"On avait froid, mais on avait un toit" : derrière le mal-logement, la galère des passoires thermiques
Appartements insalubres, maisons mal isolées ou trop humides : sur 600.000 logements indignes en France, 10% sont recensés en Bretagne. Dans son dernier rapport, la fondation Abbé Pierre met l'accent sur le vécu des personnes concernées et la difficulté de sortir de l'habitat indigne.
"Je n'enlève jamais ma polaire dans la maison" : dans son salon entièrement recouvert de bâches, en plein centre-ville de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), Mme B. nous montre tous les endroits où passent les courants d'air. "Les fenêtres, c'est du simple vitrage", indique cette aide-soignante de 56 ans. "Le vent passe sous la porte, les murs sont mal isolés, les cheminées amènent de l'air froid. Et on a dû assécher les murs pendant des semaines à cause des travaux dans la rue." Techniquement, sa maison n'est pas insalubre, mais c'est une véritable passoire thermique : "Je payais 800, voire 900 euros de régularisation EDF à la fin de l'année. En fait, tout le chauffage que je mettais s'en allait !"
Des travaux reportés plusieurs fois
En 2016, lorsque Mme B. se sépare de son mari, elle se tourne vers une assistante sociale : "La maison était trop énergivore, il m'était impossible de payer les factures d'électricité qui flambaient", raconte cette maman, désormais seule avec ses deux enfants. Conseillée par l'assistante sociale, elle bénéficie du programme MOUS qui prend en charge ses régulations, souscrit plusieurs crédits et lance de grands travaux de rénovation.
Et puis le covid est passé par là : "Les travaux ont été suspendus alors qu'ils n'avaient même pas commencé", raconte Mme B. "Et à la sortie du confinement, au moment de refaire les devis, tout avait augmenté." À l'époque, la propriétaire songe à abandonner : "On en avait marre. On savait qu'on avait froid, qu'on était tout le temps malade, mais on avait un toit. Alors je me suis dit que les enfants allaient partir, et que j'allais rester là."
Trop d'abandons et de non-recours
Le cas de Mme B. est loin d'être isolé. Chaque année, la fondation Abbé Pierre s'inquiète du nombre de personnes qui, par manque de soutien ou d'information, ne sollicitent pas les aides administratives : "C'est un parcours épuisant", admet Aurélie Jouano, chargée de mission pour la fondation. "C'est trop long, trop cher, et souvent trop difficile de se projeter." S'y ajoutent des changements fréquents de législation concernant l'accès au logement : "Les conditions ne sont jamais les mêmes, certains habitants se retrouvent exclus des cases où ils étaient auparavant admis. La France manque d'une politique claire et volontariste sur la question du logement." En février 2024, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé une enveloppe de quatre milliards d'euros pour la rénovation thermique.
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