Passer au contenu
Publicité

"Un alignement des planètes et une confiance" ont permis le désarmement d’ETA selon les témoins au procès de Louhossoa

Par

En ce premier jour du procès de Louhossoa ce mardi devant le tribunal de Paris, les témoins ont presque tous utilisé les mêmes mots : alignement des planètes et confiance. Pour eux, les arrestations de décembre 2016 sont le réel point de départ du désarmement d’ETA.

Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry devant le palais de justice de Paris Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry devant le palais de justice de Paris
Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry devant le palais de justice de Paris © Radio France - Céline Arnal

La salle 203 du palais de justice de Paris n’est pas assez grande pour que toutes les personnes puissent entrer en ce mardi 2 avril 2024. Entourés par une quarantaine de soutiens venus pour la plupart du Pays basque, Jean-Noël Etcheverry, dit "Txex", et Béatrcie Molle comparaissent pour détention, port et transport d’arme en lien avec une entreprise terroriste.

Publicité

À la barre, l’un comme l’autre essaient d’expliquer le plus précisément les jours qui ont précédé le 16 décembre 2016 et leur arrestation à Louhossoa, au domicile de Béatrice Molle, en possession d'armes d'ETA. Cette dernière, très émue, la main tremblante agrippée à la barre explique : "on sentait à ce moment-là que ça pourrait basculer. J’avais confiance. En 2011, quand ETA abandonne la lutte armée, ça fait 82 ans que le Pays basque vit dans la violence. Là, j’avais l’occasion de faire modestement un geste pour la paix. Quand j’ai vu que c’était eux, je me suis dit, 'on y va'. Le désarmement ne pouvait se faire que sur le sol de l’État français".

"Ce qui a changé avec Louhossoa, c’est que pour la première fois l’État français a laissé faire", explique Txex

De sa voix calme, Jean-Noël Etcheverry justifie auprès de la cour sa décision d’avoir pris l’initiative de contacter ETA. Il reconnaît être le logisticien de l’opération. "Ce qui nous inquiétait, c’était toutes les trêves précédentes où rien ne s’était passé. Et là, il venait d’y avoir le Bataclan, Charlie Hebdo. Je me disais : 'on ne peut pas laisser des armes dans la nature alors qu’ETA a abandonné la lutte armée'. Ce qui a changé avec Louhossoa, c’est que, pour la première fois, l’État français a laissé faire." La vice-procureure de la République du parquet anti-terroriste, Aurélie Valente interroge : "Mais les services français et espagnols démantelaient des caches. Pourquoi vous êtes-vous donné les moyens qu’on ne reconnaisse pas les gens qui vous remettaient les armes ?" Jean-Noël Etcheverry répond : "Parce que ETA ne nous aurait jamais donné leur arsenal, madame. On s’est dit, il faut leur faire confiance".

Confiance, alignement des planètes, que ce soit Éric Morvan, le préfet des Pyrénées-Atlantiques au moment des arrestations de Louhossoa ou du désarmement le 8 avril 2017, Matthias Feckl, ministre de l’Intérieur le 8 avril, ou encore Jean-René Etchegaray, le président de l’Agglomération Pays basque (CAPB), tous se succèdent à la barre et tous utilisent ces termes. Sylviane Allaux par exemple, députée au moment des faits. "Il y a chez eux une grande qualité, une grande honnêteté, ca s’est toujours passé dans un climat de confiance et de respect mutuel."

"Il faut parfois prendre les chemins de traverse, on gagne du temps" - Éric Morvan à la barre du tribunal

"La préoccupation à ce moment-là, c’était le risque terroriste islamiste, pas ETA", dira Éric Morvan. Il insistera à plusieurs reprises, la justice était au courant de tout. Il aurait arrêté sinon. Mais "le sentiment que j’avais, c’est que tout le monde avait très envie que tout se passe bien le 8 avril. Rien n’est écrit évidement, ni localement ni au sommet de l’État. Tout cela est le fruit de conversation entre gens de bonne foi, responsables, et souhaitant en finir le plus rapidement possible dans des condictions de sécurité maximale. J’ai eu la conviction profonde qu’il y avait une chance à saisir. Et j’ai eu la chance que la confiance s’établisse. Il y a eu une sorte d’alignement des planètes. Il faut parfois prendre les chemins de traverse, on gagne du temps."

La maison où les "artisans de la paix" ont été interpellés le 16 décembre 2016 à Louhossoa
La maison où les "artisans de la paix" ont été interpellés le 16 décembre 2016 à Louhossoa © Radio France - Céline Arnal

Même discours un peu plus tard, de Matthias Fekl, ministre de l’Intérieur de mars à mai 2017. "Ces armes auraient pu tomber dans de très mauvaises mains, être appréhendées par des terroristes islamistes ou être vendues et rapporter une somme coquette sur le marché parallèle. Je ne me tiendrai pas devant vous si je n’avais eu la conviction intime que la coopération entre les autorités gouvernementales, étatiques, judiciaires et la société civile du Pays basque n’avaient pas été utiles, ni si je pensais qu’il pouvait y avoir des terroristes parmi eux. La société civile du Pays basque avait joué un rôle majeur dans le désarmement d’ETA."

"S'il faut que justice se fasse, et bien que justice se fasse"

Jean-René Etchegarray, président de l’Agglomération Pays basque reviendra lui aussi sur "une espèce d’alignement des planètes avec les bonnes personnes au bon endroit. On a compris en mars 2017 que les choses pouvaient se faire et le désarmement intervenir. Sans le 8 avril 2017, nous n’aurions pas connu la dissolution d’ETA le 3 mai 2018, mais nous n’aurions pas connu ni 8 avril 2017, ni le 3 mai 2018, si "ces artisans de la paix" n’étaient pas allés chercher la paix".

"J’en ai marre qu’on me parle d’ETA, dira pour sa part Kotte Ecenaro, maire d’Hendaye. Notre population est fatiguée qu’on lui parle encore d’ETA. Aujourd’hui, les deux prévenus qui sont là voulaient la paix. Je souhaite vous demander que ces deux personnes-là soient relaxées." Lors de sa déposition, Txetx dira : "s'il faut que justice se fasse et bien que justice se fasse. Nous, on peut tous être fiers. En quatre mois, on a plié l’affaire. On est passé à une autre page du Pays basque".

Le procès reprend ce mercredi 3 avril avec les réquisitions du ministère public et les plaidoiries des quatre avocats de la défense. Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry encourent dix ans de prison.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

Publicité

undefined