Passer au contenu
Publicité

Nantes : un ancien cadre de la Région jugé pour harcèlement et agression sexuels sur des collègues

Par

Il a demandé à certaines de mimer des scènes de masturbation. L'une a été victime d'une main sous le chemisier pour toucher ses seins. Le tribunal de Nantes a jugé ce jeudi 7 décembre, un ancien haut cadre de la Région Pays de la Loire, pour harcèlement et agression sexuels.

Tribunal judiciaire de Nantes (photo d'archives) Tribunal judiciaire de Nantes (photo d'archives)
Tribunal judiciaire de Nantes (photo d'archives) © Radio France - Nina Valette

Un ancien haut cadre de la fonction publique qui a travaillé pour l’État à Nantes, puis au Conseil régional ou encore à la mairie de Pornichet était à la barre du tribunal de Nantes, ce jeudi 7 décembre. L’homme, 53 ans dans une semaine, était jugé pour du harcèlement sexuel sur sept anciennes collègues, avec comme circonstance aggravante qu’il était leur supérieur hiérarchique. Pour l'une des femmes, il est aussi poursuivi pour agression sexuelle. Des faits dans le courant des années 2010.

Publicité

Il leur demande de mimer des scènes de masturbation

Au procès, six des sept femmes sont présentes. Assises les unes près des autres. Détournant le regard quand, lors d'une suspension d'audience, leur ancien chef passe près d'elle. Certaines veulent raconter leur histoire. Un besoin, une nécessité de dire pour ces femmes qui se sont tues au moment des faits. Incapables, à l'époque, de parler. Par honte, par peur de ne pas être crues.

Il y a, notamment, cette stagiaire, la petite vingtaine alors. Une cheffe d’équipe, la quarantaine. Une autre vient d’être embauchée, la trentaine. Elles découvrent avoir vécu la même chose quand cette dernière porte plainte, mécontente du seul blâme décidé par la Région après son signalement.

Elles dénoncent le même mécanisme : les scènes se passent salle fermée, sans témoin, souvent en fin de journée. Il y a les propos à caractère sexuel. Ce cadre demande aussi de mimer la masturbation sur un stylo, une trousse. Des situations "humiliantes, dégradantes", racontent ces femmes.

loading

"C'est aberrant", concède-t-il désormais

Jean, pull noir à col roulé, le prévenu se tient droit à la barre et accepte de répondre aux questions. Il dit qu'à l'époque, pour lui, ce sont "des jeux sans calcul, ni excitation." "C'est aberrant", concède-t-il désormais. Il "regrette", mais n’apporte pas vraiment d’explication. Il avance une situation affective, personnelle compliquée. Père de trois grands enfants, il a divorcé depuis.

À la jeune stagiaire en alternance, à qui il prétexte avoir besoin de conseils pour offrir de la lingerie à son épouse , il passe derrière elle, met sa main sous son chemisier, lui touche la poitrine. Une autre fois, il la force à lui caresser le sexe. Elle ne peut pas réagir : "J'étais sa stagiaire, je venais de perdre ma mère, je ne connaissais personne à Nantes, j'étais vulnérable. Je cède, mais je ne consens pas", insiste-t-elle à la barre.

Toutes parlent de "sidération, d’emprise". Elles se sentent en danger, mais sont dans l’incapacité de fuir, de dénoncer auprès des collègues ou encore de la famille. "Comment dénoncer quelqu’un que tout le monde trouve sympa, brillant, drôle ?", complète Me Michaux, avocate de plusieurs parties civiles. "J’étais soumise", rapporte une femme.

"Le déni", "être salie, détruite"

"J’étais dans le déni", "j'ai mis ça dans un coin de mon cerveau", entend-on aussi. Toutes les femmes disent avoir eu l'impression d’être "salie, détruite". "Je me sentais en danger, j'ai eu peur", déclarent plusieurs plaignantes. Beaucoup ont eu des soucis de santé par la suite. Il y a aussi la perte de confiance en soi au travail. Ce qui frappe également chez certaines, c'est le sentiment de culpabilité : "Je n'ai visiblement pas réussi à dire 'non' comme il fallait", déclare l'une d'elle.

"Un prédateur" pour la procureure

"Leur lieu de travail était devenu un terrain de chasse, le prévenu a eu un comportement de prédateur", pour la procureure. Elle requiert trois ans de prison dont 12 mois assortis d'un sursis probatoire de deux ans, avec notamment interdiction d'entrer en contact avec les victimes, de les indemniser, de se soigner, de faire - à ses frais - un stage de sensibilisation sur les violences sexuelles et sexistes. Elle demande aussi l'interdiction d'exercer une activité dans la fonction publique pendant cinq ans, une inéligibilité sur cette même durée et une inscription de son nom au Fijais, le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

"Il a eu un comportement grossier, inapproprié, mais ce n'est pas un prédateur", affirme pour sa part Me Maugin, l'avocate du prévenu. Pour elle, les faits de harcèlement sur plusieurs femmes ne sont pas caractérisés d'un point de vue de la loi. Elle explique que dans le cas de l'agression sexuelle reprochée à son client, ce dernier pensait que la jeune femme était consentante (ce que conteste la femme concernée), évoquant une relation qui s'était nouée au fil du temps, des échanges en dehors des heures de bureau.

"L'inertie de l'État et de la Région" pour une plaignante

Le conseil régional, employeur de six des sept victimes, s'est constitué partie civile. "Pour soutenir ces femmes, saluer le courage et dire que ce qu'elles ont subi est inadmissible", précise Me Hamza. Des victimes confient avoir eu écho que certaines personnes avaient connaissance "des casseroles" du prévenu. Quand il travaillait pour l'État, au début des années 2000, il a dû adresser un mot d'excuse à une collègue après des propos à connotation sexuelle.

"S'il n'y avait pas eu une inertie de l'État (ndlr : le prévenu a travaillé pour la préfecture de Région) et du Conseil régional, cela aurait pu être évité", déclare une femme. Une autre regrette que lorsqu'elle dénonce les faits, en 2016, il n'y ait qu'un blâme. La Région a accordé la protection fonctionnelle, pour les frais de justice, à plusieurs de ses collaboratrices.

loading

Le prévenu exprime regrets et tristesse

Lors du procès de plus de sept heures, le prévenu dit avoir "beaucoup de tristesse pour les plaignantes et avoir le sentiment depuis quatre ans et demi d'essayer de faire le chemin pour que ça ne se reproduise plus". Il a les yeux rougis à l'évocation des conséquences de cette affaire sur ses trois grands garçons. Suspendu par la mairie de Pornichet après la révélation de faits sur une collègue dans la commune, il a demandé une mise à disposition de la fonction publique. Il a quitté la région et exerce un autre métier.

Le jugement sera rendu le 19 décembre.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

Publicité

undefined