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Désarmement d’ETA : ce qu’il faut retenir des deux jours du procès de Louhossoa

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Le procès de Louhossoa sur le désarmement d'ETA s'est clos ce mercredi soir. Le jugement sera rendu le 16 mai. Du sursis mais pas d'inscription au fichier anti-terroriste (Fijait) ont été requis. France Bleu Pays Basque vous dit ce qu’il faut retenir des deux journées d’audience.

Jean-Noël Etchverry et Béatrice Molle entourés de leur quatre avocats à la sortie de l'audience le mercredi 3 avril 2024 Jean-Noël Etchverry et Béatrice Molle entourés de leur quatre avocats à la sortie de l'audience le mercredi 3 avril 2024
Jean-Noël Etchverry et Béatrice Molle entourés de leur quatre avocats à la sortie de l'audience le mercredi 3 avril 2024 © Radio France - Céline Arnal

Les 2 et 3 avril 2024, Jean-Noël Etcheverry, dit Txetx, et Béatrice Molle comparaissaient devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour transport, port et détention d’arme en lien avec une entreprise terroriste. Interpellés les 16 décembre 2016 à Louhossoa, en possession d’armes d’ETA, ils ont toujours plaidé avoir agi pour la paix au Pays basque. Le parquet a requis du sursis et une non-inscription au fichier anti-terroriste, le Fijait. Les avocats ont plaidé la relaxe pure. Voici ce qu'il faut retenir du procès.

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Un soutien massif tout au long du procès

Comme c’est le cas depuis leur arrestation il y a sept ans, Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry, dit Txetx, ont bénéficié d’un important soutien pendant ces deux jours de procès. Avec Bake Bidea, l’organisme qui milite pour le processus de paix au Pays basque, comme chef d’orchestre, une cinquantaine de personnes ont assisté à l’intégralité des audiences. Certains ont même dû rester à la porte de la salle 203, faute de place.

Parmi les soutiens, les parlementaires du Pays basque : les trois sénateurs Frédérique Espagnac, Max Brisson et Denise Saint Pée, les députés Iñaki Echaniz, Vincent Bru, mais aussi le président de l’agglomération Pays basque et maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, Kotte Ecenaro, le maire d’Hendaye, ou encore Sylviane Allaux, l’ancienne députée basque, Peio Etxeleku, le président du PNB.

José Bové (au second plan), l'ancien eurodéputé et porte-parole de la confédération paysanne a assisté aux deux jours d'audience
José Bové (au second plan), l'ancien eurodéputé et porte-parole de la confédération paysanne a assisté aux deux jours d'audience © Radio France - Céline Arnal

Parmi les personnalités d’envergure nationale, on a pu voir José Bové, l’ancien euro-député et ancien porte-parole de la confédération paysanne, les écrivains Marie Darrieussecq, Marie Cosnay et Sorj Chalandon,Paul Molac, le député du Finistère ou encore Cécile Duflot, ancienne ministre du Logement et aujourd’hui directrice générale d’Oxfam France.

Deux hommes d’État à la barre

Lors de la première journée d’audience, après l’audition des deux prévenus, six témoins ont été entendus par le tribunal 
dont deux hommes d’État. Éric Morvan était préfet des Pyrénées-Atlantiques au moment de l’arrestation de Louhossoa et du désarmement d’ETA le 8 avril 2017. Matthias Feckl était ministre de l’Intérieur au printemps 2017.

Eric Morvan et Matthias Feckl ont été les témoins majeurs du procès de Louhossoa les 2 et 3 avril
Eric Morvan et Matthias Feckl ont été les témoins majeurs du procès de Louhossoa les 2 et 3 avril © Radio France - Céline Arnal

À la barre, Éric Morvan a déclaré n’avoir été informé de l’arrestation de cinq personnes à Louhossoa qu’en début de soirée le 16 décembre 2016, mais a assumé aussi avoir, par la suite, été un intermédiaire entre la société civile du Pays basque, la justice et le gouvernement alors dirigé par Bernard Cazeneuve. "Rien n’’aura été fait sans l’aval de l’autorité judiciaire", déclare-t-il à la barre mais " il y avait une chance à saisir. Il faut parfois prendre les chemins de traverse, on gagne du temps."

Matthias Feckl a déclaré : "ces trois tonnes et demi d’armes auraient pu tomber dans de très mauvaises mains. Je ne me tiendrais pas devant vous si je pensais qu’il pouvait y avoir des terroristes parmi eux".

Entre Paris et le Pays basque, un dossier mais deux visions

Tout au long de l’audience, les deux prévenus n’auront de cesse de rappeler que ce qu’ils ont fait ce soir-là à Louhossoa, ils l’ont fait parce que les États français et espagnols n’avaient pas agi depuis 2011 et la déclaration d’Aiete. "Comment laisser dans la nature des armes qui pourraient tomber entre les mains de n’importe qui ?" interroge à plusieurs reprises Txetx. "Le Pays basque d’aujourd’hui est totalement différent de celui d’il y a vingt ans, mais le parquet anti-terroriste, lui, n’a pas bougé d’un iota", a regretté Xantiana Cachenaut, l’une des avocats de la défense et habituée des procès de ce genre.

Le parquet antiterroriste estime lui, que ceux que l’on appelle aujourd’hui "les artisans de la paix" auraient dû contacter la justice et les autorités dès le début des négociations avec ETA"Ces armes étaient en parfait état de fonctionnement, cela traduit la violence d’ETA, à qui l’on impute 800 morts." Dans cette affaire, selon Aurélie Valente, vice-procureure, ETA a mené la danse en fixant ses conditions et a réussi à ce qu’aucun des militants ayant remis l’arsenal ne soit identifié. On ne saura jamais qui ils sont. Le procès ne l’aura pas permis.

De la prison avec sursis, mais pas d’inscription au FIJAIT

Aurélie Valente, la vice-procureure du PNAT, le parquet national anti-terroriste a estimé qu’il fallait disjoindre Louhossoa et le désarmement d’ETA quatre mois plus tard. Pour elle, les faits reprochés aux deux prévenus sont caractérisés. Elle a déclaré cependant que "la justice n’est pas aveugle et doit être mesurée et pondérée. La question est celle de la juste peine". Elle a demandé deux ans de prison avec sursis à l’encontre de Jean-Noël Etcheverry et un an avec sursis pour Béatrice Molle. Elle a aussi requis une non inscription au FIJAIT, le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes.

Jean-Noël Etcheverry et Béatrice Molle à la sortie de leur procès le 3 avril 2024
Jean-Noël Etcheverry et Béatrice Molle à la sortie de leur procès le 3 avril 2024 © Radio France - Céline Arnal

Les avocats plaident la relaxe

Pour les quatre avocats de la défense, seule la relaxe peut être prononcée dans ce dossier. Jean-Michel Baloup, premier avocat à prendre la parole lors des plaidoiries de la défense a ainsi expliqué : "Il faut avoir conscience que la recherche du bien peut être transgressive".

"Vous cherchez un lien entre une organisation terroriste et des personnes qui ont désarmé cette organisation", a plaidé Jean-François Blanco. "Le droit ne peut pas s’écarter de la justice à ce point." Un peu plus tôt sa consoeur, Xantiana Cachenaut s'est efforcée de démontrer que la relaxe est juridiquement possible. Elle s'est justifiée par l’article 122-7 sur l’état de nécessité.

Soulagement des prévenus en attendant le jugement

À la sortie du tribunal ce mercredi 3 avril, Béatrice Molle et Jean-Noël Etcheverry étaient visiblement fatigués. Ils avaient les traits tirés mais le sourire aux lèvres. "Je suis arrivé serein ici, a déclaré Txetx, et je repars serein. Nous, on a pu expliquer ce qu’on a voulu faire à Louhossoa. Mon sort personnel m’importe peu, ce qui m’importe, c’est que l’acte collectif qui a été posé ne soit pas qualifié de terrorisme et ne devrait pas être condamné."

Béatrice Molle s'est déclarée soulagée et satisfaite parce que "pendant deux jours, nous avons pu démontrer qu’il n’y avait aucune intention criminelle, nous avons pris ce risque pour le bien-être de la société dans son ensemble".

Le jugement a été mis en délibéré le 16 mai 2024 à 13h30.

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