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Disparitions, homicides, viols : zoom sur douze affaires non résolues que la justice a décidé d'élucider

Depuis sa création il y a deux ans, le pôle national dédié aux crimes sériels ou non élucidés est saisi de plusieurs dizaines d'affaires. France Bleu se penche sur douze "cold cases" auxquels la justice a décidé de s'attaquer.

La disparition de la famille Méchinaud en 1972 en Charente est l'affaire la plus ancienne traitée par le pôle "cold cases" de Nanterre. La disparition de la famille Méchinaud en 1972 en Charente est l'affaire la plus ancienne traitée par le pôle "cold cases" de Nanterre.
La disparition de la famille Méchinaud en 1972 en Charente est l'affaire la plus ancienne traitée par le pôle "cold cases" de Nanterre. © AFP

Disparitions, viols, homicides : ces "cold cases" remontent parfois à plus de cinquante ans. Des années d'attente insoutenables pour les proches des victimes qui voient dans le pôle national dédié aux crimes sériels ou non élucidés une ultime chance d'obtenir des réponses à leurs questions. Cette juridiction, baptisée "pôle cold cases", a été créée il y a deux ans à Nanterre. Parmi la centaine de dossiers transférés dans les Hauts-de-Seine depuis deux ans, France Bleu vous propose ce jeudi un focus sur douze affaires non résolues qui intéressent les magistrats de cette juridiction.

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En Charente, la famille Méchinaud a disparu

Le 24 décembre 1972, Jacques et Pierrette Méchinaud passent le réveillon de Noël chez des amis avec leurs deux fils : Éric, 7 ans et Bruno, 4 ans. Un peu avant 2h du matin, ils quittent Cognac, pour rentrer chez eux à Boutiers, les deux enfants endormis sur la banquette arrière, à bord de la Simca 1100 grenat de la famille. Personne ne les a jamais revus. Quelques jours plus tard, un voisin, amant de Pierrette depuis quelques mois, s’inquiète de son absence. Il décide d’entrer dans la maison, avec le frère de Jacques. Dans le frigo, ils retrouvent une dinde et des huîtres. Le carnet de chèques trône sur la table. Des cadeaux attendent sous le sapin. Mais aucune trace de la famille Méchinaud. Les environs sont fouillés, en vain. La voiture, elle aussi, reste introuvable.

En 2011, 39 ans après, d’autres recherches sont mises en œuvre par la gendarmerie de Cognac. Elles ne permettront toujours pas de résoudre l’affaire. Disparition volontaire ? Accident ? Meurtre ? Plus de 50 ans après, de nombreuses pistes restent ouvertes. En janvier 2024, on apprenait que le pôle de Nanterre était saisi de l'affaire.

Les enfants disparus de l'Isère

Rien n'est pire qu'une disparition d'enfants. Dans les années 80 et 90, autour de Grenoble, en Isère, une dizaine d'enfants disparaissent ou sont retrouvés morts. Âgés de 5 à 15 ans, on les surnomme "les disparus de l’Isère". Ils s'appellent Léo, Fabrice, Rachid, Ludovic, Saïda, Nathalie, Charazed, Sarah, Anissa ou Grégory. Aucun coupable, ou presque, n'est identifié. En 2003, quarante ans après ces drames toujours aussi douloureux aujourd'hui pour les familles, le pôle judiciaire des cold cases de Nanterre relance des investigations sur certains d'entre eux : la disparition, à six ans, du petit Ludovic Janvier, en 1983 à Saint-Martin-d'Hères, celle de Charazède Bendouiou, en 1987, à Bourgoin-Jallieu et dont la famille se bat depuis trente ans pour connaître la vérité, la tentative d'enlèvement de Grégory Dubrulle, laissé pour mort en 1983 dans l'agglomération grenobloise, ainsi que l'enlèvement, le viol et le meurtre de Fabrice Ladoux, en 1989, à Grenoble.

Carole Soltysiak, retrouvée morte en Saône-et-Loire

"Le triangle de la peur". Entre 1984 et 2005, c'est le surnom de la zone située entre Mâcon, Chalon-sur-Saône et Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire. C'est là, dans ce secteur qui longe l'autoroute A6, qu'au moins douze jeunes femmes sont mortes ou ont disparu en l'espace de vingt ans. Carole Soltysiak n'a que 13 ans quand elle est retrouvée morte et mutilée en 1990 près de Montceau-les-Mines. C'est la septième de celles que l'on surnomme les "disparues de l'A6". L'autopsie montrera qu'elle a été saoulée, avant d'être violée et poignardée au thorax. Elle avait disparu, la veille, à 600 mètres de chez ses parents.

