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Bébé secoué à Prades-le-Lez : le témoignage bouleversant des parents

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Une assistante maternelle de 65 ans est jugée devant la cour criminelle de l'Hérault pour avoir provoqué de graves lésions à un bébé de sept mois en le secouant trop fort, en novembre 2018 à Prades-le-Lez. Jeudi, les parents ont été appelés à témoigner. Et l'accusée a eu l'occasion de s'expliquer.

La salle d'audience où se déroule le procès La salle d'audience où se déroule le procès
La salle d'audience où se déroule le procès © Radio France - Salah Hamdaoui

Invitée à s'exprimer librement, la mère d'Arthur* préfère sortir une feuille de papier sur laquelle elle a tout noté. Et elle va décrire, sans fard, le quotidien de la famille depuis le 9 novembre 2018, jour où la vie d'Arthur et de ses parents a "basculé". C'est-à-dire depuis que le petit garçon, à l'âge de sept mois, a été victime du syndrome du bébé secoué, raison pour laquelle sa nourrice de l'époque est jugée devant la cour criminelle de l'Hérault jusqu'à vendredi.

Elle-même ophtalmologiste, la mère de l'enfant évoque les huit heures consacrées toutes les semaines aux rendez-vous médicaux, à la rééducation. Les crises d'épilepsie, le jour et la nuit ; l'attention que nécessite Arthur à chaque instant et puis ses traitements qui le rendent irritable et hyperactif.

Répéter les choses 10.000 fois

À presque six ans, le petit garçon "ne peut pas manger seul, s'habiller seul, aller aux toilettes seul, jouer seul" poursuit la maman, il est "isolé socialement" et n'est jamais invité aux anniversaires des enfants de son âge. Les discussions sont avec lui "très limitées". Son mari et elle s'évertuent, inlassablement, à lui apprendre à être autonome, "on ne lui répète pas les choses 100 fois, mais 1.000 fois, 10.000 fois" et toute l'angoisse d'une mère, inquiète pour son enfant, surgit alors dans un sanglot : "et si un jour, on n'est plus là ?..."

Dans un silence pesant, la mère d'Arthur s'adresse alors à l'assistante maternelle, assise juste derrière puisqu'elle comparait libre. Elle lui garantit que jamais elle ne lui pardonnera, "je n'ai que faire de vos remords. Vous n'êtes pas victime, vous êtes bourreau".

Enfermé dans une "prison" à vie

Ému au plus haut point, son époux qui lui succède à la barre aura des mots encore plus durs. Impitoyable, iI s'affranchit des notes qu'il avait lui aussi préparées. "Pour moi, vous êtes une criminelle, parce que vous avez tué mon enfant". Un enfant "sans défense" qui était "resplendissant, contemplatif, merveilleux". Lui non plus n'a "pas envie d'entendre les regrets" de l'accusée. "Arthur est polyhandicapé" poursuit le père ; cérébral, moteur, visuel ; c'est "la prison dans laquelle vous l'avez enfermé jusqu'à la fin de ses jours".

"Oui, je suis coupable. Oui, je regrette" - L'accusée

Accablée par ce qu'elle vient d'entendre, l'assistante maternelle se présente à son tour à la barre. Cheveux gris, coupés courts, elle rappelle qu'au cours de ses 25 ans de carrière, "jamais, jamais je n'ai fait de mal à un enfant". Excepté le 9 novembre 2018. Elle, qui avait un mode de garde "un peu à l'ancienne" relève Didier Guissart, le président de la cour, mais que certains parents considéraient comme "une très bonne nounou". Elle, qui avait été sensibilisée au syndrome du bébé secoué, lors d'une formation, "il y a longtemps" précise-t-elle. Elle qui trouvait Arthur "très agréable, souriant et facile à vivre".

"Je pense toujours qu'elle a passé ses nerfs sur Arthur" - La mère

Le président aimerait comprendre ce qui a bien pu la pousser à un commettre un tel geste ce jour-là. D'une voix grave, presque rauque, la nourrice avance quelques explications : "perturbée" dans sa vie personnelle avec un fils hospitalisé pour des problèmes d'alcoolisme, son frère atteint d'un cancer incurable et une amie décédée récemment. "Enervée" dans le travail avec cette autre enfant qui refusait de manger et qui pleurait sans cesse.

"Ça fait cinq ans que je n'ai pas pris un bébé dans mes bras" - La nourrice

Le président n'en reste pas là et demande pourquoi elle n'a pas reconnu spontanément qu’elle avait secoué Arthur ? "C'est la honte" avoue-t-elle. Aujourd’hui, elle se sent coupable d'avoir fait quelque chose "d'atroce". "Je ne sors plus dans le village, je reste enfermée chez moi et je ressasse". Pourtant, confrontée à l'extrême douleur des parents, Didier Guissart l'a trouvée "assez froide, parfois même, un petit peu distante" et il lui fait remarquer. "Je me suis fait une carapace, je n'aime pas montrer mes sentiments à tout le monde".

* Le prénom a été changé

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