-Aquitaine organisaient mercredi 27 mars un colloque à Lacanau sur l'érosion côtière et la submersion marine. L'objectif de la rencontre était de comparer "les retours d'expérience et les chemins parcourus" par les différentes collectivités confrontées au même phénomène. Grain de sable dans cette journée thématique, la question des financements a été abordée avec inquiétude dans le contexte actuel de rigueur budgétaire.

"Quel que soit l'effort que va faire la région, le budget des régions françaises ne suffit pas à régler ce problème, prévient le président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine. C'est un devoir national. La Chambre régionale des comptes a chiffré entre 8 et 15 milliards en 2050 le coût des catastrophes si on ne fait rien d'ici là. Donc, il faut que Paris décide".

"Il y a des financements qui existent sur ces sujets liés à l'érosion, répond le préfet de Nouvelle-Aquitaine Etienne Guyot. Il y a eu la loi Climat et résilience qui donne un certain nombre d'outils particuliers sur le droit de préemption accéléré, sur des baux particuliers qui pourraient être mis en action." Mais dans la mesure notamment où le fonds Barnier, qui indemnise les victimes de catastrophe naturelle telles que la submersion marine, ne prend pas en charge l'érosion côtière, les communes du littoral attendent un nouveau dispositif pour les aider également à financer la construction de digues.

L'une des pistes ? Taxer les plateformes touristiques comme Booking

"Il y a, rappelle le préfet Etienne Guyot, cette réflexion globale qui est lancée par le gouvernement en lien avec les collectivités dans le cadre du Comité national du trait de côte (CNTC) que préside Sophie Panonacle", la députée Renaissance du bassin d'Arcachon. "Cette réflexion consiste à dire - Il faut qu'on élabore une nouvelle stratégie. C'est ce qu'a dit le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu en 2024. Et cette stratégie sera fondée sur les travaux des inspections du CNTC, avec pour objectif d'en tirer les conclusions en termes de mise en œuvre dans les prochaines lois de finances (PLF), à commencer par celle de 2025. Je ne peux pas vous en dire plus. Je ne vote pas le budget, mais je vous explique la démarche qui est engagée par le gouvernement."

Explorant les pistes de financement pour la lutte contre l'érosion côtière, un rapport inter-inspections a justement été remis en novembre 2023 au ministère de la Transition écologique avant d'être rendu public début mars 2024. Ses auteurs rejettent tout dispositif d'indemnisation globale et plaident plutôt pour une intervention ciblée de la solidarité nationale pour les propriétaires occupants de résidences principales.

Pour soutenir les collectivités, la mission envisage de s'appuyer sur des taxations existantes et propose notamment un prélèvement additionnel sur la taxe aux droits de mutation. "Il y a aussi la piste d'une taxe sur les plateformes touristiques comme Booking et Abritel", indique le maire de Lacanau. Ce rapport et ses préconisations seront au cœur de la réunion, le 4 avril prochain, du Comité national du trait de côte.

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