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Il voulait tuer Macron, prison avec sursis pour cet Héraultais tatoué d'un revolver et d'une mitraillette sur le visage

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Ne pas aimer Emmanuel Macron est un droit. Vouloir le tuer publiquement, même sous le coup de la colère, amène devant le tribunal. Un Héraultais a dû s'expliquer ce mercredi à Béziers après avoir publié deux messages hostiles sur un réseau social. Il proposait ses services, moyennant finance.

Le rôle de l'audience de ce mercredi 27 mars 2024 à  Béziers Le rôle de l'audience de ce mercredi 27 mars 2024 à  Béziers
Le rôle de l'audience de ce mercredi 27 mars 2024 à Béziers © Radio France - Stéfane Pocher

Il est assez rare que le tribunal de Béziers ait à juger une affaire avec Emmanuel Macron, en partie civile. Le président de la République n'est pas à l'audience de ce mercredi 27 mars, ni même représenté par un avocat, mais l'identité du chef de l'Etat, apparaît clairement sur le rôle d'audience (NDLR : le rôle de l'audience désigne la liste des affaires examinées par une juridiction).

Dans des messages publiés à deux reprises en février 2024 sur le réseau social TikTok, un habitant installé proche de Capestang, promettait de tuer Emmanuel Macron, si on le lui demandait moyennant finance. Les vidéos ont fait plus de 33.000 vues.

Fins de mois difficiles : "le seul moyen d'exprimer ma colère"

Le prévenu, 36 ans, qui comparaissait libre et sous contrôle judiciaire, était poursuivi pour menaces de mort et atteinte aux biens à l'encontre d'un élu. "Je ne suis pas un assassin. Juste, en colère" explique l'intéressé à France Bleu Hérault. "Les fins de mois sont difficiles. C'était la seule manière pour moi de dire ce que j'avais au fond du cœur".

Sur son premier message, figurait l’affiche d'un film de fiction mettant en scène un homme au visage dissimulé, qualifié de "sniper en liberté", armé de deux fusils d'assaut et posant devant des cadavres, avec le sous-titre suivant : "pendant des années, il a tout encaissé. Aujourd'hui, les choses vont changer…" À cette affiche, était ajouté le commentaire suivant : "la chasse aux macronistes est ouverte !!!"

Quelques jours après son interpellation par les gendarmes de Capestang, le trentenaire récidive. “Je suis prêt à l'allumer si une personne accepte de me financer pour le voir mort et l'argent sera redistribué à tous les Français.”

Cet employé de jardinerie a le visage entièrement tatoué. Un revolver côté gauche. Une mitraillette, genre kalachnikov de l'autre. Des dessins assez visibles qui ne passent pas inaperçus. Ce Brésilien, adopté à l'âge de 4 ans par une famille française, s'impatiente, assis sur un banc dans la salle, comme s'il était pressé d'apporter ses explications. Sept dossiers sont jugés avant le sien. L'horloge affiche plus de 18 heures. Alors que la salle d'audience se vide, son dossier est le dernier à être examiné.

L'homme qui paraît posé reconnaît les faits. Les armes sur son visage ne sont qu'une apparence, le signe d'une colère remontant à l'enfance. Adopté à São Paulo, il explique avoir ensuite été battu dans sa famille d'accueil.

"M'exprimer sur TikTok était une manière pour moi d'extérioriser ma colère intérieure"

"Quand j'ai écrit ce message, j'étais fatigué. Je n'étais pas bien. Une colère noire. Je me suis acharné sur Tik Tok sans mesurer réellement mes propos. "Je regrette et je m'excuse auprès d'Emmanuel Macron". Le trentenaire paraît sincère. "J'ai dit des choses qu'il ne fallait pas. Mes paroles ont dépassé mes pensées. Ce soir-là, je ne sais pas pourquoi, j'avais bu".

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"Mais vous recommencez trois jours après votre première arrestestion" interroge le président d'audience Christophe Rolland. "Vous étiez pourtant sous contrôle judiciaire. Vous publiez une photo de Jacques Mesrine en notant que s'il était encore en vie, il n'y aurait pas de macronisme".

"Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai été emporté par tout ce que l'on voit aux infos. Vraiment, c'est un coup de colère. J'ai dit des choses qui me dépassent.

Cinq euros pour finir le mois

"Si on m'avait demandé de passer à l'acte, je ne l'aurais pas fait " confie l'intéressé à France Bleu Hérault. "Je n'avais pas l'intention de le tuer. J'ai fait une fixation sur Emmanuel Macron, mais il m'énerve. Je ne m'attendais pas à ce que ces messages laissés, prennent une telle proportion. J'ai été dépassé par la tournure des événements. La situation de la France m'inquiète. J'ai juste 5 euros aujourd'hui pour terminer le mois.

"Je déteste la violence"

Ce Biterrois , sans enfant et qui vit avec une petite amie, est connu de la justice pour de petits délits : "je sais que je peux faire peur, mais ce n'est qu'une posture. Je suis en France depuis 30 ans. Je n'ai jamais voté de ma vie sauf la dernière présidentielle contre la politique du chef de l'Etat".

"Si vous voulez changer le monde, pourquoi ne vous lancez-vous pas en politique" interroge le tribunal. "En politique, moi avec la gueule que j'ai. Il n'y a que Bardella qui peut sauver la France".

À l'audience le prévenu, posé et répondant à toutes les questions, affiche aussi une grande fragilité émotionnelle. L'expertise psychiatrique ne manifeste aucune dangerosité, aucune déficience mentale. Le trentenaire qui ne dispose pas de véhicule pour se déplacer explique avoir des difficultés pour travailler dans le secteur proche de chez lui. (Il travaille quelques heures par semaine dans une jardinerie et gagne à peine 600 euros par mois).

Pour le parquet de Béziers, cette manière d'être n'est pas une liberté d'expression, mais un appel au meurtre "en écrivant, Louis XVI, on l'a décapité, Macron, on peut recommencer, ça n'a rien à voir avec la liberté d'expression. Trois jours après, vous recommencez en appelant à la haine. Des internautes vous ont prévenu de retirer les vidéos, car vous encouriez des risques et malgré cela, vous les avez maintenues."

Le parquet réclame 12 mois de prison dont six mois ferme

Pour la défense, "ce n'est pas un appel à une tuerie de masse, mais la colère d'un travailleur pauvre, pas vraiment éduqué adoptant ainsi un discours populiste dixit Gaucelm Desbrueres. Il pense que Macron est responsable. Il se dit lanceur d'alerte comme les gilets jaunes. Il a voulu relancer le mouvement tout simplement. Il est sous l'emprise de sa colère, il ne peut pas travailler davantage, car il n'a pas de voiture".

"Mon client a voulu relancer les gilets jaunes" - Gaucelm Desbrueres

Avant le rendu jugement, le prévenu présente encore ses excuses à Emmanuel Macron. "J'aurais dû réfléchir arrêter de faire une fixation sur lui".

Le tribunal le condamne à 12 mois de prison avec sursis, avec une obligation de soins, une interdiction de porter une arme et une confiscation de son téléphone portable. "Faites-vous aider" conclut le président Christophe Rolland, "tirez profit de ce sursis probatoire. C'est important".

À la sortie de l'audience, son avocat se dit soulagé. La prison ferme est écartée. Son client encourait la peine maximale de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende

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