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"Si je l'avais fait, je m'en souviendrais" : au tribunal de Nantes, un papa jugé pour avoir secoué son bébé

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Le tribunal de Nantes a condamné lundi à 18 mois de prison avec sursis un habitant de Sautron. Ce trentenaire, qui conteste, était poursuivi pour violence sur son fils, deux mois à l'époque : syndrome du bébé secoué. L'enfant, bientôt 7 ans, ne présente aujourd'hui aucune séquelle.

Tribunal judiciaire de Nantes Tribunal judiciaire de Nantes
Tribunal judiciaire de Nantes © Radio France - Nina Valette

C'est une histoire complexe, délicate que le tribunal de Nantes a jugé ce lundi après-midi. L'histoire d'un papa qui réfute tout geste de violence sur son bébé. Alors que, pour les médecins, tout converge vers le syndrome du bébé secoué. Cela se passe à Sautron, dans l'agglomération nantaise, en mai 2017.

Un père qui conteste tout geste violent

L'enfant n'a même pas deux mois quand ses parents l'amènent au CHU de Nantes pour des vomissements. Il passe différents examens et très vite, pour les médecins, les hématomes à la rétine et au cerveau font penser au syndrome du bébé secoué. "Alors, la machine s'emballe", pour Me Marché, l'avocat du papa. Son client est le dernier à s'être occupé du nourrisson.

À plusieurs reprises, lors de l'audience, la présidente demande à ce trentenaire des détails sur cette soirée de mai 2017. Lui fait remarquer qu'avec deux autres enfants en bas âge, une maison en travaux, un nouveau travail, forcément, ça stresse, ça épuise. Un état de fatigue, l'homme le reconnait à l'audience.

"Tout ça peut amener à quelques secondes d'énervement, à ce geste, certes non voulu, mais violent", poursuit la présidente. La procureure fera une remarque dans le même sens. Mais, le prévenu, qui fut placé sur écoute pendant l'enquête, répond calmement "non".

"Comme s'il avait fait des tonneaux dans une voiture" pour la présidente

"Si je l'avais fait, je m'en souviendrais", enchaîne, le ton toujours posé, la voix claire, ce cadre supérieur. Il assure avoir fait "sautiller" son petit sur ses genoux pour que ce dernier fasse son rot. "C'est incompatible avec les constations des médecins", insiste la présidente. Et quand elle lui dit que c'est comme si son fils "avait fait des tonneaux dans une voiture", l'homme réfute à nouveau toute forme de violence. Il admet un geste "dynamique", ce sont ces mots.

L'avocat du prévenu met en doute les conclusions des médecins

Le rapport médical, établi sur la base de trois avis de médecin, l'avocat du prévenu, le met sérieusement en doute. Selon lui, sur la base des symptômes vus à l'époque - l'hématome sous-durale et l'hémorragie à la rétine - on ne peut pas dire qu'on est forcément face à un syndrome du bébé secoué. "On s'en est tenu au dogme de la Haute autorité de santé française. On n'a pas été chercher d'autres explications à ces symptômes temporaires", selon Me Marché.

Il avance que dans d'autres pays - la Suède ou encore la Grande-Bretagne - les médecins ne concluent pas forcément au syndrome du bébé secoué avec ces deux éléments constatés. "Il peut y avoir d'autres causes médicales", affirme-t-il, mais l'enquête a été "menée uniquement à charge" selon lui. Si ce rapport médical est contesté par la défense, la procureure souligne qu'aucune demande de contre-expertise n'a été formulée par la défense.

Me Bignan - qui représente le Conseil départemental, administrateur ad hoc de l'enfant qui a été placé six mois en 2017 - fait, elle, remarquer "que dans ce dossier, il y a une évidence médicale, c'est qu'il y a eu violence. Que si c'était l'assistante maternelle qui était soupçonnée, la famille chercherait à savoir et s'appuierait alors sur ces éléments médicaux."

"Cette histoire nous a mis K-O" selon le prévenu

À plusieurs reprises, le père de famille, décrit par ses proches comme attentionné, fond en larmes. "Cette histoire nous a mis K-O", affirme-t-il. Le bébé a été placé quelques mois en pouponnière, le temps de l'enquête des services sociaux, avec, in fine, des conclusions très favorables aux parents. La mesure de placement a donc été levée et aucun suivi socio-éducatif n'a été prononcé. Le couple a divorcé quelques années après : "La procédure a forcément pesé" pour le prévenu. Mais pour ce procès, son ex-épouse est là, à ses côtés, en soutien. Ils sont en garde partagée.

Quant à leur petit garçon, 7 ans le mois prochain, il est en "pleine forme, il est intelligent, est en réussite et s'intéresse à tout" selon son papa, qui esquisse alors un sourire. Pour l'instant, l'enfant ne présente aucune séquelle, les saignements au cerveau et à la rétine ne sont plus présents. Mais, son état de santé ne sera considéré comme consolidé qu'à l'âge adulte.

La procureure, "pour qui dans ce dossier, il reste des zones d'ombre", a requis 24 mois de prison avec sursis, "une peine d'avertissement". L'avocat du prévenu a, lui, plaidé la relaxe. Les juges ont déclaré le père de famille coupable et l'ont condamné à 18 mois de prison avec sursis. Une peine d'inéligibilité d'un an a également été décidée.

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