Passer au contenu
Publicité

Accident mortel du TGV à Eckwersheim : "Je n'étais qu'un exécutant", déclare le conducteur de la rame d'essai

- Mis à jour le
Par

Le conducteur de la rame d'essai du TGV qui a déraillé le 14 novembre 2015 à Eckwersheim témoignait ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris. Il a tenté de minimiser son rôle dans l'accident, mais a reconnu qu'il avait demandé à repousser le point de freinage.

Le conducteur de la rame d'essai du TGV à Eckwersheim témoigne au tribunal correctionnel de Paris Le conducteur de la rame d'essai du TGV à Eckwersheim témoigne au tribunal correctionnel de Paris
Le conducteur de la rame d'essai du TGV à Eckwersheim témoigne au tribunal correctionnel de Paris © Radio France - Antoine Balandra

En jean et pull noir, Denis T., le conducteur de la rame d'essai, s'avance à la barre. "Je ne me sens pas responsable, d'autres personnes auraient pu être là ma place" dit-il. Depuis qu'a commencé le procès de l'accident du TGV d'Eckwersheim au tribunal correctionnel de Paris, le 4 mars, sa parole est très attendue, comme celle des deux autres personnes qui étaient dans la cabine de pilotage au moment du déraillement : un cadre de la SNCF et le pilote secondaire.

Publicité

Tous trois sont jugés aux côtés de la SNCF, ses filiales Systra et SNCF Réseau, pour "blessures et homicides involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité". Ils étaient dans la cabine de conduite le 14 novembre 2015, au moment où le TGV est arrivé dans une courbe à grande vitesse à hauteur d'Eckwersheim, au nord de Strasbourg. L'accident a causé la mort de 11 personnes et en a blessé 42 autres.

"Je ne me sens pas responsable"

À la barre, Denis T. est très calme. Il répond d'une voix grave et posée, presque trop calme. Ses réponses ne sont pas très précises. Il semble ne pas se souvenir de nombreux détails et tente souvent d'atténuer sa responsabilité. Il explique son rôle ce jour-là. Il s'agissait de conduire le train en respectant la vitesse demandée, rien à voir, précise-t-il avec des conduites commerciales. "Il y a des vitesses très spécifiques. Avec peu de marge. Sur des lignes que l'on ne connaît pas, le rôle est de maintenir la vitesse et de respecter les points de freinage quand on les annonce".

Il minimise sa marge de manœuvre en matière de décision. Il n'était qu'un exécutant, et il n'y avait pas trop de discussion possible, même si en théorie, il pouvait donner son point de vue. Poussée par la présidente, qui lui demande s'il aurait pu discuter les ordres du cadre traction, il finit par reconnaître "J'aurais pu dire non".

L'avocat du conducteur, maitre Sarda, tente de montrer que son client ne pouvait pas se concentrer sur le kilométrage et le lieu précis du freinage. "J'avais les yeux rivés sur le compteur de vitesse, ce n'était pas à moi de surveiller le point kilométrique" dit le prévenu.

Une organisation des essais défaillante

Le prévenu admet que le système de sécurité était désactivé, mais que pour lui, comme pour les autres participants à l'essai, il n'y avait aucun risque dans leur esprit. Que ce soit pour lui qui conduisait ou pour toutes les personnes dans la cabine de conduite. Plus globalement, c'est toute l'organisation des essais, que la présidente, pointe méthodiquement. Le briefing qui n'est pas complet, la formation pour mener des essais défaillante, la documentation inexistante, même le profil de la ligne n'est qu'un "dessin fait à la main avec même pas les pourcentages de pente", précise Denis T.

"Je me demande encore comment on a pu prendre cette décision"

Le conducteur reconnaît que des discussions ont lieu au dernier moment sur un palier de freinage particulièrement serré. La présidente rappelle que le conducteur insiste lors de l'essai pour repousser le freinage au maximum. "On n'était pas tous d'accord. J'ai demandé à repousser le point de freinage, car je me basais sur l'essai du matin", reconnaît le conducteur.

Le conducteur préconise de freiner au point kilométrique 402. Les experts ont pourtant démontré lors du procès qu'à cet endroit et en survitesse, l'accident était inévitable. Denis T. reconnaît qu'ils n'étaient pas tous d'accord, s'embrouille un peu dans ses explications et finit par lâcher : "Même encore maintenant, depuis des années, je me demande encore comment on a pu prendre cette décision".

"Je voudrais que ça se termine"

On sent que le conducteur est sur le fil. Il appréhendait ce procès, cette rencontre avec les victimes et leurs familles. "Je pense beaucoup aux familles des victimes. Beaucoup sont venues me parler ici au tribunal. Cela m'a touché, j'avais une appréhension. J'avais tellement peur. Le fait d'avoir reçu des soutiens, c'est énorme".

Il conclut un peu sonné : "Je ne sais pas quoi leur souhaiter. Je suis avec eux. Je voudrais que ça se termine. Ne plus entendre parler de ces 10 ans".

À 16h, l'audience est suspendue. Elle reprendra demain matin, avec l'audition du troisième homme présent dans la cabine, et poursuivi dans ce dossier : le pilote traction de Systra. Lui aussi a participé à la fixation du point de freinage.

loading
L'accident du TGV d'Eckwersheim
L'accident du TGV d'Eckwersheim © Visactu

Nos articles incontournables sur le sujet :

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

Publicité

undefined