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Pôle "cold cases" : déjà près de 100 procédures en cours

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À sa création en mars 2022, le pôle "cold cases" avait créé un espoir pour les familles de victimes oubliées. La juridiction spécialisée dans les affaires non élucidées tente d’apporter des réponses, quelquefois des dizaines d’années après les faits, comme c'est le cas au procès de Monique Olivier.

Le pôle crimes sériels ou non élucidés dispose de 150 m2 pour entreposer les dossiers et scellés le tribunal judiciaire de Nanterre Le pôle crimes sériels ou non élucidés dispose de 150 m2 pour entreposer les dossiers et scellés le tribunal judiciaire de Nanterre
Le pôle crimes sériels ou non élucidés dispose de 150 m2 pour entreposer les dossiers et scellés le tribunal judiciaire de Nanterre - Tribunal judiciaire de Nanterre

Le procès de Monique Olivier, devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, est le premier qui émane du travail du pôle judiciaire de Nanterre, dédié aux affaires non élucidées et aux crimes en série. C’est l’aboutissement tangible du travail de fourmi effectué par le service spécialisé dans les affaires non élucidées. Cela met aussi en lumière les failles et lenteurs de la justice.

Sabine Kheris, la magistrate qui coordonne le travail de ce pôle "cold cases", a été entendue ce mardi 5 décembre, en fin d'après-midi au procès de Monique Olivier à Nanterre. La juge a salué le "travail d'équipe" qui a permis de résoudre les "cold cases" dont il est question au procès (les affaires Estelle Mouzin, Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish). "J'avais l'impression d'être la cheffe d'un orchestre composé de virtuoses, et avec des virtuoses, on peut faire beaucoup de choses", a-t-elle dit pour saluer le travail des enquêteurs et des militaires sur les fouilles.

Au 9 novembre 2023, le pôle national dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés était saisi de 99 procédures. Parmi celles-ci, il y a neuf parcours criminels. Une vingtaine de dossiers sont encore examinés dans le cadre d’une enquête préliminaire.

Élucider les affaires avant qu’il ne soit trop tard

"Le temps qui passe est le plus mauvais ennemi de l’élucidation d’une affaire." C’est ainsi que le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti avait lui-même résumé le principal écueil de ces dossiers pour le pôle des crimes sériels et non élucidés à sa création en mars 2022.

Les témoins n’ont plus en mémoire les faits exacts, les enquêteurs eux-mêmes ont vieilli, même chose pour les potentiels auteurs. Michel Fourniret, un temps interrogé par le pôle sériel, est depuis décédé. Il ne reste que son ex-femme, Monique Olivier, pour justifier des actes passés. Enfin et surtout, même les familles des victimes, qui se sont battues contre l’oubli, sont harassées par ces combats incessants. Pour certaines, c’est même trop tard, comme pour le père de Marie-Angèle Domèce, décédé quelques jours avant l’ouverture du procès de Monique Olivier devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, fin novembre.

Des moyens dédiés pour lever le voile sur des affaires oubliées

Certes, le pôle "cold cases", comme on l’appelle, a le mérite d’exister, mais il travaille avec des moyens contraints, alors que le nombre de dossiers non élucidés parait lui quasiment inépuisable. Depuis septembre 2022, ce pôle est réellement opérationnel dans les locaux du palais de justice de Nanterre.

La magistrate Sabine Kheris travaille avec trois juges d’instruction. Elle peut faire appel à la "Diane", la Division des affaires non élucidées, émanation de la police judiciaire de la gendarmerie nationale qui comprend une vingtaine d’enquêteurs, pour mener les enquêtes et procédures. Sur saisine du pôle judiciaire de Nanterre, ils vont vérifier des faits, traquer le moindre indice ou entendre des témoins. Le service a aussi à disposition les outils d’investigation les plus modernes : laboratoires, enquêteurs spécialisés… Il y a aussi une pièce entière, de 150 mètres carrés, au pôle judiciaire de Nanterre, consacrée à la conservation des scellés.

Dans le cas de l'enquête sur les crimes imputés à Michel Fourniret et son ex-femme, Sabine Kheris a évoqué au procès le rôle-clé de sa greffière Valérie Duby. Cette dernière a pu se plonger dans le dossier pendant trois ans pour trouver des éléments afin de "nourrir les interrogatoires". Pour préparer les interrogatoires, la juge s'est aussi appuyée sur le travail de psycho-criminologues de la gendarmerie, des "profilers". Pour elle, Monique Olivier et Michel Fourniret sont "des êtres humains qui ont leurs spécificités, mais qui ont des personnalités atypiques et très complexes" qu'il faut saisir pour mieux les interroger.

Le pôle cold cases dispose d'un local de 150m2 pour conserver les scellés
Le pôle cold cases dispose d'un local de 150m2 pour conserver les scellés - pôle judiciaire de Nanterre

Une multitude de dossiers tentaculaires

La tâche de l'équipe de Sabine Kheris est immense puisque le pôle a officiellement pour objet de traiter les affaires non élucidées après 18 mois d’investigations infructueuses. Ces affaires sont aussi souvent constituées de multitudes de pièces qui s’accumulent au fur et à mesure des années qui passent. Dans ces affaires emblématiques, certaines sont très médiatiques, comme la disparition de Lydie Logé dans l'Orne, la disparition de Marion Wagon en 1996, celle d’Estelle Mouzin en 2003, les disparus de l’Isère qui remontent aux années 80, les disparues de l’A6 ou encore la tuerie de Chevaline en 2012.

Le plus ancien dossier est l’affaire Ménichaud qui remonte à 1972. Il s’agit de la disparition d’une famille entière, la nuit de Noël, près de Cognac en Charente. Ce couple et leurs deux enfants de 4 et 7 ans ont disparu en rentrant de chez leurs amis. Les corps n’ont jamais été retrouvés.

Restituer le parcours des "serial killers"

L’une des missions de ce pôle judiciaire, c'est aussi - et c’est nouveau pour les enquêteurs français - de retracer des parcours criminels. Le pôle est donc remonté dans le temps pour tenter de combler les vides dans l'itinéraire de neuf criminels d’envergure déjà condamnés pour assassinat : de Francis Heaulme à Pascal Jardin, en passant par Nordahl Lelandais, condamné à perpétuité pour le meurtre de Maëlys. Le pôle étudie également les dossiers à la lumière de la présence potentielle d'un tueur en série. Il y en a plus d’une dizaine identifiés en France.

Même façon de procéder avec Patrice Alègre, condamné à perpétuité pour cinq meurtres, une tentative de meurtre et six viols. Comme pour Lelandais, les enquêteurs tentent de retrouver sa trace, notamment entre les années 1990 à 1997, et cherchent des indices dans les affaires non élucidées qui remontent à cette période.

Dernière chance des familles de victimes

Pour les familles des victimes, il y a de petites victoires, depuis la création de ce pôle. D’abord le sentiment qu’enfin quelque chose se passe dans ces dossiers trop longtemps mis de côté. C’est grâce au pôle "cold cases", que la piste Fourniret a enfin émergé au grand jour, alors que, depuis des années, la famille d'Estelle Mouzin demandait que celle-ci soit examinée.

Il y a aussi de la frustration, car quelquefois, malgré le travail acharné, la vérité n’apparait pas aussi limpide qu’on le voudrait. Il faut dire que la plupart des "cold cases" sont aussi souvent le résultat d’enquêtes mal ficelées ou mal documentées. Impossible quelquefois de rattraper un indice oublié, un témoignage manquant, des scellés déjà détruits ou une scène de crime dégradée.

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