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Procès de l'attentat de Strasbourg : 30 ans de réclusion criminelle requis contre le principal accusé, Audrey Mondjehi

Le réquisitoire a été prononcé ce mardi dans le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg : 30 ans de réclusion criminelle ont été requis contre Audrey Mondjehi, seul accusé poursuivi pour terrorisme. Cinq ans de prison pour deux autres accusés, l'acquittement pour le dernier.

La salle d'audience où siège la cour d'assises spéciale de Paris qui juge le procès de l'attentat de Strasbourg. La salle d'audience où siège la cour d'assises spéciale de Paris qui juge le procès de l'attentat de Strasbourg.
La salle d'audience où siège la cour d'assises spéciale de Paris qui juge le procès de l'attentat de Strasbourg. © Maxppp - Cédric JOUBERT

Après quatre semaines d'audience devant la cour d'assises spéciale de Paris, le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg touche à sa fin. Le verdict sera rendu le 4 avril. C'est le réquisitoire qui a été prononcé, pendant quelque six heures d'audience ce mardi, contre les quatre hommes accusés d'avoir aidé Cherif Chekat à se procurer des armes. Le terroriste lui-même a été abattu par la police au bout de deux jours de traque. L'attentat du 11 décembre 2018 a fait cinq morts et onze blessés.

Contre Audrey Mondjehi, les avocats généraux ont requis 30 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté des deux tiers et l'obligation de quitter le territoire français à l’issue de sa peine. Ils ont demandé de prononcer sa culpabilité pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste". Selon l'accusation, l'Ivoirien de 42 ans "apparait à tous les stades de la préparation du projet" de Cherif Chekatt. Outre "la gravité des faits", les avocats généraux ont retenu "la personnalité de l’accusé, ses mensonges, son casier judiciaire, avec 24 condamnations en 25 ans".

Les autres accusés, poursuivis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer un crime", une infraction non terroriste, comparaissent libres. Contre Frédéric Bodein, il est requis cinq ans de prison, avec aménagement sous bracelet électronique. Il a mis en relation Audrey Mondjehi avec un membre éloigné de sa famille, Albert Bodein, qui a fourni l’arme de l’attentat. Le parquet estime qu'il "a choisi en toute connaissance de cause d'être le lien entre l'acheteur et le vendeur (de l'arme), bien qu'il n'ait pas voulu l'acte terroriste". Concernant son frère, Stéphane Bodein, le parquet requiert l'acquittement. Il n'avait pas été en contact avec Mondjehi, ni Chekatt.

Contre Christian Hoffmann, il est requis cinq ans de prison assortis d’un mandat de dépôt avec interdiction de détenir une arme pendant cinq ans. Il avait vendu deux armes, dont une kalachnikov factice, qui n'ont pas servi lors de l'attentat.

"Les accusés ont toute leur place aux côtés de Cherif Chekatt”

Première à prendre la parole, mardi matin, la substitute revient sur le parcours de Cherif Chekatt, le soir du 11 décembre 2018 : “Dix minutes, le temps qu’il a fallu pour qu’il crée une scène de chaos dans Strasbourg, assassine cinq personnes, en blesse onze autres et tant d’autres psychologiquement”. Par ses intentions, "troubler l’ordre public par la terreur" et sa revendication au nom de l'organisation Etat islamique, "son action était évidemment terroriste".

Tué deux jours plus tard par la police, il n’est plus là pour répondre de ses actes. “Nous ne voulons pas de coupables de substitution”, insiste la magistrate, “mais ces cinq semaines d’audience ont montré que les quatre accusés avaient toute leur place aux côtés de Cherif Chekatt”. Des accusés qui écoutent attentivement le réquisitoire. Audrey Mondjehi, le seul détenu, est dans son box, les bras croisés.

Une radicalisation impossible à ignorer

Le premier vice-procureur enchaîne et revient longuement sur l’enfance et le milieu familial de Cherif Chekatt. Son père, Ange, et l'un de ses frères, Malek, entendus le 7 mars par la cour, qui ont, selon lui, étendu leur "emprise islamiste sur la famille". Il détaille les signes "ostentatoires" de la radicalisation du délinquant, audible dans ses propos "contre les mécréants", visible dans sa tenue, une radicalisation impossible à ignorer.

Dès lors, quand Cherif Chekatt commence sa recherche d'armes à Strasbourg, "des personnes l’éconduisent, car ils ont des soupçons, soupçons qu’il prépare un attentat". Le jeune homme se tourne vers Audrey Mondjehi, ancien camarade de détention, "le seul à répondre à la fourniture d’armes". L'avocat général insiste sur le caractère particulier de cette recherche. "Une kalachnikov, des grenades, des couteaux" : un arsenal qui n'est "pas nécessaire pour ses activités habituelles de voleur".

Audrey Mondjehi participe au projet "en connaissance de cause"

L'avocat général s'attache à contrer la défense d'Audrey Mondjehi"En matière de terrorisme" , insiste-t-il, "il n’existe pas de loup solitaire. Il y a toujours un ou des tiers pour les moyens logistiques". Et ce tiers, pour le magistrat, c'est Audrey Mondejhi.

Le principal accusé répète depuis le début qu'il ignorait les intentions terroristes de Cherif Chekatt et qu'il n'avait pas conscience de son radicalisation islamiste. Pour le magistrat, si Audrey Mondjehi ne partageait pas "forcément" les "convictions" du terroriste, il a cependant fait "partie du projet en connaissance de cause".

Alors que l'accusé a affirmé à l'audience le 22 mars que Chekatt n'était qu'"une connaissance d'incarcération", l'avocat général parle au contraire d'une "relation ancienne, intense, utilitaire", qui s'accélère à partir de septembre 2018. A l'appui de sa démonstration, "plusieurs centaines de contacts relevés sur la période entre les deux hommes. 3,3 appels par jour et deux SMS par jour en moyenne."

Intense, la relation entre les deux hommes est aussi "équilibrée", d'après l'avocat général, qui veut balayer l'argument de la "naïveté" de Mondjehi, "l'idiot utile" comme l'a désigné son avocat, que le terroriste Cherif Chekat aurait berné. "On ne trompe pas Audrey Mondjehi. Il fait peur" insiste-t-il, ajoutant que "70% des appels" venaient de lui. Et quand Audrey Mondjehi emmène Cherif Chekatt rencontrer des fournisseurs d'armes potentiels, c'est ce dernier qui est "toujours en retrait".

Le magistrat retrace ces démarches qui vont mettre en contact Cherif Chekatt et Audrey Mondjehi avec les autres accusés : l'achat de deux armes dont une kalachnikov (factice) auprès de Christian Hoffmann, la rencontre avec les frères Bodein à Sélestat, jusqu'au matin de l'attentat, le 11 décembre 2018, quand "Cherif Chekatt devient un fugitif après la perquisition". Là, Mondjehi est "sa personne ressource". "Il l’emmène chercher l’arme, une dernière arme", celle qui servira à tuer cinq personnes quelques heures plus tard.

Plus qu'un intermédiaire, l'accusé s'est montré "un fournisseur et un rempart". Le magistrat insiste : Audrey Mondejhi "se substitue à Cherif Chekatt. Il lui emprunte sa criminalité", puis assène : "Un duo parfait pour mener à bien le projet". L'avocat général conclut que Mondjehi "ne pouvait pas ne pas savoir… il savait".

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