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VIDÉO - Christopher Coutanceau : "Satisfaire les clients est notre seule obsession"

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Très marqué par la perte de la troisième étoile, le chef rochelais a mis du temps à digérer. En silence. Après le coup de feu de la réouverture de son établissement fin mars, Christopher Coutanceau a ouvert son cœur. Passionné, ambitieux, orgueilleux et plus combatif que jamais.

Christopher Coutanceau dans la salle du chef avec vue sur les cuisines Christopher Coutanceau dans la salle du chef avec vue sur les cuisines
Christopher Coutanceau dans la salle du chef avec vue sur les cuisines © Radio France - Eric Le Bihan

Le restaurant doublement étoilé de Christopher Coutanceau a rouvert le 26 mars dernier à La Rochelle. Si l'établissement planté devant la plage de la Concurrence est plus que jamais un hymne à la mer, l'année traversée a aussi laissé place à l'amer. Le temps de digérer la perte du troisième macaron Michelin (annoncée en février 2023) et d'avaler sa tristesse et sa colère. Comme une arête plantée en travers de la gorge. Pas celle d'une sardine grillée qu'on mange intégralement, plutôt celle d'un gros bar de ligne pêché au large de Ré ou Oléron. La digestion a été longue, mais l'orgueilleux chef rochelais a avalé sa rancœur et replongé dans son désir d'excellence. Le cuisinier pêcheur, comme il aime se définir, nous a ouvert ses portes et son cœur lors d'un entretien très iodé et parfois assaisonné.

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Tout commence dans la salle du chef autour d'un café. "La réouverture du restaurant, c'est l'obligation de créer des nouveaux plats pour nos clients, leur faire découvrir d'autres choses. Et puis il y a l'incontournable saisonnalité. On passe de l'hiver au printemps et la nature nous apporte des produits. On s'était penché sur la nouvelle carte avant la fermeture pour être prêt." Christopher Coutanceau explique changer son menu à 10 plats en deux temps, pour une meilleure maitrise. Et puis, il y a aussi les deux plats signature : la sardine de la tête à la queue et le civet de homard. Un plat créé avec son père à la fin des années 90.

La brigade de Christopher Coutanceau en pleine préparation avant le service
La brigade de Christopher Coutanceau en pleine préparation avant le service © Radio France - Eric Le Bihan

"Voyager, c'est une source d'inspiration"

La fermeture hivernale du restaurant a aussi permis à Christopher de voyager. "Le GIEP, le centre de formation de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, m'a fait venir pour réaliser un dîner, deux déjeuners et deux démonstrations. On a aussi pêché vers l'île des Pins avec des chefs de tribus. C'était extraordinaire avec des gros poissons, jusqu'à plus de 35 kg. L'occasion de goûter à une autre culture avec de fabuleux produits et une ressource marine relativement dense chez eux. Ils ont de la vanille, des super fruits, des super légumes, du miel sauvage de Lifou... C'est la base de notre métier, il faut avoir une ouverture d'esprit, voyager, c'est une source d'inspiration et une chance aussi de pouvoir le faire".

Fin du voyage virtuel, retour à La Rochelle. Christopher Coutanceau enfile sa veste de chef, direction la cuisine. Sa brigade est en pleine préparation avant le coup de feu. C'est sans doute là que le chef se sent le plus à l'aise. "Tous les matins, au retour de la criée, on ramène poissons, coquillages, crustacés issus de la pêche locale et artisanale de La Rochelle. Chaque poste a un chef de partie, un demi-chef de partie et un commis. Tous les matins, ils relancent la mise en place pour les services du midi et du soir. Et on recommencera demain pour que tout soit d'une pure fraîcheur."

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Nicolas Brossard, l'alter ego

Institution doublement étoilée depuis 1984, la maison Coutanceau doit aussi son niveau d'excellence à Nicolas Brossard, fidèle associé de Christopher. "On a toujours voulu monter notre restaurant, comme si on recevait à la maison. C'est un très grand professionnel, un grand sommelier et un grand directeur de salle. Dans un restaurant, on parle beaucoup du cuisinier, mais c'est un ensemble. Nicolas a ça dans le sang. Sa maman me disait qu'à l'âge de huit ans, quand ses parents recevaient des amis à la maison, il mettait la chemise, le gilet et le nœud papillon et c'est lui qui servait, il adorait ça. Ça se voit encore aujourd'hui. On a un binôme qui fonctionne parfaitement".

