Passer au contenu
Publicité

Médecin urgentiste en Bretagne : "Parfois je me dis que j'en ai un peu marre, je voudrais faire autre chose"

Par

Les urgences de l'hôpital de Pontivy sont fermées la nuit -sauf urgence vitale jusqu'au mardi 24 mai. Face à la difficulté de recruter des médecins, le chef des urgences se montre frustré et parfois découragé.

Urgences de l'hôpital de Pontivy Urgences de l'hôpital de Pontivy
Urgences de l'hôpital de Pontivy © Maxppp - François Destoc

Les urgences de l'hôpital de Pontivy ne sont plus ouvertes la nuit jusqu'au 24 mai qu'aux urgences vitales : l'appel au 15 est obligatoire avant toute arrivée. En cause, le manque de médecins intérimaires, les plannings ne sont pas remplis. Ce n'est pas la première fois qu'une telle mesure est prise en ce printemps. Louis-Marie Jouanno, chef des urgences du centre hospitalier du Centre-Bretagne fait part de sa frustration et de sa lassitude.

Publicité

France Bleu Breizh Izel : Comment se sent-on, en tant que chef des urgences, lorsque le service doit "fermer" la nuit ?

Louis-Marie Jouanno : Très frustré de ne pas pouvoir accomplir sa mission pleinement. Sur la deuxième quinzaine d'avril, nous avions dû malheureusement déjà avoir déjà eu recours à ce système puisque notamment à cause de la loi Rist qui est passée il y a quelques années et qui a été mise en application récemment au mois d'avril, le mouvement intérimaire de médecins urgentistes ne bouge plus et nous n'avons plus quasiment plus de médecins intérimaires.

Où sont-ils ces médecins s'ils ne sont plus à Pontivy ?

La loi du Dr Rist est une loi de restriction d'indemnisation de médecins intérimaires, elle divise par deux quasiment les indemnités de remplacement par rapport à ce qui existait avant. Il y a plusieurs profils de médecins intérimaires : ceux qui étaient pleinement intérimaires ont retrouvé du travail ailleurs, puisque la conjoncture actuelle fait que le nombre de postes de médecins (notamment urgentistes) est beaucoup plus important que le nombre de médecins urgentistes que nous sommes. En Bretagne, il y a un déficit d'un peu plus d'une centaine équivalents temps plein de médecins urgentistes sur l'ensemble des urgences de Bretagne. Nos confrères qui étaient intérimaires ont retrouvé du travail, soit dans des centres privés, dans d'autres régions ou ont changé de branche ou se sont mis pleinement dans un service auquel ils étaient déjà rattachés auparavant.

Et pourquoi ces médecins intérimaires ne viennent plus à Pontivy ?

C'est difficile de le dire. Nous avons une situation géographique qui fait qu'on est un peu trop proche ou un peu trop loin de la mer, il y a d'autres centres côtiers qui, eux, attirent un petit peu plus par leur localisation. Mais aujourd'hui, tout ce qui est profession à gardes, notamment la médecine d'urgence, l'anesthésie, la réanimation, n'attirent plus forcément les plus jeunes générations. On est sur un métier où ça ne s'arrête jamais. Les admissions, c'est du H24. Il y a peu de temps, nous avons fait plus d'une trentaine d'admissions la nuit. Ce sont des professions qui usent au fur et à mesure.

Il y a quelques jours, vous disiez que vous n'étiez pas loin de démissionner ?

Oui, tout à fait. On en est amené à cette réflexion malheureuse. J'ai un peu plus de 30 ans, on se dit qu'on a été formé pendant plus d'une dizaine d'années à la médecine d'urgence. Et on se pose la question de comment on va vieillir dans notre profession, qu'est-ce qu'on va faire puisque, parce que c'est usant de travailler à ces rythmes de travail-là ! C'est anti-physiologique de faire 12 heures de nuit non-stop ou de faire 24 heures et d'enchaîner à nouveau sur un travail administratif. Ce sont des professions qui usent, parfois ça me traverse l'esprit de me dire que j'en ai un peu marre, j'aimerais trouver un remplaçant ou je voudrais faire autre chose.

Que faut-il faire ?

C'est un grand débat. On a 20 à 30 ans de retard. Aujourd'hui, on subit des décisions qui ont été prises il y a 20 ou 30 ans. Ce serait bien orgueilleux de ma part de trouver des solutions et de les proposer comme ça puisque c'est à retardement. Pour former un médecin, il faut déjà au moins neuf années, donc le problème sera réglé dans quelques années peut-être, je l'espère.

C'est aussi un appel à nous, qui allons un petit peu trop facilement aux urgences ?

Il y a différents niveaux : à la fois la trame de médecine générale, qui n'est malheureusement plus assez dense en Bretagne pour pouvoir assurer du soin primaire de médecine générale, et à la fois "la surconsommation" de soins d'urgence qui vire parfois à l'urgence organisationnelle plus qu'à l'urgence médicale encore. Il n'y a pas longtemps, j'ai eu quelqu'un qui me disait : "je préfère passer ma journée aux urgences. J'aurai tous mes examens et j'aurai plus besoin de voir mon médecin généraliste. Ce sera fait". Et ça, c'est une urgence organisationnelle. Ce n'est pas une urgence médicale.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

Publicité

undefined