À l'époque, un poil masculin est découvert sur le corps de la victime ainsi que des indices, une bouteille d'alcool notamment, mais les techniques scientifiques ne permettent aucune identification et l'enquête patine. Les enquêteurs étudient même la piste de Francis Heaulme, le tueur en série, avant de l'abandonner. À partir des années 2000, deux suspects sont dans le viseur de la justice, des membres d'une bande de Montceau qui squattaient régulièrement près de l'étang perdu où Carole a été retrouvée morte. Ils sont finalement interpellés, avouent, sont mis en examen, mais ne font l'objet d'aucun procès. Internés dans des centres spécialisés, ils finissent par se rétracter et nient avoir tué Carole. Trente-deux ans après les faits, le pôle "cold case" du parquet de Nanterre décide de s'emparer de l'affaire, avec l'espoir, pour la famille, qu'un procès ait enfin lieu.

La disparition de Marie-Hélène Audoye sur la Côte d'Azur

Alors âgée de 22 ans, Marie-Hélène Audoye a disparu le 21 mai 1991. Elle habitait Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes et elle était représentante en produits pharmaceutiques. Elle a été vue pour la dernière fois à Monaco, au volant de sa Supercinq blanche... puis, plus aucune trace de la jeune fille.

Très vite, les enquêteurs vont privilégier la piste criminelle. Mais les années passent et aucune piste sérieuse ne permet de résoudre cette énigmatique disparition. Pendant plus de 30 ans, aucune piste n'a permis de faire avancer l'enquête. Le dossier a été classé en 2013 par une juge grassoise. L'enquête est relancée par le pôle "cold cases", 31 ans après les faits, avec la saisie d’un juge d’instruction le 3 juin 2022.

La disparition de Lydie Logé dans l'Orne

Lydie Logé, 29 ans et maman d'un petit garçon, disparaît le 18 décembre 1993 dans la petite commune de Saint-Christophe-le-Jajolet, dans l'Orne. Après avoir acheté un sapin de Noël avec une amie à Argentan, la jeune femme rentre chez elle, à une dizaine de kilomètres. Sa mère et sa tante lui parlent au téléphone vers 19h. Mais quand sa sœur tente de la joindre deux heures plus tard, elle ne répond plus. Ses clés sont retrouvées sur le contact de sa voiture, aucun mouvement n'est observé sur son compte bancaire. Lydie Logé s'est comme volatilisée.

Alors que deux enquêtes aboutissent à des non-lieux, les investigations sont relancées en 2018. Des rapprochements sont établis entre les traces ADN trouvées dans la camionnette de Michel Fourniret et l'ADN de la mère de Lydie Logé. En garde à vue, le tueur en série lâche un aveu partiel : "Je ne vois personne d'autre que moi". "L'Ogre des Ardennes" est mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivis de mort" en décembre 2020, quelques mois avant son décès. Son ex-épouse, Monique Olivier, poursuivie pour complicité, sera entendue lundi 11 mars au pôle "cold cases". Il ne reste plus qu'elle, aujourd'hui, pour s'expliquer sur la disparition de Lydie Logé.

Le double meurtre des sœurs Nougué-Cazenave à Pau

C'est la nièce des sœurs Nougué-Cazenave, Claudine Albira, qui a découvert les corps sans vie des deux femmes dans leur bar, "Chez Maurice", route de Tarbes, à Pau. "Deux corps gisant dans une mare de sang, une de mes tantes avec un pied au travers des barreaux de l'escalier, du sang du sol au plafond et contre les murs", se souvenait-elle en octobre 2022.

Les deux sœurs, Marcelle et Claudine, 71 et 59 ans, ont été égorgées le 28 août 1995. Les enquêteurs avaient bien interpellé un suspect à l'époque, mais il avait été libéré faute de preuve. Près de dix ans plus tard, quand Romain Dupuy égorge deux infirmières de l'hôpital psychiatrique de Pau, situé dans le même quartier, l'enquête sur les sœurs Nougué-Cazenave est relancée. Mais les deux affaires ne sont pas liées et le mystère retombe sur le meurtre des deux tantes. Le procureur de Pau avait annoncé, en septembre 2022, que le pôle "cold cases" avait décidé de s'emparer de ce dossier.

Tatiana Andujar disparue près de la gare de Perpignan

Tatiana Andujar était âgée de 17 ans lorsqu’elle a disparu le 24 septembre 1995, près de la gare de Perpignan. Elle est la première des "disparues de la gare". Deux ans après, en 1997, Mokhtaria Chaïb disparaissait, puis Marie-Hélène Gonzalès en 1998. Jacques Rançon a avoué avoir tué Mokhtaria et Marie-Hélène, mais le mystère reste entier sur la disparition de Tatiana Andujar, son corps n'a jamais été retrouvé.

Malgré toutes les investigations effectuées depuis, aucune piste sérieuse n'est apparue ou n'a permis de résoudre l'affaire. Pour la famille, le transfert du dossier au pôle "cold cases" de Nanterre a créé un nouvel espoir, " c'est peut-être notre dernière chance de connaître la vérité." Le pôle "cold cases" a rouvert le dossier 28 ans après les faits, le 28 décembre 2022.

La petite Marion enlevée en plein jour à Agen

La petite Marion a 10 ans lorsqu’elle disparaît, le 14 novembre 1996. L'enlèvement, car c'est l'hypothèse privilégiée, a lieu en plein jour, dans le centre-ville d’Agen. Marion Wagon sort de l’école à pied, pour rentrer déjeuner. Un trajet de seulement 400 mètres. Mais elle se volatilise, entre 12h10 et 12h25. Malgré les recherches et les auditions, aucun indice, aucun témoin n’est retrouvé. Une campagne d’affichage est lancée, le portrait de Marion Wagon s’affiche sur des millions de briques de lait. Rien. Vingt-cinq ans plus tard, la piste Fourniret est explorée, sans donner de résultat.

Dans cette affaire, les parents de Marion, Françoise et Michel, dénoncent des erreurs dans l'enquête. Un potentiel suspect avait ainsi été identifié par la police, mais la piste ne sera pas reprise par la gendarmerie, à qui l'enquête est confiée. Il est depuis décédé. En 2021, les experts s'aperçoivent également que l’ADN de l’enfant est absent des scellés. Le pôle "cold cases" de Nanterre a été saisi pour tenter de résoudre cette enquête, a confirmé le parquet de Nanterre ce mercredi 6 mars 2024.

La disparition de Cécile Vallin en Savoie

Cécile Vallin a 17 ans lorsqu'elle disparaît, le 8 juin 1997, près de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie. L'adolescente est partie à pied, en fin de journée, de son domicile, où elle vit avec sa mère. Elle a été aperçue pour la dernière fois sur la route départementale 906, en direction de Chambéry. Puis plus rien. Elle n'a jamais été retrouvée. Lorsque Michel Fourniret est arrêté, en 2003, les enquêteurs examinent le parcours de l'un des pires tueurs en série français pour tenter d'en savoir plus sur la disparition de Cécile Vallin. Mais ils abandonnent finalement cette piste. En septembre 2022, le dossier Cécile Vallin est transmis à la cellule cold cases de Nanterre.

Il faudra attendre le procès de Monique Olivier, l'ex-femme de Fourniret, en décembre 2023, et l'exhumation d'un PV établi par les enquêteurs belges pour relancer cette piste. En 2005, Monique Olivier avait avoué que Fourniret était revenu avec "une jeunette d'un âge apparent de 16 à 18 ans" dans leur maison de Sart-Custinne, en Belgique, pile au moment de la disparition de Cécile Vallin. L'attitude de la jeune femme "ne semblait pas naturelle, [...] comme endormie, sans réaction" raconte-t-elle encore, avant de conclure : "Si Fourniret a ramené cette jeune fille à la maison, c’est pour abuser d’elle sexuellement. S’il a abusé d’elle, il n’allait pas la laisser repartir vivante". La justice française devrait à nouveau entendre Monique Olivier dans ce dossier pour peut-être, enfin, élucider la disparition de Cécile Vallin.

Le double meurtre de la rue de l'Éventail au Mans

Dans la nuit du 26 au 27 novembre 2004, un couple est victime d'un crime particulièrement sanglant, dans sa maison de la rue de l'Éventail, au Mans. Un crime non élucidé à ce jour. Yves Belluardo, 66 ans, et sa compagne Martine Chide, 57 ans, sont retrouvés gisant dans leur chambre, à l'étage de leur maison située dans un quartier résidentiel de la ville.

Blessé au bras par deux balles, le comédien succombe après avoir reçu onze coups de couteau. Sa compagne, professeure de français, a été poignardée à treize reprises. Aucun objet n'a disparu dans la maison. Les armes du crime, une carabine 22 long-rifle et un couteau de type commando, n'ont jamais été retrouvées. Comme seuls indices, les enquêteurs ont un carreau cassé et une trace de pas. En septembre 2022, soit 18 ans après les faits, l'affaire a finalement été confiée au pôle "cold cases", un rebond inespéré pour la fille de Martine Chide, Julie. Elle espère maintenant obtenir des réponses.

La tuerie de Chevaline en Savoie

Le 5 septembre 2012, c'est une scène d'horreur que découvre un cycliste britannique, sur les hauteurs du lac d'Annecy. Une fillette en sang qui titube et s'effondre sous ses yeux, une voiture dont le moteur tourne encore avec, à l'intérieur, "beaucoup de sang et des têtes trouées par des impacts de balles" témoignera-t-il. Quatre personnes viennent d'être froidement abattues sur le parking de cette route forestière, située entre la commune de Chevaline et celle de Doussard, en Haute-Savoie. Trois des victimes sont des touristes britanniques d'une même famille : le père, Saad Al-Hilli, son épouse et sa belle-mère. La quatrième victime est un cycliste, Sylvain Mollier, un ouvrier de la région. Tous viennent d'être abattus à bout portant. Seules les deux fillettes du couple ont survécu : l'une a été blessée par balle et laissée pour morte. L'autre, prostrée aux pieds de sa mère à l'arrière de la voiture, est indemne, mais elle n'a rien vu. La couverture médiatique est énorme, internationale. Les médias se passionnent pour cette histoire.

L'enquête montrera que, sur les 21 balles tirées, 17 ont atteint les victimes. Les enquêteurs soupçonnent immédiatement un tueur professionnel d'être responsable de ce drame. Après plusieurs mois, une multitude de pistes et autant d'impasses, les enquêteurs privilégient trois pistes : le conflit familial sur fond d'héritage paternel (le frère de Saad Al-Hilli sera d'ailleurs entendu à plusieurs reprises), l'espionnage industriel car Saad Al-Hilli, ingénieur "brillant", travaillait pour une entreprise anglaise spécialisée dans les satellites civils. Et la dernière piste étudiée, celle de l’Irak, le pays d'origine des Al-Hilli, n'aboutira pas. À l'époque, une guerre civile déchire le pays.

Après dix ans d'enquête, ni l'arme, ni le tueur n'ont été identifiés ou retrouvés. Le motif de cet assassinat n'a jamais non plus été élucidé et ce quadruple meurtre reste l'une des plus grandes énigmes criminelles françaises.

La disparition de Tiphaine Véron au Japon

Tiphaine Véron est en vacances au Japon en juillet 2018. Elle visite Nikko, une ville proche de Tokyo, lorsqu'elle disparaît. La jeune femme de 36 ans est épileptique. Elle a quitté son hôtel en laissant derrière elle sa valise, son passeport et son programme de visites touristiques. Cet été-là, Tiphaine voyageait pour la deuxième fois au Japon, pays qui la passionnait depuis plusieurs années. Les enquêtes menées de Poitiers, d'où vient Tiphaine Véron, et par la police japonaise n'aboutissent pas.

Après plus de quatre ans d'inquiétude et de mobilisation de la famille et des amis de Tiphaine Véron, l'affaire a été confiée au pôle "cold cases" en janvier 2023. C'est une enquête où les relations diplomatiques entre la France et le Japon prennent une part importante et les attributions de la juridiction de Nanterre devraient faciliter les choses, espèrent les proches de la jeune femme.

> Toutes les personnes susceptibles d’apporter un témoignage utile à l’enquête peuvent écrire à cette adresse : temoignages.coldcase.tj-nanterre@justice.fr

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