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Emmanuel Macron à Vassieux-en-Vercors : "le chef de l'État vient commémorer plus largement la question de la Résistance"

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Emmanuel Macron se rend sur le Vercors mardi et plus particulièrement à Vassieux pour rendre hommage au maquis, largement mobilisé, il y a 80 ans autour du village drômois. Pierre-Louis Fillet, le directeur du musée de la Résistance dans le Vercors, était lundi l'invité de France Bleu Drôme Ardèche.

Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors
Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors © Maxppp - Fabrice Anterion

Emmanuel Macron se rend à Vassieux-en-Vercors (Drôme) mardi 16 avril pour rendre hommage à la Résistance, et donner ainsi plus largement le top départ des célébrations des 80 ans du Débarquement. Le président de la République n'attend pas le 21 juillet, date à laquelle, en 1944, les nazis ont massacré une partie des habitants et des résistants. Le 16 avril commémore un autre triste anniversaire : la terreur semée par la milice française sur le Vercors.

À la veille de cette visite présidentielle, la première à Vassieux, Pierre-Louis Fillet, le directeur du musée de la Résistance dans le Vercors, à Vassieux, nous remémore les grandes dates de Seconde Guerre mondiale et de la Résistance dans le Vercors. Il revient aussi sur ce qu'il en reste aujourd'hui, 80 ans après : le traumatisme dans un village martyr, fait compagnon de la Libération.

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Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors
Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors © Maxppp - Fabrice Anterion

Le Vercors, une enclave de la Résistance avec 4.000 hommes

France Bleu Drôme Ardèche - Déjà, rappelez-nous pourquoi l'existence de ce maquis sur le Vercors, qui a eu cette idée ?

Pierre-Louis Fillet - Quand on parle de "Vercors résistant", c'est en réalité trois moments différents qu'il faut avoir en tête. D'abord, la période du maquis, puis la période dite de la zone libérée et enfin les combats. Donc, si on commence par le maquis, le Vercors entre en résistance sous une double impulsion. D'une part, parce qu'on va y créer des camps, dès le début de l'année 1943, pour accueillir des maquisards, qui sont souvent des pourchassés, ou alors des personnes qui ne peuvent pas partir travailler au STO, le service du travail obligatoire. Et en parallèle de ça, un plan stratégique qu'on appelle le "plan montagnard", qui est pensé par un homme, Pierre Dalloz, et qui vise à lancer des opérations aéroportées dans le cadre d'un débarquement en Provence qui allait suivre. Cette première période là du maquis, elle dure environ pendant un an et demi, de janvier 1943 à mai 1944.

Puis succède une deuxième période, qu'on appelle la "période de la zone libérée". C'est le contexte de l'effervescence après le débarquement du 6 juin 1944, une mobilisation massive en faveur du Vercors. La Résistance prend véritablement possession du massif, elle le verrouille, elle en contrôle les accès, on y restaure la République. Un important parachutage d'armes a lieu notamment à Vassieux le 14 juillet 1944. Et puis la troisième période, ce sont les combats qui démarrent à partir du 21 juillet 1944.

Au tout début, en 1943, les premiers résistants qui montent dans le Vercors, c'est un mouvement spontané, ou quelqu'un donne-t-il l'impulsion ?

Alors c'est effectivement la création des camps de maquisards. Elle est impulsée par le mouvement franc-tireur et un certain nombre d'anciens élus socialistes de Grenoble qui vont créer les premiers camps un peu partout dans le Vercors. Durant cette période dite du maquis, qui dure un an et demi, c'est environ entre 300 et 400 hommes qui sont présents en permanence en pleine forêt dans le Vercors.

C'est un chiffre qui sera bien plus important par la suite ?

Effectivement, puisqu'on passe de 400 hommes pendant la période maquis à près de 4.000 hommes qui sont présents dans le Vercors durant la période de la zone libérée entre le 6 juin 1944 et le 21 juillet 1944, ce qui fait du maquis du Vercors une des plus importantes concentrations de résistance du sud de la France.

Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors
Pierre-Louis Fillet, directeur du musée départemental de la Résistance à Vassieux-en-Vercors © Maxppp - Fabrice Anterion

Le Vercors et l'idée du cheval de Troyes

Quelle était l'idée de cette enclave de Résistance dans le Vercors ? C'était de faire du Vercors une sorte de cheval de Troie pour attaquer les Allemands de l'intérieur, c'est ça ?

C'était effectivement le principe du projet montagnard, c'est-à-dire le principe du cheval de Troyes, être prêt lors du débarquement allié dans le Sud, en Méditerranée, sur les côtes françaises. L'idée, c'était de pouvoir parachuter dans le Vercors des troupes alliées, et que ces troupes alliées auraient pu prendre en revers les troupes allemandes.

