Passer au contenu

Attentat de Strasbourg : vie brisée des victimes, accusés dans le déni, ce qu'il faut retenir du procès avant le verdict

- Mis à jour le
Par

Le verdict sera rendu jeudi 4 avril dans le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg. Alors que s'amorce la dernière semaine d'audience, que faut-il retenir d'un mois de débats devant la cour d'assises spéciale de Paris ?

Le banc des accusés au procès de l'attentat de Strasbourg. Le banc des accusés au procès de l'attentat de Strasbourg.
Le banc des accusés au procès de l'attentat de Strasbourg. © AFP - BENOIT PEYRUCQ

Une semaine décisive s'ouvre ce mardi dans le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, qui avait fait cinq morts et onze blessés le 11 décembre 2018. Elle commence par le réquisitoire des avocats généraux, qui sera suivi par les plaidoiries des avocats de la défense. Enfin, le verdict sera rendu jeudi 4 avril.

Quatre hommes sont jugés depuis le 29 février par la cour d'assises spéciale de Paris, pour avoir aidé le terroriste, tué par la police, à se procurer une arme. Entre l'émotion des victimes, les dénégations des accusés et l'entourage trouble de Cherif Chekatt, France Bleu revient sur les moments forts d'un mois d'audience.

Dix minutes pour tuer, des vies brisées à jamais

Ce qui a marqué, c'est tout d'abord la détresse des victimes et de leurs proches, venus témoigner à la barre. Plusieurs journées ont été consacrées à leur audition. Souvent en larmes, ces hommes et ces femmes ont raconté la terreur qui les a saisis le soir du 11 décembre 2018, et qui continue de planer sur leurs vies. Il a suffi de dix minutes à Cherif Chekatt pour semer la mort et briser leur vie.

Au cours de ces journées intenses et douloureuses, la cour a entendu par exemple Julien, un étudiant poignardé par le terroriste, qui a eu peur de "mourir seul, par terre, dans le froid". Blessée au bras, Jeanne, qui avait 19 ans, confesse avoir perdu "[son] insouciance, [sa] naïveté et [son] optimisme". L'espoir de "reprendre une vie normale" revient régulièrement dans leurs témoignages, mais, frappés par le stress post-traumatique, ils sont poursuivis par des cauchemars, ont l'angoisse de la foule. Pour certains, prendre le métro afin de se rendre au palais de justice a été une épreuve.

Pour ceux qui ont perdu un proche, le gouffre est encore plus profond. "La peur commence en décembre" témoigne Saghar Nachghband dont le mari a été abattu sous ses yeux, et ceux de ses enfants.

Sandy, Damian ou Loïc, pompier, musicien, passant, ont porté secours ou tenté de s'interposer, au risque de leur vie, et restent eux aussi marqués dans leur chair ou leurs souvenirs.

loading

L'entourage toxique du terroriste

La journée du 7 mars a également été très marquante : elle était consacrée aux proches de Cherif Chekatt. Le père du terroriste, Abdelkrim, qui se fait désormais appeler Ange Gabriel, a reconnu qu'il avait conscience de la radicalisation de son fils, mais que, s'il avait su qu'il préparait un attentat, il se serait interposé.

Mais les avocats des parties civiles ont mis en doute sa sincérité, soulevant le flou qui entoure sa propre conception de l'islam. Ils sont surtout convaincus que c'est lui qui a provoqué le passage à l'acte de Cherif Chekatt , le 11 décembre 2018, en l'informant qu'une perquisition avait eu lieu et que la police était à ses trousses : "Ces chiens sont en train de te chercher, ne viens pas ici" .

Cette journée s'était conclue par l'incroyable discours de Michaël Chiolo , ancien camarade de détention de Chérif Chekatt, qui avait agressé des surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne) en 2019, pour "venger son ami" . Le Mosellan, qui purge une peine de 30 ans de réclusion pour assassinat, s'est livré à une véritable apologie du terrorisme, glorifiant "un homme qui va au bout de ses croyances et de ses convictions" , affirmant que, s'il avait pu, il l'aurait accompagné. Ces propos, consignés, devraient lui valoir des poursuites.

Les dénégations des accusés

Quant aux accusés, ils sont les seuls comptables de ce qui s'est passé le 11 décembre 2018, puisque le terroriste a été abattu deux jours plus tard par la police. Eux-aussi ont pleuré, en entendant le long récit des victimes, mais ils sont restés fidèles à leur ligne de défense : s'ils ont contribué, à des degrés divers, à fournir des armes à Cherif Chekatt, ils ne savaient pas qu'il préparait un attentat.

Principal accusé, Audrey Mondjehi risque la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste. Au cours de son interrogatoire, il a tenté de prendre ses distances avec celui qu'il qualifie de "monstre". Mais il a été rattrapé par ses contradictions : Chekatt, une "simple connaissance de prison" ? Les deux hommes s'appelaient pourtant plusieurs fois par jour dans les trois mois précédant l'attentat.

Audrey Mondjehi ignorait la radicalisation de Cherif Chekatt ? Elle était cependant attesté par une grande partie de son entourage. L'Ivoirien de 42 ans lui a servi d'intermédiaire pour acheter plusieurs armes, dont le revolver utilisé le 11 décembre. Pourtant, selon ses déclarations au cours de l'enquête, son camarade lui avait asséné : "Tu vas entendre parler de moi sur BFMTV !" Pour son avocat, Me Michaël Wacquez, Mondjehi a servi "d'idiot utile" au terroriste. Il relève qu'on reproche à son client "de n'avoir pas pu anticiper quelque chose que n'ont pu appréhender ni la DGSI, ni la SDAT", les services de renseignement et antiterroriste.

Les autres accusés sont poursuivis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer un crime", une infraction non terroriste. Frédéric et Stéphane Bodein, les deux frères de Sélestat, ne connaissaient pas le jihadiste Chérif Chekatt, c'est Audrey Mondjehi qui les a sollicités. "J'aurais dû l'envoyer bouler" a témoigné Frédéric Bodein, "voilà où on en est pour une arme !".

Christian Hoffmann, qui a vendu des armes factices ou hors d'usage au duo Chekatt-Mondjehi, avait adressé ces paroles aux victimes au premier jour du procès : "Ma tristesse va pour elles (...) je répondrai à toutes les questions. Je n'ai rien à voir avec cette idéologie terroriste".

Nos articles essentiels sur le procès de l'attentat de Strasbourg :

loading

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined