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La France a un incroyable Talange

Par
  • France Bleu

“Viens avec moi. Je vais te raconter une histoire qui s’est passée à Talange.” Les histoires d’horreur d’Emma commençaient souvent comme ça.

La France a un incroyable Talange - Série Meurtre et Moselle
La France a un incroyable Talange - Série Meurtre et Moselle © Radio France - Sarah Debris-Erny / Atelier Graphique

Je ne comprends pas pourquoi Michel ne veut jamais rentrer son maillot dans son short. Avec sa démarche nonchalante et ses bras trop longs, il a l’air d’un épouvantail sur la pelouse. Quand il a le dos tourné, Marius dit même de lui qu’il a le physique d’une bouteille de Perrier. L’entraineur à beau le lui demander avant chaque rencontre, de rentrer son maillot dans son short, la réponse est toujours la même : notre numéro 10 fait mine d’ajuster le jersey sous l’élastique, mais tout le monde sait qu’il s’échappera au premier dribble. Le maillot demeure rebelle à tout ordre et à toute convention, fou comme le génie de celui qui le porte. 

Peu importe son allure, d’ailleurs, c’est en grande partie grâce au jeu de Michel qu’en ce jour de juillet 1982 l’équipe de France de Football est au pied de l’olympe. Nous sommes en train de développer un style singulier, flamboyant, certains nous appellent même les brésiliens d’Europe. Nous inventons quelque chose – ça, tout le monde le dit ; quelque chose qui va bientôt nous faire entrer dans le cénacle des équipes mythiques, et notre jeu ne serait rien sans son cœur, son numéro 10, Michel Platini, qui lui donne ses inspirations et fait pulser son sang, maillot dehors ou maillot dedans. 

Dans le vestiaire, personne ne bronche. Marius crache dans la poubelle. Alain triture nerveusement l’énorme chaîne en or qu’il porte autour du cou. Jean-Luc remonte ses chaussettes pour la centième fois en marmonnant dans sa moustache. J’ai l’impression qu’il prie. Michel, l’autre, le coach, visage fermé, nous dévisage, un à un. « Jouez comme vous savez le faire, amusez-vous, éclatez-vous ! », lance-t-il au vestiaire. Personne ne répond. Je sais qu’ici tout le monde a peur que le romantisme du bel Hidalgo ne se fracasse contre le pragmatisme des allemands. De vraies machines à gagner, ceux-là, coupe de cheveux et maintien militaire. L’armistice a été signée il y a 37 ans, mais les rancœurs entre les deux camps sont tenaces. Peu importe qu’il s’agisse d’obus ou de ballons, il faut gagner le match, leur donner une bonne leçon. Et pour cette guerre-là, je commencerai le match sur le banc, moi, Patrick Battiston.

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