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Fin de vie : "Équilibre", "inquiétude", "strict minimum", le projet de loi annoncé par Emmanuel Macron fait réagir

- Mis à jour le
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  • France Bleu

Les réactions sont diverses après l'annonce par Emmanuel Macron, dimanche soir, d'un projet de loi sur l'aide active à mourir sous conditions. Il inquiète certains soignants, et est insuffisant pour les militants du droit à mourir dans la dignitié. Jean Léonetti le considère difficile à appliquer.

Une unité de soins palliatifs à l’hôpital Vivalia de Virton, en Belgique, où l’euthanasie est pratiquée. Une unité de soins palliatifs à l’hôpital Vivalia de Virton, en Belgique, où l’euthanasie est pratiquée.
Une unité de soins palliatifs à l’hôpital Vivalia de Virton, en Belgique, où l’euthanasie est pratiquée. © Maxppp - Aurélien Laudy

Le projet de loi sur l'aide active à mourir, annoncé par Emmanuel Macron dans La Croix et Libération dimanche soir, suscite de nombreuses réactions. La proposition de loi, qui ouvre une "aide à mourir" sous "conditions strictes" doit être présentée en avril en Conseil des ministres, et sera examiné en première lecture le 27 mai à l'Assemblée nationale, a annoncé le Premier ministre Gabriel Attal. Médecins, soignants, responsables associatifs et militant du droit à mourir dans la dignitié sont divisés.

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Dans le détail, la proposition de loi indique que les patients majeurs,"capables d'un discernement plein et entier", atteints d'une "maladie incurable" avec "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" et subissant des souffrances "réfractaires" (ne pouvant être soulagées) pourront "demander à pouvoir être aidés afin de mourir", a détaillé le chef de l'État. En cas d'avis collégial favorable de l'équipe médicale, une substance létale sera prescrite à la personne, qu'elle pourra s'administrer elle-même, ou avec l'aide d'un tiers si elle "n'est pas en mesure d'y procéder physiquement".

Pour Jean Léonetti,"d'énormes difficultés à appliquer la loi"

"On va avoir d'énormes difficultés dans l'application de la loi" proposée dimanche par Emmanuel Macron, a réagi ce lundi sur France Culture Jean Leonetti, ancien député co-auteur de la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie.

Jean Leonetti juge "positif" ce qu'il considère comme "l'affichage d'une prudence". Mais le maire d'Antibes considère que les termes de cette future loi sont "flous", car Emmanuel Macron "dit que ce n'est ni l'euthanasie, ni le suicide assisté, mais un peu des deux". "Quand on est flou, il y a une difficulté à l'application des lois qui ne sont pas extrêmement claires", affirme-t-il.

L'ancien député UMP craint que "la définition de l'action française dans ce domaine" soit aussi "floue". "L'aide à mourir peut être interprétée comme un suicide assisté, une euthanasie ou bien le développement des soins palliatifs", affirme-t-il. Jean Leonetti dénonce également l'absence, selon lui, de définition de ce qu'est "un moyen terme",  "Court terme, on arrive à voir que c'est quelques jours, quelques semaines. Mais moyen terme, c'est quoi ? Un an, deux ans ?", s'interroge-t-il.

Un "strict minimum", déplore le président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité

"On a pris beaucoup trop de temps sur ce sujet pour aujourd'hui se contenter d'un strict minimum", a estimé ce lundi sur France Inter Jonathan Denis, le président de l'ADMD, l'association pour le droit à mourir dans la dignité. Le président de l'ADMD salue néanmoins une première avancée, et se réjouit de voir "qu'enfin, le président de la République présente un projet de loi et donne un calendrier".

Mais il considère que le texte, en l'état, ne va pas assez loin. Jonathan Denis se montre "vigilant", car il y a, selon lui, "encore beaucoup de choses dans ce projet de loi qui ne nous conviennent pas". Il dénonce "une absence de liberté de choix entre le suicide assisté [c'est-à-dire quand] la personne fait elle-même le geste, et l'euthanasie, où c'est un tiers soignant qui fait le geste létal à sa demande". Le président de l'ADMD craint "que demain, des demandes puissent être exprimées et qu'on soit encore incapable de les accompagner".