21 juillet 1944, pourquoi cette date-là ?

Il faut tout d'abord avoir en tête que c'est 10.000 à 12.000 soldats allemands qui vont être affectés à cette opération, avec en face des 4.000 maquisards. C'est la plus importante opération de représailles allemandes contre un maquis en Europe occidentale, c'est vraiment quelque chose d'extrêmement important. Les Allemands lancent cette offensive car ils redoutent que la résistance du Vercors, dont ils surestiment d'ailleurs assez largement les forces, puisse conduire dans la vallée du Rhône des raids qui auraient gêné leur repli lors d'un débarquement allié en Provence. Donc cette crainte d'être pris en tenaille, c'est-à-dire poussés au Sud par les Alliés débarqués et coincés dans la vallée du Rhône par des résistants du Vercors, cette crainte les conduit à engager cette très importante opération de représailles qui démarre en effet le 21 juillet 1944.

La milice française avait déjà semé la terreur en avril 1944

Le bilan est effroyable : 840 morts, 639 résistants, 201 civils, le village de Vassieux rasé...

Exactement, il y a plusieurs fronts qui s'ouvrent depuis le Nord, l'Est, le Sud et depuis Vassieux. C'est en planeur que les Allemands arrivent, en deux vagues de planeurs, et le bilan extrêmement lourd. La Résistance tente de lutter mais n'a pas la capacité de le faire à la hauteur de ce que les Allemands peuvent déployer comme moyen. Donc un bilan terrible, effectivement, environ 840 morts durant cette période.

On parle du 21 juillet et des Allemands, mais le Vercors subit un premier assaut avec la Milice le 16 avril. Et c'est ce que vient commémorer le chef de l'État...

Non, le chef de l'État vient commémorer plus largement la question de la Résistance en France et notamment dans le Vercors, même si effectivement la date de sa venue, demain [16 avril], correspond au début du séjour de la milice à Vassieux en avril 1944. De manière générale, le chef de l'État vient célébrer la Résistance dans sa globalité.

Les traumatismes d'après guerre

Que reste-t-il comme traces, sur le Vercors, de ce traumatisme ?

Il reste notamment, particulièrement à Vassieux, beaucoup d'éléments qui rappellent ce que fut le traumatisme à la fin de la guerre, avec des familles très durement touchées, des familles qui ont été parfois complètement anéanties. Il y a deux lieux qui portent la mémoire physiquement de ces victimes. D'une part la nécropole qui est le cimetière au sein duquel le président s'arrêtera demain. Ce sont 187 tombes de résistants et de civils qui sont présentes dans cette nécropole. D'autre part, le second lieu emblématique, c'est ce qu'on appelle le martyrologe, qui se trouve en face de la mairie, qui est le monument sur lequel figurent les 73 victimes habitantes de Vassieux. Aujourd'hui, ces monuments continuent à jalonner le paysage de Vassieux. Le village a été intégralement reconstruit après-guerre, ce qui lui donne une physionomie particulière. Aujourd'hui, cette histoire est retransmise dans deux sites emblématiques, le musée de la Résistance et le mémorial de la Résistance, qui explique cette histoire et qui aide évidemment à en tirer les enseignements.

Les maquisards attendaient des armes qui ne sont jamais arrivées... Y a-t-il encore aujourd'hui une forme de rancœur des habitants, de la population, par rapport à ce qui s'est passé ? Ces armes qui avaient été promises par le général de Gaulle et ne sont jamais arrivées ?

Il y a eu des armes ! Et il y a eu beaucoup d'incompréhension, notamment autour du projet montagnard, parce qu'il visait le lancement de cette opération aéroportée dans le cadre d'un débarquement dans le sud de la France. Et force est de constater que quand les Allemands passent à l'offensive, le 21 juillet 1944, le débarquement en Provence n'a pas encore eu lieu. Cela a pu générer un certain nombre d'incompréhensions voire de polémiques, puisqu'on a accusé les Alliés et le général de Gaulle d'avoir trahi délibérément le Vercors. À cette histoire ancienne, les choses se sont apaisées, les historiens ont fait leur travail, on a démontré effectivement que ce n'était pas le cas, qu'il n'y avait pas eu de trahison, qu'il y avait eu des mauvaises compréhensions. Évidemment, aujourd'hui, les esprits sont beaucoup plus apaisés par rapport à ce qu'ils ont pu être, notamment à la sortie de la guerre.

Le musée de la Résistance dans le Vercors, à Vassieux
Le musée de la Résistance dans le Vercors, à Vassieux © Maxppp - Stéphane Marc

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