Accident du TGV à Eckwersheim : au procès, le cadre de la SNCF minimise son rôle
Au procès de l'accident du TGV d'Eckwersheim, les prévenus sont entendus cette semaine devant le tribunal correctionnel de Paris. Ce mardi, Francis L, cadre de la SNCF est venu raconter sa version de cette journée "cauchemardesque". 11 personnes sont mortes et 42 ont été blessées en novembre 2015.
Presque un mois après le début du procès de l'accident du TGV d'Eckwersheim, le tribunal correctionnel de Paris a commencé ce mardi à entendre les prévenus. Ce mardi, Francis L., cadre de la SNCF, a raconté cette journée, tout en expliquant que ce n'est pas lui qui prenait les décisions concernant le freinage.
Ce cadre de la SNCF, ainsi qu'un pilote et le conducteur principal, sont jugés aux côtés de la SNCF, ses filiales Systra et SNCF Réseau, pour "blessures et homicides involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité". Les trois hommes étaient dans la cabine de conduite le 14 novembre 2015, au moment où le TGV est arrivé dans une courbe à grande vitesse. L'accident a causé la mort de 11 personnes et en a blessé 42 autres lors des essais de la ligne à grande vitesse du TGV Est.
Pas un jour sans penser aux victimes et à leurs familles
Ce mardi, c'est Francis L., cadre de la SNCF qui encadrait les pilotes dans la cabine qui a raconté cette "journée cauchemardesque" devant le tribunal correctionnel de Paris. Francis est d’abord ému aux larmes pour dire au tribunal que depuis cette journée cauchemardesque du 14 novembre 2015, il ne se passe pas un jour, pas une nuit sans qu’il pense aux victimes et à leurs familles.
Sous les ordres de Systra
Très vite, le cadre SNCF, qui en temps normal dirige une équipe de 70 conducteurs, reprend de l’assurance. Il se positionne clairement. Ce jour-là, il encadrait les conducteurs dans la cabine, certes, c'est lui qui donnait les consignes de freinage, mais il était lui-même sous les ordres du chef d’essai de la filiale Systra. "Mais vous pouviez refuser ?", demande la présidente. "Ce n’est vraiment pas l’état d’esprit", sourit Francis, "sinon on ne serait pas là !". En tant que "cadre CTT" ou "cadre traction", Francis L. était pourtant "le maître à bord" de la cabine de pilotage, selon les experts judiciaires.
Francis L. accuse la filiale Systra, d'abord, qui n'en faisait qu'à sa tête. Il n’est pas d’accord avec les choix de vitesse indiqué par Systra, bien trop élevé selon lui. Il le signale, mais Systra n’en tient pas compte.
"Mais vous gardiez quand même un œil sur le compteur de vitesse ?", lui demande la présidente."Avec eux, c'était toujours la même chose", proteste le cadre SNCF, qui n'accepte pas qu'on refuse les consignes. "Il fallait continuer de rouler à 360 (km/h)".
Des explications confuses
Il pointe aussi les conducteurs." Ce sont eux qui m'ont poussé", accable Francis. "Il fallait entamer le freinage au kilomètre 400. J'ai accepté qu'on attende le kilomètre 401 et là, le pilote me dit : "on va pousser jusqu'au 402". J'ai dit oui, oui, mais à condition qu'on enclenche le freinage électrique".
"Mais vous êtes le seul à raconter cette version !", s'étonne la présidente. Mais les explications de Francis L, ne viennent pas. Il ne répond pas avec précision sur le moment où il a donné l'ordre de freiner, sur la manière dont il a contrôlé le freinage du conducteur. Même sur le briefing d'avant-marche, le discours est toujours confus.
Interpellé par un avocat des victimes, il reconnait à minima une responsabilité. "C'est parce que je cherche ce qui a pu se passer, referme Francis. Mais en réalité, oui, je me reproche des choses".
Francis L. encourt jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, tout comme le conducteur du train et le pilote traction.
Une catastrophe de la sous-traitance
Interrogé lors de la deuxième semaine de procès, Nicolas Spire, sociologue du travail, avait détaillé dans un rapport de 248 pages remis aux CHSCT de la SNCF (comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ce qu'il qualifie de "catastrophe de la sous-traitance". Pour lui, l'accident s'explique en partie par le choix de confier l'organisation des essais à un acteur externe, en l'occurrence Systra. "Les collaborations des équipes de la SNCF avec celles de Systra se sont parfois révélées délicates, voire difficiles", avait relevé Nicolas Spire.
Les experts judiciaires entendus avant lui, ont, eux aussi, pointé du doigt le sous-traitant. "Systra a confié la définition, l'organisation et la conduite des essais en survitesse à du personnel n'ayant pas l'expérience de ce type d'essais, et n'a pas compensé cette inexpérience par une formation appropriée et un accompagnement adapté", avaient affirmé les deux experts.
L'équipage de conduite de la SNCF ne disposait "ni des informations suffisantes ni des compétences requises pour conduire ces essais", avaient pointé les experts judiciaires.
Ils avaient cependant dédouané le conducteur du train, un simple "exécutant". "On ne peut rien lui reprocher", avaient-ils dit. Ce dernier sera entendu jeudi 4 avril par le tribunal correctionnel.
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