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"On ne peut pas s'en passer" : le réseau des infirmières Asalée, créé dans les Deux-Sèvres, menacé de disparition

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Le réseau des infirmières Asalée, créé il y a vingt ans dans les Deux-Sèvres, risque de se retrouver rapidement en cessation de paiement à cause d'un blocage dans les négociations avec l'Assurance Maladie.

Les infirmières Asalée travaillent en collaboration avec les médecins généralistes pour prendre en charge les patients. Les infirmières Asalée travaillent en collaboration avec les médecins généralistes pour prendre en charge les patients.
Les infirmières Asalée travaillent en collaboration avec les médecins généralistes pour prendre en charge les patients. © Radio France - Anne-Lyvia Tollinchi

Vingt ans après sa création dans les Deux-Sèvres, l'association des infirmières Asalée connaît une période très compliquée financièrement. Ce réseau, qui compte aujourd'hui 2.080 infirmières dans toute la France dont 76 dans le Poitou et qui est subventionné par l'Assurance Maladie, permet un travail en équipe entre les médecins de ville et les infirmières, dont l'emploi du temps est plus libre que celui des généralistes. "Elles ont le temps que nous, nous n'avons pas", résume le Dr Isabelle Rambault-Amoros, co-fondatrice d'Asalée et médecin généraliste à Brioux-sur-Boutonne.

Concrètement, ajoute-t-elle, "les infirmières expliquent au patient tout ce que moi je n'ai pas le temps d'aborder en profondeur dans la consultation. Avant, quand je me rendais compte qu'il fallait en un quart d'heure que j'explique à un patient ce qu'était le diabète, je savais que c'était mission impossible et que je le renvoyais chez lui complètement assommé. Là, aujourd'hui, je sais que je n'ai pas le temps de tout bien expliquer, mais que quelqu'un va le faire et va le faire bien. Donc je lui dis tout de suite : 'allez voir mon infirmière Asalée dans le bureau d'à côté, elle va vous expliquer votre maladie et comment on va la prendre en charge."

Aujourd'hui, 20% des médecins généralistes français travaillent avec des infirmières Asalée.

Des consultations sans regarder la montre

"C'est vraiment un autre rapport avec le système de santé pour moi !", salue Clarisse, une patiente âgée d'une quarantaine d'années qui est suivie à Poitiers pour arrêter de fumer après 27 ans de tabagisme. "Il y a une bienveillance extraordinaire, on prend le temps et du coup, si je reste par exemple une demi-heure, j'ai le temps de dire 'ah oui, il y a ça aussi dont je voulais vous parler'. On n'est pas dans le rush comme chez le médecin."

A Poitiers, l'infirmière Asalée Marie-Alix Rouillat travaille depuis dix ans avec le médecin généraliste du cabinet.
A Poitiers, l'infirmière Asalée Marie-Alix Rouillat travaille depuis dix ans avec le médecin généraliste du cabinet. © Radio France - Anne-Lyvia Tollinchi

"Dans cette société où tout va vite, à partir du moment où on se sent compris, écouté, déjà, on va mieux" assure Marie-Alix Rouillat, son infirmière Asalée. "On ne fait pas de prise de sang, on peut prendre la tension mais notre rôle c'est surtout d'écouter et d'expliquer. Et c'est très important dans la prise en charge et le suivi des patients."

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"Il vaut mieux payer des infirmières que des médicaments"

A long terme, ces consultations peuvent permettre aux patients de changer leur façon de prendre des médicaments. Marie, par exemple, lutte contre son addiction aux somnifères avec son infirmière Asalée. "La première consultation a duré deux heures. J'ai regardé ma montre, je me suis excusée d'avoir pris autant de temps et l'infirmière m'a dit 'ne vous excusez pas, on est là pour ça'. Ca m'a paru exceptionnel, c'était de ça dont j'avais besoin en fait."

Aujourd'hui, après quelques mois de suivi, elle a considérablement réduit sa consommation de somnifères. "Je vais faire des économies à la Sécu ! Il vaut mieux payer des infirmières que des médicaments, en plus, c'est meilleur pour la santé."

Plusieurs médecins menacent de fermer leur cabinet si l'association disparait. (Image d'illustration)
Plusieurs médecins menacent de fermer leur cabinet si l'association disparait. (Image d'illustration) © Maxppp - Mathieu Herduin

Même pour les infirmières comme Estelle, ce principe de prendre le temps change tout dans la prise en charge : "Quand on fait vite les choses, on fait mal les choses. C'est presque de la maltraitance pour nos patients. Mais ça pose donc une grande question de société : est ce qu'on veut de l'abattage ou est ce qu'on veut de la qualité des soins ?**"

Blocage des négociations avec l'Assurance maladie

Malgré son efficacité, le réseau Asalée se retrouve pourtant en grandes difficultés financières depuis le mois de janvier. "Aujourd'hui, les subventions viennent de la CNAM, la Caisse nationale de l'Assurance Maladie et on touche environ 6 millions d'euros par mois", explique le Dr Isabelle Rambault-Amoros. " Il nous faut plus de subventions, sinon on ne pourra plus payer tout le monde. *Mais d**epuis fin 2022, nous n'avons plus de cadre juridique ni de convention avec la CNAM. Donc la CNAM nous finance sur la base de cette convention 2022 sauf que ça correspond à *l'époque où on avait 1.200 emplois à temps plein, aujourd'hui on en a 1.500."

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Des négociations sont donc en cours pour élaborer une nouvelle convention. "Le problème, c'est qu'on n'a pas pu se mettre d'accord sur une convention. Il y a eu des propositions faites par la CNAM l'an dernier que je n'ai pas acceptées puisque ces propositions allaient vraiment dans l'ingérence du dispositif. La CNAM obligeait à certaines choses comme des missions très cadrées d'infirmiers, un temps de consultation très défini pour chaque pathologie, ce qui va à l'encontre de ce qu'on fait depuis le début et du principe qui a fait de ce réseau une réussite !"

L'Assurance maladie reconnait l'intérêt du dispositif

Contactée, la caisse nationale de l'Assurance Maladie assure qu'elle "soutient et continuera à soutenir pleinement le dispositif Asalée" sans préciser comment. "L’Assurance Maladie est convaincue du rôle majeur que jouent les infirmières et infirmiers Asalée auprès des médecins généralistes, pour améliorer la qualité de vie et l’autonomie des patients, en particulier lorsqu’ils sont porteurs d’une maladie chronique. L’impact d’Asalée en matière de santé publique a été scientifiquement démontré", écrit la CNAM.

Le sujet est remonté jusqu'au Ministère de la Santé, notamment par l'intermédiaire du sénateur deux-sévrien Philippe Mouiller lors d'une séance publique de questions d'actualités au gouvernement le 20 mars dernier. "L'association est au bord de la cessation de paiement, les professionnels ne sont pas payés à temps, certaines infirmières sont même en train de prendre sur leurs propres deniers pour tenir dans le dispositif, créant une situation complètement dégradée."

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"Nous sommes là face à une incohérence : vous reconnaissez que le système fonctionne mais en même temps, en voulant peut être étatiser la démarche, on crée des difficultés au regard d'un enjeu de territoire. Nous avons tous dans les mots l'enjeu de la désertification médicale. Nous avons enfin un système qui marche, soutenez-le, pas seulement dans les paroles, mais dans les actions."

Une nouvelle réunion est prévue ce mercredi 3 avril pour tenter de trouver un accord sur une nouvelle convention.

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