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Vassieux-en-Vercors : l'hommage, 80 ans après, à un village martyr de la Seconde Guerre mondiale

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Emmanuel Macron est attendu à Vassieux-en-Vercors (Drôme) mardi 16 avril dans le cadre des commémorations des 80 ans de la Libération. Ce haut lieu de la Résistance a été marqué par un massacre le 21 juillet 1944 par l'armée allemande et un autre, bien avant, en avril, par la milice française.

Vassieux-en-Vercors est un lieu chargé d'Histoire, marqué par les combats de la Seconde Guerre mondiale. Ce village de la Drôme, situé à un peu plus de 1000 mètres d'altitude, était une place forte de la Résistance. Emmanuel Macron s'y rend mardi 16 avril pour rappeler les massacres de maquisards lors de l'été 1944. Mais 80 ans plus tard, le chef de l'État évoquera également un épisode tout aussi sombre : la terreur semée par la milice française, au printemps, le 16 avril 1944 et les jours qui suivirent.

L'offensive allemande sur le Vercors

Vassieux-en-Vercors, c'est un lieu reculé situé sur un plateau montagneux, entre la Drôme et l'Isère. Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il fut un refuge pour les Résistants comme d'autres villages, Saint-Martin-en-Vercors, Valchevrière ou La Chapelle-en-Vercors. Début 1944, l’Allemagne nazie recule sur le front de l’Est et en Italie, les Alliés s’apprêtent à débarquer en Normandie, mais la France est toujours occupée et le régime de Vichy est engagé dans la Collaboration.

En juin 1944, la République libre du Vercors est proclamée, les décrets de Vichy y sont abolis et toutes les lois de la République sont remises en vigueur. Un drapeau tricolore flotte, avec au centre la croix de Lorraine et le V de "victoire" y est apposé.

En juillet 1944, les maquisards attendent des armes, des munitions et l'éventuel atterrissage d'avions alliés sur la piste construite à proximité de Vassieux. Les Allemands prennent donc les devants le 21 juillet dans les airs, c'est l'opération "Aktion Bettina" : des planeurs déploient des milliers de soldats. De cette période de combats dans l'été, quelques 4000 maquisards font face à une dizaine de milliers de soldats allemands. On comptera quelques 840 morts, des résistants et civils. Lors de l'arrivée des soldats ennemis, 73 habitants de Vassieux, piégés, sans pouvoir fuir, ont trouvé la mort.

187 croix sont dispersées dans la nécropole de Vassieux-en-Vercors
187 croix sont dispersées dans la nécropole de Vassieux-en-Vercors © Maxppp - Fabrice ANTERION;

"Ils nous tiraient dessus, on était enfants, ça ne les a pas empêchés"

En 2014, Suzanne Hoeffler avait raconté à France Bleu Drôme Ardèche cette journée qui a marqué son enfance. "Le 21 juillet, tous les gosses du quartier, on s'amusait tous ensemble. Et nos parents nous avaient dit 'quand vous entendez les avions, vous allez vous mettre dans les grottes'. Alors ce jour-là, on y est allés comme d'habitude. C'était les planeurs qui arrivaient... Dix minutes après, ils étaient devant la grotte là, et ils nous tiraient dessus, on était enfants, ça ne les a pas empêchés. Il y avait un petit garçon de trois ans et demi avec le bras complètement ouvert par la grenade. Il y avait une grand-mère qui avait dit 'ne nous faites pas de mal, il n'y a que des enfants'. Ils l'ont abattue à bout portant, ils l'ont abattue... Il y en avait partout des Allemands, ils nous tenaient en joue."

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"Il y a une colonne allemande qui est arrivée, ils venaient de mettre le feu à une ferme. Ils nous ont vus, ils nous ont fait sortir, les femmes et les enfants à droite, les hommes à gauche. Et puis, ils ont tiré mon père, ils l'ont fusillé devant moi, et après ils lui ont donné le coup de grâce. On s'est mis à pleurer. (...) C'est ma petite-fille qui m'a fait parler parce que sinon je crois que je n'aurais jamais parlé. Elle m'a dit 'Mamie, il faut que tu parles parce que tu es la mémoire. Après toi, il n'y aura plus personne, il faut que les gens ils sachent.' Nous on était des enfants, mais on n'a pas eu une enfance comme les autres... Il faut continuer, il faut oublier. Mais non, il ne faut pas oublier."

Avant les Allemands en juillet, la milice française en avril 1944 avait commencé à sévir à Vassieux-en-Vercors
Avant les Allemands en juillet, la milice française en avril 1944 avait commencé à sévir à Vassieux-en-Vercors © Maxppp - Fabrice ANTERION;

La terreur semée par la milice française

Avant le passage de l'occupant allemand, ce sont bien des Français qui ont tué, massacré, incendié Vassieux-en-Vercors, dès le 16 avril 1944. C'est d'ailleurs cette Milice et les victimes civiles qui seront enfin évoquées lors de la visite d'Emmanuel Macron dans le Vercors. Ce 16 avril à la mi-journée, ces paramilitaires, surnommés "les yeux et les oreilles du Maréchal", vont s'engager dans cinq jours de combats. Menés par Raoul Dagostini, près de 200 miliciens attaquent et soumettent Vassieux-en-Vercors. Des habitants et résistants seront arrêtés, dénoncés, retenus prisonniers, torturés, jugés, exécutés.

La milice française, de qui était-elle composée ? Elle est, sous le régime de Vichy, une émanation de la Légion des combattants, les anciens combattants de 1914-1918 et 1939-1940 au service du Maréchal Pétain. De cette légion, est né le "service d'ordre légionnaire", une sorte de pré-milice, qui est devenue par la suite la Milice en janvier 1943. Elle est politique, militaire, armée et prend le pas sur les institutions et la police de l'État. "C'est une petite armée politique, de plus en plus extrémiste et inféodée aux nazis" explique l'historien Gil Emprin.

"Chaque président a sa vision de la Résistance ou du Vercors"

Le choix de la date du 16 avril pour une visite présidentielle n'est pas anodine, "c'est une affaire franco-française" estime Gil Emprin, historien au Musée de la Résistance à Grenoble. "C'est une attaque de la milice française sur le plateau, qui écume le plateau durant cinq jours, on est dans un processus de guerre civile en quelque sorte." Pour l'historien, le choix de cette date "est très politique", "cela rappelle qu'il n'y avait pas que des résistants en France. Chaque président a sa vision de la Résistance ou du Vercors : pour De Gaulle c'était la continuation de la guerre de 1914-1918, pour François Mitterrand c'est davantage la mise en avant de la résistance intérieure. Là, on a une lecture différente des événements" selon Gil Emprin.

"Il n'y avait pas que des résistants dans la France de l'époque"

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Vassieux est désormais "compagnon de la Libération"

Comme cinq autres communes (Paris, Nantes, Grenoble et l'Île-de-Sein), après avoir été martyrisée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Vassieux-en-Vercors a été élevée au titre de "compagnon de la Libération", en charge de perpétuer le souvenir et la mémoire. Chaque année, le Musée départemental de la Résistance du Vercors y accueille quelques 30.000 visiteurs.

Une plaque rappelle le martyr de Vassieux
Une plaque rappelle le martyr de Vassieux © Maxppp

Mieux comprendre l'histoire de Vassieux-en-Vercors

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