Jonathan Denis pointe également du doigt l'une des conditions exposées par Emmanuel Macron, à savoir les les patients ayant un "pronostic vital engagé à court ou moyen terme". Il juge cette condition "beaucoup trop restrictive", et souhaite également savoir ce qu'est "le moyen terme" : "Est-ce que ça va être un pronostic vital engagé à 6 mois ? à 12 mois ?", s'interroge-t-il. Jonathan Denis se demande "ce qu'on va répondre aux personnes qui auraient un pronostic vital à 14 mois ? Qu'il faut souffrir encore un peu avant de pouvoir accéder à une aide à mourir ?". Le président de l'ADMD considère donc qu'une "loi qui ne serait pas amendée ou améliorée par les parlementaires sur ces conditions, serait une loi qui obligerait encore des Français à partir à l'étranger, alors que ça fait plus de 40 ans que nous discutons de tout cela".

"Un projet de loi pour faire mourir", dénonce la présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs

Cette aide à mourir est "un projet de loi euthanasie", a dénoncé ce lundi sur franceinfo le docteur Claire Fourcade, médecin et présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). "Je suis médecin en soins palliatifs, j'accompagne des patients en fin de vie, je fais de l'aide à mourir au quotidien, mais ce que propose le président, c'est un projet de loi pour faire mourir, un projet de loi euthanasie et suicide-assisté sur décision médicale", déplore-t-elle.

La soignante s'oppose fermement au texte envisagé par l'exécutif. "Pour nous, les soignants, ce projet de loi suscite une immense inquiétude", insiste Claire Fourcade. Les conditions fixées dans le texte, notamment la nécessité d'être un adulte majeur souffrant d'une maladie incurable avec un pronostic vital engagé pour bénéficier de l'aide à mourir, peinent à convaincre la médecin. "Ça ne me rassure pas parce que dans tous les pays qui ont légiféré sur l'euthanasie, ces conditions n'ont pas tenu dans le temps, donc pour moi, elles sont provisoires", précise-t-elle.

La présidente de la SFAP estime qu'il est plutôt urgent d'investir dans les soins palliatifs. "Aujourd'hui, en France, 500 personnes meurent tous les jours sans avoir eu accès aux soins palliatifs, alors qu'elles avaient besoin d'être soulagées. Il nous semble que l'urgence, c'est d'accompagner toutes ces personnes", explique Claire Fourcade. 21 départements en France n'ont pas de services de soins palliatifs.

La présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie salue l'"équilibre" du projet

"Il me semble que c'est important de réussir à conserver un équilibre, en tout cas pour l'instant, entre une attente citoyenne qui est extrêmement forte et en même temps des appels à la prudence de certains", a déclaré ce lundi sur franceinfo la sociologue Claire Thoury. Ensuite, "il y a le travail parlementaire qui va suivre", avec d'éventuelles modifications, rappelle la présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie.

"Sur le choix des mots, ça va dans le sens, d'une certaine manière, de ce que la Convention a proposé", souligne Claire Thoury, même si "c'est plus cadré, plus prudent, il y a énormément de garde-fous qui sont mis en place". "On ne parle pas ni d'euthanasie, ni de suicide assisté, mais il y a bien une ouverture vers une aide à mourir qui est possible", ajoute-t-elle.

Il n'empêche, "c'est bien ça qui est proposé en fait : une forme de suicide assisté avec des exceptions d'euthanasie. Ce ne sont pas ces mots qui sont employés, sans doute pour dessiner ce fameux modèle d'aide active à mourir à la Française qu'il avait annoncé le 3 avril devant les citoyens de la Convention", estime-t-elle.

L'Église indignée

L'Eglise de France a vivement critiqué lundi matin le projet de loi, en évoquant "une tromperie", "quelque chose d'incompréhensible" et "une absence de fraternité". "Appeler 'loi de fraternité' un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie est une tromperie. Une telle loi, quoi qu'on veuille, infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution", déclare dans La Croix Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France.

"Une très mauvaise surprise", a abondé Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, sur France Inter. "Il y a quelque chose d'incompréhensible, et la dissimulation, derrière un terme de fraternité, de l'absence de fraternité", selon cet évêque. "Ce qui me frappe, c'est qu'on a l'impression que dans la 'start-up nation', les personnes non productives n'ont plus le droit de cité", a déploré Mgr Rougé.

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