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"Il est entré dans la douche" : victime d'abus sexuels à Bétharram, ce Biarrot porte plainte une seconde fois

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Anthony, collégien à l'institution Notre-Dame de Bétharram dans les années 1990, se dit victime d'agressions sexuelles et d'un viol dans l'établissement catholique privé. Le Biarrot a de nouveau porté plainte en février, après une première plainte déposée en 2000, classée sans suite.

Anthony, 47 ans, a déposé une deuxième plainte en février pour viol visant un surveillant de l'institution Notre-Dame de Bétharram. Anthony, 47 ans, a déposé une deuxième plainte en février pour viol visant un surveillant de l'institution Notre-Dame de Bétharram.
Anthony, 47 ans, a déposé une deuxième plainte en février pour viol visant un surveillant de l'institution Notre-Dame de Bétharram. © Radio France - Louison Leroy

Le scandale qui éclabousse l'institution Notre-Dame de Bétharram n'en finit pas. Ce mardi, 43 nouvelles plaintes ont été déposées, portant le nombre total de plaintes à 76, pour des violences physiques, des agressions sexuelles et des viols sur des enfants et des adolescents, entre 1970 et les années 2000. Les faits se sont déroulés dans cet établissement scolaire privé catholique des Pyrénées-Atlantiques, selon les dépositions. Le porte-parole d'un collectif de victimes, Alain Esquerre, dénonce "des actes barbares". C'est lui, ancien élève, qui recherche les témoignages et qui centralise les plaintes. Parmi elles, il y a celle d'Anthony.

"Je n'étais plus le même"

Il approche de la cinquantaine, Anthony. Cet habitant de Biarritz préfère utiliser un prénom d'emprunt pour éviter que son témoignage ne l'affecte davantage encore dans son quotidien. Gamin, il est celui qui amuse la galerie à l'école, "[il fait] le con", sourit-il. Ses résultats scolaires sont mauvais. Il est en décrochage. Il redouble sa sixième à Biarritz. Sa mère décide alors de l'envoyer dans cet établissement réputé.

L'image d'exigence dont profite l'établissement à l'extérieur s'avère être un calvaire de l'intérieur. "Dans les dortoirs, on n'avait pas le droit de lire de bande dessinée, pas le droit d'écouter de musique, pas le droit de discuter entre élèves, pas le droit de manger", se souvient Anthony. Et gare à celui qui enfreint les règles. "On recevait des claques dans la tête de la part des surveillants, on pouvait finir sur le perron en caleçon jusqu'à pas d'heure, même en plein hiver."

Le gamin turbulent se transforme en enfant sage, introverti. "Je n'étais plus le même", confie-t-il aujourd'hui. Ses résultats scolaires s'améliorent. Puis, vient cette rencontre avec un surveillant laïc. Ce dernier a presque 30 ans à ce moment, soit le double de l'âge du gamin.

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Après une séance de squash, le surveillant propose à Anthony de prendre une douche "dans l'enceinte où lui surveille les enfants dans l'internat". L'adolescent s'y rend sans se poser de question. L'adulte entre à son tour dans la douche. Anthony, 14 ans, n'a pas su le repousser. Il se dit victime d'attouchements. Le début d'un enfer qui aurait duré quatre ans, avec des agressions sexuelles "une fois par semaine au minimum" selon le plaignant.

"J'ai dû lui faire une fellation"

Anthony est soulagé quand il rentre chez lui les week-end. Il ne dit rien. Personne n'est au courant. Le dimanche soir, au moment de rentrer, il prend le bus "la boule au ventre". Rapidement, il ne prend plus le bus. C'est son agresseur présumé qui l'emmène en voiture. "Il avait réussi à entrer dans mon cercle familial, j'ignore encore par quel moyen." Ce dernier gagne la confiance de la mère d'Anthony. Les années passent. Anthony quitte l'internat, non pas pour se sauver, mais pour emménager dans un appartement à côté de Notre-Dame de Bétharram, où il est toujours scolarisé, avec le surveillant et un autre élève. Il n'a pas pu refuser la proposition : il est sous "son emprise".

Il vit deux années durant, sa quatrième et sa troisième, dans la promiscuité avec le surveillant en question et un autre élève. Anthony dit s'être fait violer un soir dans l'appartement alors que l'autre élève s'est absenté. "J'ai dû lui faire une fellation. C'est le seul souvenir que j'aie de viol, je ne sais pas s'il y en a eu d'autres", raconte-t-il. D'autres victimes à Bétharram, de ce surveillant ou d'autres, oui il y en a eu, ça il en est persuadé. Pour Anthony, l'enfer se termine avec son entrée au lycée public. Là, il redevient le gamin qu'il était. Il "fume des pétards" et vit sa vie d'adolescent. Mais il ne retrouve pas "l'innocence" qu'on lui a "volée".

Une plainte classée sans suite sur des faits non prescrits

Anthony se reconstruit tant bien que mal, malgré cette "plaie qui ne se referme jamais". Un jour, il se dispute avec sa mère et lui déballe tout. Elle l'accompagne porter plainte, en 2000. La plainte, la première selon lui visant l'institution Notre-Dame de Bétharram, sera classée sans suite, alors que les faits n'étaient pas prescrits. Un "manque de preuves sans doute", analyse-t-il froidement aujourd'hui. Que justice soit faite, c'était beaucoup demander, lui dit qu'il voulait "au moins être écouté".

Sa confrontation avec son agresseur présumé l'a paralysé. "À 23 ans, je pensais être devenu un homme, je regrette de ne pas avoir osé lui dire ce que je pensais." Il pourra peut-être le faire à presque 50 ans : sa nouvelle plainte est désormais sur une pile sur le bureau du procureur de Pau. Anthony est prêt à "partir en guerre". Cette fois, il sait qu'il n'est pas seul.

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