Si le chef n'a pas souhaité revenir sur la claque infligée par la perte du troisième macaron en février 2023, Nicolas Brossard a accepté de se confier sur cet épisode très douloureux. "Moi, je n'avais pas le choix par rapport aux équipes. On a 118 collaborateurs sur les trois maisons, il fallait que je sois présent pour les équipes et les clients que j'ai en face de moi en salle avec cette question qui revenait 20 fois par jour : comment ça va après la perte de cette 3e étoile ? Il a fallu puiser, faire comme si tout allait bien. C'est un lieu de fête, il ne fallait pas qu'on soit triste et qu'on porte le deuil", confesse Nicolas Brossard.

Le chef Christopher Coutanceau et son fidèle associé Nicolas Brossard, maître de maison
Le chef Christopher Coutanceau et son fidèle associé Nicolas Brossard, maître de maison © Radio France - Eric Le Bihan

Entre tristesse, colère et frustration

Pendant deux à trois mois, c'est lui qui a porté Christopher, balloté entre tristesse, colère et frustration au point de ne plus vouloir communiquer. Après avoir tenu la barre du navire, le maître de maison a accusé le coup à son tour au cœur de l'été. "Avec la fatigue, j'ai eu un gros contrecoup fin août. Et puis Christopher est reparti en création. Du coup, on s'est soutenu et complété à des phases différentes. Ça prouve l'importance d'être deux dans ces moments-là. Mais oui, ça a été violent, ça a été dur". Aujourd'hui, la page est tournée : "Satisfaire les clients est notre seule obsession." Un voyage culinaire dans un écrin marin avec vue sur l'océan. La salle est un hymne à la mer. "On a porté une grande importance avec Nicolas sur le lieu, sur l'expérience à vivre. On a la chance d'avoir cette vue magnifique. On mange 100 % marin jusqu'au dessert, c'est fabuleux. Il y a de la cohérence."

Revue de salle du propriétaire. "Les assiettes présentation sont en forme de goutte d'eau pour rester dans l'esprit liquide. On a les petits repose sacs à main en forme de fauteuil de plage. On a aussi calculé la hauteur de table par rapport à l'assise des fauteuils. On en a essayé une quinzaine avant de choisir ceux-là. La finesse de la verrerie aussi, avec une grande délicatesse au pied et une finesse au buvant, la salière en forme de goutte d'eau, une moquette de création bleu abyssal. Et puis, je voulais au plafond et au mur, comme une cartographie marine de bateau", détaille Christopher Coutanceau. Une dizaine de sondes lumineuses ont été installées sur le toit du restaurant. Selon la lumière du jour ou de la nuit, le décor va se mettre à changer de mode lumineux. L'excellence se trouve dans le détail. "Complétement, il faut aussi trouver des choses que les autres n'ont pas par rapport à une situation géographique et un lieu."

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Un bar de roche de Chassiron, c'est comme Bourgarit, trapu, costaud...

On ne pouvait pas quitter Christopher Coutanceau sans évoquer sa grande passion : la pêche. "Le dernier coup de pêche à La Rochelle, c'était fin novembre. Après, il faut laisser les poissons tranquilles qui portent en reproduction. Généralement, on reprend la pêche début avril, mais vu la météo, on va devoir encore patienter une ou deux semaines. Mais vous savez, la pêche m'a tellement apporté de connaissances sur la saisonnalité, sur la différence des poissons d'une même espèce. Vous prenez un bar de roche de Chassiron, c'est comme Bourgarit au rugby. C'est trapu, costaud, ça a le nez cassé parce que ça lève des cailloux pour manger du crabe. Après vous avez les bars de sable, très longilignes, très fins avec le dos jaune car ils se nourrissent de petits poissons. Les chairs n'ont pas le même goût et la pêche m'a apporté énormément pour mon métier".

Et Grégory Alldritt dans tout ça ? L'ami et complice de sorties de pêche avec qui il a partagé des vacances en décembre dernier au Costa Rica. "Ça fait deux-trois ans qu'il pêche, il a son semi-rigide aussi. Il commence à bien taquiner. Ce qui me plait, c'est qu'il est aussi dans le respect de la saisonnalité, il s'intéresse énormément. Quand il revient à la maison, il me demande quelques recettes pour faire ses bocaux de maquereaux au vin blanc ou à la moutarde. C'est de la petite pêche, on va garder les beaux pissons qui se sont reproduits plusieurs fois et se les garder pour faire un ou deux repas". Outre la passion de la pêche, Alldritt et Coutanceau ont un autre point commun : ils ont deux étoiles sur leur tunique. Et l'appétit vient en mangeant.

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