The Carlton Club
Que peuvent bien faire ces hommes, chaque jeudi, au Carlton Club ? Que font les hommes les plus riches lorsqu’ils s’enferment avec les plus puissants ?
Tout ce que je vais vous dire maintenant est vrai, et restera vrai tant qu’il vous plaira d’y croire. En ce jour de décembre 1920, la neige recouvre Londres comme un baiser le front d’un enfant. Lentement, elle dépose une fine pellicule glacée sur les trottoirs, sous le regard impassible de Big Ben, qui semble endormie, bercée par le brouillard. Trouant d’un pointillé noir le manteau blanc de la capitale anglaise, le spectateur attentif remarquera des traces de pas.
S’il s’approche jusqu’à St James Street, il pourra même voir, sur le trottoir, les empreintes de semelles de chaussures extrêmement raffinées – des chaussures d’homme, à vue de nez, du 9 et demi, a priori. Bien que n’étant que des traces de pas dans la neige, ces empreintes laissent dans leur sillage une impression de luxe incroyable, grâce à la finesse des dessins de la semelle et au parfum de cuir sauvage qui s’en dégage. Alternant avec ces traces, un petit point noir nous laisse supposer l’utilisation d’une canne. Et derrière ces empreintes adultes, le spectateur remarquera celles, plus brutes, de petits souliers ressemelés plusieurs fois ; sans doute des croquenots d’enfant misérable comme il y en a des milliers, en 1920, à Londres…
Ici se joue le nœud de notre histoire, et, si vous voulez bien mettre vos pas dans les pas de notre récit, vous saurez de quoi il retourne...