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EXCLUSIF | Témoignage d'un supporter stéphanois libéré après 15 jours en prison à Rome : "nos droits ont été bafoués"

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France Bleu Saint-Etienne Loire et le site Evect.fr ont rencontré l'un des 4 supporters arrêté à Rome avant le matche Lazio-ASSE. Après deux semaines de prison et une condamnation à une peine de sursis, il revient sur le déplacement, l'arrestation, les conditions de détention.

15 jours de prison pour les 4 supporters de l'ASSE (Illustration)
15 jours de prison pour les 4 supporters de l'ASSE (Illustration) © Maxppp

Le déplacement à Rome

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On est parti le mercredi soir avec 8 copains. On avait prévu de passer 3 jours à Rome. Plusieurs d'entre nous avaient loué des chambres d’hôtel ou des Air B'nB. 12 heures de  route en véhicule, nous prenons logiquement toujours à manger, toujours à boire. Ce sont les véhicules personnels que les gens utilisent dans la vie de tous les jours. On a d'abord cherché le point de rassemblement, la Villa Borghese. Là j'ai reçu un coup de fil de la demoiselle qui s'est faite arrêter en même temps que nous. Elle était au même hôtel que moi. Comme elle était seule et qu'il était déjà 15h15 alors que les navettes partaient à 16h pour le stade, elle m'a demandé si je pouvais venir la récupérer.  On est parti à 3 du voyage initial, plus un collègue retrouvé sur place. Avant d'arriver à l’hôtel, on a subi un contrôle de police et tout s'était bien passé.

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L'arrestation

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On avait 20 minutes de route pour rejoindre la Villa Borghese qu'au bout d'un moment on arrive à situer, au-dessus d'une grande place, où se trouvaient des forces de l'ordre. Nous allons de nous même vers la police demander notre chemin. A ce moment là, après avoir regardé à l'intérieur du minibus ils nous ont fait descendre du véhicule, ils nous ont séparé. Et là ça a été le début du grand n'importe quoi.

Le matériel dans la camionnette

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On a essayé de communiquer. Aucun de nous ne parlait italien. En vidant les sacs, ils ont trouvé des vêtements, des réservations comme on restait plusieurs jours.  Ceux qui avaient pris de la pyrotechnie, c'est parce qu’ils pensaient faire le même genre de fête qu'à Milan au point de rassemblement. Mais vu le temps et l'horaire nous n'allions pas nous en servir. Mais c'était sensé rester dans le minibus ! Parce que de toute façon il n'aurait pas été au stade, vu qu'on était obligé de monter dans des bus affrétés spécifiquement par les Italiens. Il y avait de l'essence, des couteaux, des boules de pétanque ? Il faut savoir que le minibus est celui d'une personne qui travaille avec tous les jours et qui est menuisier. Il s'en sert pour tous, il a pas moins de 300 000 kilomètres. Je ne sais pas vous mais en tout cas lui il a toujours un bidon de gazole au cas où. Parce que son véhicule marche au gazole ! Il avait une mallette à outils de base qu'il a toujours. Les boules de pétanque, il les a toujours. Des boules "Obut" estampillées à son nom. Allez voir sur internet le prix que ça coute. Si je veux caillasser quelqu'un, c'est pas les cailloux qui manquent.

On nous a dit qu'on voulait fabriquer des cocktails Molotov ? Dans la caisse à outils ils ont trouvé du scotch. On ajoute les bouteilles vides. Le gazole. Des chiffons qui étaient en fait nos drapeaux. On a essayé de leur expliquer trente fois que le gazole ne s'enflamme pas. On a pu lire qu'il y avait des barres de fer ? Il y avait quatre tasseau de bois.

La garde à vue

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Ils nous disent de les suivre au commissariat. On ne s'attend pas à tout ce qui va nous arriver par la suite.  Au moment de l'arrestation il y avait une dizaine de policiers autour de nous, très tendus. Au commissariat, on se dit qu'on ne verra pas le match, et qu'ils veulent faire un exemple. En garde à vue c'est le début du sketch avec deux policiers qui nous font comprendre qu'ils sont fans de la Lazio. Ils nous prennent par le col en nous montrant le poing et en éructant en italien. On se déshabille intégralement, dans une pièce pas spécifique à cela. On a réclamé que la fouille sur la demoiselle se fasse par une dame. Ils ont démonté les sièges du véhicules, les bancs. Ils ont trouvé un coupe-ongle, le fameux rouleau de scotch, des stickers. Personne ne comprend rien, on demande un traducteur, on nous le refuse. On demande à appeler l'ambassade, on nous le refuse. On n'a jamais été interrogés parce qu’ils ne parlaient ni français, ni anglais. Ils ont fait leur rapport en nous demandant de le signer, ce qu'on a refusé de faire. Jusqu'à ce qu'ils nous prennent individuellement, entouré de 5 ou 6 policiers, matraque à la main. Certains tiennent, d'autres, jeunes, signent et je les comprends.

