Passer au contenu

À Toulouse, le dernier livre de Bernard Minier édité en braille pour les non-voyants

Par

Il est venu marquer son soutien au Centre de transcription et d'édition en braille, dont il est le parrain : l'écrivain de polars Bernard Minier était mercredi 10 avril à Toulouse, après la sortie simultanée de son dernier livre "Les Effacées" en version imprimée et en braille.

Bernard Minier, parrain du Centre de transcription et d'édition en braille à Toulouse, a sorti son dernier livre en même temps pour les voyants et les aveugles Bernard Minier, parrain du Centre de transcription et d'édition en braille à Toulouse, a sorti son dernier livre en même temps pour les voyants et les aveugles
Bernard Minier, parrain du Centre de transcription et d'édition en braille à Toulouse, a sorti son dernier livre en même temps pour les voyants et les aveugles © Radio France - Morgane Heuclin-Reffait

C'est un événement assez rare pour être noté : la sortie d'un livre en braille à la même date que sa parution classique, imprimée, pour les voyants. "Les Effacées", dernier polar de Bernard Minier, auteur aux millions d'exemplaires vendus, est paru début avril également pour les aveugles. "Ca reste un symbole, se félicite Denis Guérin, chargé des journaux et magazines en braille au sein du Centre de transcription et d'édition en braille à Toulouse qui s'est occupé de la fabrication. Pouvoir accéder aux livres d'un grand auteur, tout de suite, en braille, au lieu d'attendre six mois qu'il soit adapté, c'est un symbole d'inclusion."

D'ordinaire, les délais sont plus longs, le temps que les éditeurs mettent à disposition les fichiers numériques des œuvres que l'association se charge ensuite de transcrire en braille et de fabriquer. Aujourd'hui, moins de 10% des livres sont édités en braille en France. Le Centre situé à Toulouse est le plus grand du pays, avec 12 salariés et 62 bénévoles.

Des coûts de production plus élevés

Il faut dire que fabriquer un livre en braille est plus long et plus coûteux que sa version imprimée pour les voyants. La transcription à effectuer d'abord, qui mobilise deux salariés du Centre basé à Toulouse, dont Dorian Lacaze : "c'est très automatisé et 90% se fait via un logiciel, mais derrière, on vient refaire la mise en page, corriger les fautes, explique-t-il. On fait environ 200 livres par an, avec l'aide de bénévoles".

Quant à l'étape de la production, c'est là que les coûts s'envolent. Les machines qui permettent de poinçonner le papier de sorte à créer le relief en braille, valent "entre 20.000 et 80.000 euros selon les modèles, et il y en a très peu sur le marché, explique Clément Jeneste, technicien d'imprimerie. On en a qui ne fonctionnent plus car elles sont très anciennes. Les fournisseurs n'ont plus de pièces, on recherche de nouvelles machines mais on n'en trouve pas." Sur leurs embosseuses actuelles, l'association peut sortir 800 pages par heure.

loading

"La différence, c'est aussi qu'il faut un papier avec un grammage très élevé, plus épais, pour garantir que les bosses ne s'écrasent pas avec le temps, ajoute Dorian Lacaze. Le coût du papier est donc plus élevé. En parallèle, étant donné que le braille prend beaucoup plus de place, les livres font beaucoup plus de pages, ce qui augmente les coûts de production." En moyenne, un livre de 500 pages comme le tome 1 de Harry Potter en version imprimée en fait finalement 700 à 800 en braille, selon les salariés.

Appel à l'aide lancé à l'Etat

"Un livre en braille a entre 500 et 700 euros de prix de revient, résume Denis Guérin. On a toujours vendu à perte, mais depuis le 1er janvier 2023, on a en plus décidé d'appliquer les mêmes prix pour les livres en braille que pour leurs équivalents imprimés, en prenant sur nos fonds propres pour l'instant." L'association tente donc d'interpeller le gouvernement pour obtenir davantage d'aides financières.

"Aujourd'hui, la trésorerie s'amenuise, on tend le dos un peu, lance sa directrice Adeline Coursant. On espère toujours que le ministère de la Culture nous octroie un budget un peu plus conséquent, mais les réponses sont toujours assez fuyantes ! Aujourd'hui, on est aidés à hauteur de 20.000 euros par an, alors que sur notre activité concernant les livres en braille, on en perd 300.000 dans le même temps." L'association a diversifié ses productions, en réalisant notamment des documents administratifs ou des relevés bancaires en braille pour leurs clients, mais cela est loin de compenser les pertes.

La transcription et la parution des livres en braille est plus coûteuse que leur version imprimée, un casse-tête économique pour la filière
La transcription et la parution des livres en braille est plus coûteuse que leur version imprimée, un casse-tête économique pour la filière © Radio France - Morgane Heuclin-Reffait

La volonté de l'Etat de lancer un portail numérique pour l'édition "adaptée", incluant la filière des livres en braille, est aux yeux d'Adeline Coursant "à côté de la plaque" : "ça ne va pas nous servir à produire des livres, les personnes non-voyantes ont besoin du format papier pour l'orthographe, pour les études... Cela conduit progressivement vers une forme d'illettrisme qu'on risque d'envisager pour les personnes aveugles." Adeline Coursant a déjà pu rencontrer des députés et a rendez-vous au Sénat le 5 juin pour défendre la cause de la filière. Parmi les solutions envisagées, elle émet l'idée d'une hausse du prix de tous les livres à hauteur de 10 centimes, pour financer l'ensemble des structures qui se chargent de les adapter en braille.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined