Présidentielle en Russie : "Midi contre Poutine", l'action de contestation de l'opposition pour le dernier jour de vote

Les Russes sont appelés à voter jusqu'à ce dimanche soir pour élire leur président. Le scrutin devrait, sans suspense, se solder par la réélection de Vladimir Poutine, depuis 24 ans au pouvoir. Pour le dernier jour du vote ce 17 mars, l'opposition appelait les Russes à se rendre en masse à midi dans les bureaux de vote pour venir honorer la mémoire d'Alexeï Navalny, l'opposant défunt à Vladimir Poutine, et dénoncer une présidentielle sur mesure pour le maitre du Kremlin. L'opposition ayant été éradiquée, Vladimir Poutine fait face à trois candidats sans ambition présidentielle ni programme.

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Pour autant, le vote ne se déroule pas sans accrocs. Dès vendredi, premier jour du scrutin, des actions de protestation isolées et de nouvelles attaques venues d'Ukraine dans les régions frontalières ont eu lieu. Au moins 74 personnes ont été arrêtées pour avoir mené diverses actions de protestation, a indiqué ce dimanche une ONG. Selon OVD-Info, organisation spécialisée dans le suivi de la répression, les arrestations ont eu lieu principalement à Kazan, dans le centre de la Russie, et à Moscou, la capitale. Elle précise que ce chiffre peut être revu à la hausse, à mesure que lui parviennent de nouveaux noms.

Une femme a ainsi été interpellée après avoir incendié un isoloir à Moscou, selon des médias russes. Cinq personnes ont été "placées en détention" à Moscou et dans les régions de Voronej, Rostov et Karatchaïévo-Tcherkessie après avoir aspergé d'un "liquide colorant" des bulletins dans des urnes. Une personne a été interpellée pour avoir tenté de mettre le feu à une urne à Khanty-Mansisk en Sibérie, et une autre pour avoir tenté d'allumer un pétard dans un bureau de vote de la région de Tcheliabinsk. De nouvelles frappes sur le sol russe ont fait deux morts le lendemain à Belgorod, a indiqué le gouverneur de la région sur Telegram.

Une action "Midi contre Poutine"

Les détracteurs du président russe sortant ont voulu se montrer en allant voter au même moment, à midi ce dimanche. Cette opération baptisée "Midi contre Poutine" avait pour but de former de grandes files d'attente devant les bureaux de vote, synonymes de protestation. Par endroits, des foules étaient visibles, ailleurs l'afflux était plus modeste, ont constaté des journalistes de l'AFP. Au bureau de vote de l'école 2025 de Moscou, quelques dizaines de personnes sont arrivées à midi, le rendez-vous fixé par Ioulia Navalnaïa aux partisans de son mari, opposant numéro un à Vladimir Poutine décédé en prison, pour lui rendre hommage.

Parmi les électeurs ayant répondu présent à l'appel, Denis, un jeune de 21 ans travaillant dans la publicité, explique être venu exprimer son soutien à l'opposition sans risquer de se faire arrêter. Olga, 33 ans, employée du secteur des technologies, dit de son côté être venue au nom de la liberté : "je veux au moins (que mes deux fils, ndlr) puissent exprimer librement leurs opinions et ça, juste, ça n'existe pas". Ioulia Navalnaïa, la veuve d'Alexei, s'est elle présentée devant l'ambassade de Russie à Berlin pour voter.

À Paris, des milliers de personnes faisaient la queue devant l'ambassade de Russie à Paris à midi. "Je vais utiliser mon bulletin de vote comme un tract", a confié Tatiana Léontieva, 43 ans. "Je pense que je vais écrire Navalny dessus, je vais dire que Poutine est illégitime, je soutiens les valeurs démocratiques". Par ailleurs environ 200 personnes sont réunies dans l'après-midi place du Trocadéro, pour un rassemblement anti-Poutine.

Explosion d'une bombe dans une région occupée d'Ukraine

Dans la région de Kherson, occupée par la Russie dans le Sud de l'Ukraine, une bombe a explosé sans faire de victimes devant un bureau de vote. "À Skadovsk, un engin explosif improvisé a été placé dans une poubelle devant le bureau de vote. Il y a eu une détonation, pas de victime", a ainsi indiqué sur Telegram la commission électorale régionale liée à l'occupation russe. Selon elle, les forces ukrainiennes ont aussi bombardé deux commissions électorales locales sans faire de victime.

L'Ukraine a accru en outre la pression militaire sur les régions russes frontalières de Belgorod et Koursk, visées par une multitude d'attaques de drones et des incursions d'unités militaires composées de Russes anti-Kremlin. Vladimir Poutine a promis ce vendredi que la Russie répliquerait aux attaques aériennes ukrainiennes sur son sol, estimant que les récentes incursions terrestres de combattants pro-Ukraine visaient à "perturber" le déroulement de la présidentielle.

La Russie poursuit, elle, ses bombardements quotidiens de l'Ukraine, notamment à Odessa, où au moins 20 personnes ont été tuées ce vendredi selon les autorités locales.

Opposition éradiquée

Le parquet de la capitale russe avait mis en garde jeudi contre toute protestation, aucune critique ni opposition n'étant tolérée dans le pays. Trois autres candidats ont été autorisés à participer au scrutin, aucun ne s'opposant frontalement à la politique du Kremlin, à l'offensive en Ukraine ou à la répression contre toute voix dissidente. Le seul opposant à avoir tenté de se présenter contre Vladimir Poutine, Boris Nadejdine, a vu sa candidature rejetée.

Avec ce scrutin, Vladimir Poutine, 71 ans, se maintiendra au pouvoir jusqu'en 2030 et pourra se représenter pour rester aux commandes jusqu'en 2036, l'année de ses 84 ans. Il avait fait réformer la Constitution à cette fin en 2020.

Le président du Conseil européen Charles Michel a, lui, "félicité" avec ironie vendredi le maître du Kremlin "pour sa victoire écrasante lors d'élections qui débutent aujourd'hui". Les États-Unis ont critiqué le scrutin, et la diplomatie ukrainienne a appelé la communauté internationale à rejeter le résultat de cette "farce".

Le scrutin s'est ouvert à 8h, heure locale ce vendredi (21h heure française jeudi) sur la péninsule du Kamtchatka et en Tchoukotka, deux régions reculées de l'Extrême Orient russe. Il s'achèvera dimanche à 20h (19h heure française) à Kaliningrad, enclave russe au sein de l'Union européenne.