Les conditions en garde à vue

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En France, en garde à vue, on vous met dans une cellule, où il y a un banc et des toilettes. Si c'est l'heure des repas on vous donne à manger. Nous on n'a jamais vu de cellule, on était dans une grande pièce attenante à à un bureau où il faisaient eux-même la déposition.  On est arrivé à 16h30, on est ressorti le lendemain à 10h, sans avoir bu, mangé, ni pu aller aux toilettes. On a essayé de dormir à même le sol. On a demandé à passer un coup de fil, en plus de celui à l'ambassade. Ils ont pris le numéro qu'on souhaitait chacun appeler, copine, parents, travail. Et ils s'enfermaient dans la pièce à côté en disant "C'est nous qui appelons". On a vérifié ensuite, ils n'ont jamais appelé personne.Nos droits les plus basiques ont été bafoués.

La première comparution devant la justice

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On passe directement au tribunal alors qu'on pensait repartir. Pour quel motif ? Quelle loi a-t-on transgressé ? On a été interrogé un par un avec la traductrice. Vu son français, on se sait pas comment elle a ressorti la traduction. Notre avocat commis d'office n'a pas ouvert la bouche. La juge voulait nous mettre une peine lourde, applicable tout de suite.  On essayait de lui faire comprendre qu'on avait signé un papier sans savoir ce qu'il y avait marqué dessus. A ceux qui disent "il ne fallait pas signer", je dis "allez-y dans la même situation, on en reparle". Les médias qui ont repris les informations sans les vérifier, je leur dis que vous êtes une honte. Vous ne vous rendez pas compte du mal que vous provoquez dans la vie des gens, en allant jusqu'à donner les noms et prénoms de personnes qui vont revivre une deuxième onde de choc à leur retour.

La prison

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On nous a dit, ou bien vous acceptez la peine qu'on va vous donner, ou bien vous aurez un procès, mais ce sera plus long et vous risquez d'aller en prison. D'un bloc on décide qu'on veut une vraie défense, un vrai traducteur. On voulait s'exprimer. On nous a dit que le procès aurait lieu dans quinze jours. D'ici là prison. Notre avocat a été mandaté par la demoiselle qui avait été laissé libre. Sans elle, on n'aurait pu prévenir personne. Personne n'était au courant. Heureusement qu'elle a pu sortir car elle a œuvré pour prévenir le plus de gens possible.

Les conditions en prison

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On a passé 14 jours à l'isolement. On n'était  pas avec les détenus de droit commun, nous étions enfermés 23h sur 24.  On a reçu un livret en français nous expliquant les droits et devoirs des détenus. Chaque détenu a le droit à 2 heures de sortie par jour, à faire du sport, à pratiquer sa religion, à un coup de fil par semaine. A l'isolement on a le droit à rien. 50 minutes de sortie par jour. Pas de livre, pas de courrier. Pas de promenade ensemble. Des détenus cueillis par Interpol, des braqueurs qui avaient tué un policier, des violeurs, des trafiquants de drogue. Et nous : match de foot. Pour avoir demandé notre chemin à la police, à 30 minutes de route du stade. Il y a une grosse démesure. Les conditions d'hygiène étaient à vomir. Et je ne suis pas difficile. On nous a donné un drap, une couverture et un rouleau de papier toilette. Après c'est à vous d'acheter. Vous êtes rentrés en prison avec de l'argent ? Tant mieux. Vous êtes rentré sans argent ? Il vous reste vos mains.  Quand on prend la douche, on prend notre drap si on veut se sécher un peu.

Le moral

Certains ont craqué à un moment. C'est normal. Notre force ça a été notre solidarité. On ne se voyait que quand on rencontrait l'avocat. On essayait de penser d'abord aux autres avant de penser à soi, c'est comme ça qu'on tient.

Le procès du 15 octobre

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La libération est un soulagement immense. C'est grâce au travail remarquable de notre avocat. Pour lui on ne ressortait pas sans avoir fait 1 an ferme.  Le procureur a demandé : 3 ans et demi ferme.  Au tribunal, les mamans de deux d'entre nous étaient là, un ami et la demoiselle arrêtée mais libérée. La plaidoirie  a duré 40 minutes. Au début la juge n'en avait rien à faire. Et son visage a commencé à changer devant les preuves de plus en plus évidentes, et on a pu sortir.

L'avenir 

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Aujourd'hui on crie "Victoire, on est libre ! ".  Mais ce n'est pas une victoire. On est condamné en Italie avec du sursis, une amende. On a fait 15 jours de prison pour rien. On a une étiquette d'ex-taulards pour toute la vie. On est interdit d'enceinte sportive pendant 5 ans en Italie. Ça veut dire aussi que chaque jour de match, pendant 5 ans on a l'interdiction de fréquenter toutes les gares, tous les aéroports, tous les ports, toutes les places centrales de villes italiennes. Autant dire qu'on est interdit de territoire italien pendant 5 ans. Pour n'avoir strictement rien fait.

On va essayer de s'en remettre en croquant la vie à pleines dents. En comptant sur tous les proches qui ont été là et on les remercie encore. Ces gens ont été là quand on était loin d'eux, ils seront là maintenant qu'on est proches. Mais ça va laisser des cicatrices, surtout pour les plus jeunes. Et pendant longtemps.

Note : Par ailleurs le supporter s'est étonné lors de notre entretien que l'ASSE n'ait ni communiqué ni agi au début, pendant ou après l'affaire. Une attitude qui selon lui va à l'encontre des valeurs familiale prônées par le club.

L'info en continu

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