Fort Boyard : le Département de Charente-Maritime lance un chantier à 44 millions d'euros pour sauver le monument
Attaqué par l'océan, le Fort Boyard est en péril. Son propriétaire, le Département de la Charente-Maritime, lance donc de gros travaux, estimés à 44 millions d'euros. Changement de look en perspective, avec l'ajout de deux ouvrages de protection, qui permettront aussi une ouverture au public.
Les tempêtes de cet hiver n'ont fait qu'accentuer le phénomène : des fissures inquiétantes se répandent dans le Fort-Boyard, et sa risberme (la plateforme de pierre qui l'entoure et protège les fondations) est elle aussi très endommagée. Pas le choix : il faut des travaux lourds pour sauver le monument emblématique de la Charente-Maritime, posé sur un banc de sable et connu par des générations de téléspectateurs pour son jeu télé lancé il y a 34 ans.
Des travaux estimés à 44 millions d'euros
Il y a quarante-quatre millions TTC (35 millions hors taxe) à trouver pour le propriétaire du Fort Boyard, le Département, qui projette d'y ajouter deux ouvrages de protection : un éperon au nord pour casser les vagues, un havre d'accostage au sud pour finir d'évacuer l'énergie de la houle. Des ouvrages qui ont d'ailleurs existé à l'inauguration du fort en 1866, et qui ont disparu depuis. Ces ouvrages permettent aussi d'envisager une ouverture au public à l'horizon 2028.
"Clairement, si on n'intervient pas, sa seule issue, c'est la ruine", prévient Mathieu Barbier, directeur adjoint de la direction Eau, mer et littoral au Conseil départemental, à l'occasion d'un point presse sur ces travaux, organisé vendredi 19 avril. Je ne suis pas d'une nature inquiète, mais en allant sur le fort après cet hiver tempétueux, on a vraiment des marques assez fortes de l'érosion : des fissures qui se sont ouvertes, les clés de voûte qui commencent à bouger..." Pour les élus le choix est rapide, résume Mathieu Barbier : "soit on dépense ces millions d'euros maintenant et on sauve le fort, soit on le fait pas et on accepte de perdre ce monument."
Nouveau look ? "Non, un retour en arrière !"
Mais la condition pour conserver le Fort Boyard, c'est de modifier profondément son look, en lui adjoignant deux ouvrages de protection à chacune de ses extrémités, nord et sud. Une nouveauté ? "Non ! Un retour en arrière !", assure l'architecte du patrimoine Delphine Gramaglia, retenue pour ce chantier avec le groupement d'entreprise mené par les Nantais de ETPO. "Sur un monument comme celui-ci, il faut faire preuve d'humilité, précise Delphine Gramaglia. La construction a été assez longue, donc il y a eu un pragmatisme et un empirisme des anciens. Ce qu'ils ont fait, ils ne l'ont pas fait pour rien."
L'architecte a donc dessiné un éperon nord et un havre d'accostage aussi fidèle possible aux ouvrages qui ont existé il y a une centaine d'années. Construits bien sûr avec des techniques modernes, qui permettent de boucler le chantier en deux ou trois ans. "Ces ouvrages seront réalisés à terre, ce sont des préfabriqués, décrit Delphine Gramaglia, et il seront ensuite transportés sur site par la mer." Seuls quelques travaux seront réalisés sur place : la réfection de la risberme, la couronne de protection en pavés autour du fort qui protège les fondations.
Pendant les travaux, les tournages continuent
Des travaux qui devraient s'étaler sur trois ans, jusqu'en 2028, et qui tiendront évidemment compte du tournage des émissions Fort Boyard. Ces dernières doivent absolument se poursuivre, estime le Département qui y voit une vitrine puissante pour attirer les touristes sur son littoral. La société de production ALP est en train de renégocier l'occupation du fort, avec un loyer prévu autour de 100.000 euros par an (contre 70.000 aujourd'hui). La plateforme nécessaire pour acheminer sur le site tout le matériel et le personnel nécessaires au jeu télévisé restera d'ailleurs en place.
Tout cela a bien sûr un coût, qui peut sembler prodigieux. ETPO, la société qui a remporté l'appel d'offres, a pourtant serré tous les boulons possibes. Notamment grâce au choix de la préfabrication à terre de ces ouvrages, précise le directeur d'ETPO Emmanuel Størksen, "ce qui permet d'éviter tous les aléas associés avec des météos très fluctuantes, une houle importante". Des ouvrages qui doivent pouvoir durer au minimum une centaine d'années. "C'est de l'argent mis au bon endroit", promet Emmanuel Størksen.
Bientôt un appel au mécénat
Pour trouver les financements nécessaires, le Département est déterminé à frapper à toutes les portes, à commencer par l'Union européenne, l'État et la région Nouvelle-Aquitaine. Mais le grand public ne sera pas oublié, ainsi que les entreprises, avec le lancement à l'automne 2024 d'un appel au mécénat. Un fond de dotation a été créé pour recueillir ces dons défiscalisables. Une émission spéciale sur France 2 est en négocation.
Face à tous ces bouleversements, le Département a également décidé de lancer une concertation préalable avec les habitants du territoire, à partir du 2 mai. Une exposition sur le Fort-Boyard s'installera en mai dans l'atrium de la Maison de la Charente-Maritime à La Rochelle. Une réunion publique se tiendra en septembre 2024. Et tous les avis peuvent être émis sur une page Internet dédiée.
Visites publiques à l'horizon 2028
Contrepartie positive de ces travaux gigantesque, l'ouverture du Fort Boyard au public. Interdit aujourd'hui, "parce que c'est extrêmement compliqué, décrit Sylvie Marcilly, la présidente du Département. On arrive par bateau, on est transporté dans une espèce de nacelle qui ressemble à un filet, déchargé sur une plateforme" poursuit Sylvie Marcilly, à la manoeuvre pour cette ouverture au public, façon de "restituer au public ce beau patrimoine". Ce que permettra le havre d'accostage : "il y aura des escaliers et donc ce sera beaucoup plus facile et beaucoup plus sécurisant pour les passagers." Reste à imaginer les modalités de visite, sachant que cela ne pourra pas être du tourisme de masse.
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