À Landévennec, le cimetière des bateaux de la Marine n'est pas près de disparaître du paysage
Ce site unique en France, à l'entrée de la presqu'île de Crozon (Finistère), abrite depuis l'après-guerre les navires désarmés de la Marine nationale en attente de déconstruction. Le gouvernement devrait bientôt donner son feu vert pour prolonger de trente ans la concession du cimetière de bateaux.
C'est un écrin de verdure où règne un profond silence seulement troublé par les mouettes et les goélands. Non loin de l'embouchure de l'Aulne maritime, là où le fleuve s'enroule autour de l'île Térénez, apparaissent dix bateaux gris immobiles. Comme des silhouettes lugubres dans ce paysage de carte postale. Ces navires désaffectés de la Marine nationale attendent ici, parfois depuis des années, le dernier voyage qui les conduira vers le démantèlement.
Des contrôles réguliers
Pour l'institution, ce cimetière des bateaux - comme les Finistériens l'appellent depuis plus de 70 ans - est plutôt un lieu de mouillage transitoire des bâtiments en fin de vie. Désarmés, dépollués, ils ne sont plus qu'une coque rouillée et anonyme. Leur nom a été effacé, seul subsiste un numéro d'identification. Le maître principal Franck, chef du secteur bâtiments désarmés au Service des moyens portuaires (SMP) de la base navale de Brest, les connaît par cœur : "Là, c'est le remorqueur côtier Buffle, le dernier arrivé, fin décembre 2023", commente-t-il. "Ici, nous avons trois chasseurs de mines, un BATRAL (bâtiment de transport léger) et un ancien aviso. Et là-bas, c'est une frégate de lutte anti-sous-marine."
Solidement embossés grâce à de grosses chaînes, les bateaux sont fréquemment contrôlés par l'équipe de Franck. "Notre rôle, c'est de venir faire des visites de sécurité, pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'entrée d'eau. Et des contrôles de sûreté, pour vérifier que des gens ne montent pas à bord par effraction".
Un suivi indispensable, dont est garant le commandant de la base navale de Brest. Le capitaine de vaisseau Jean-Christophe Coëffé assure que toutes les précautions sont prises pour que le site, en zone Natura 2000, n'ait pas d'impact sur l'environnement. "Aucune pollution n'a jamais été détectée à ce jour".
Bientôt de nouveaux mouillages ?
Alors qu'une nouvelle autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime pour 30 ans (2025-2055) est à l'instruction dans les services du ministère de la Transition écologique, la Marine n'a pas de plan B. Impossible de se passer de ce lieu de stockage, confirme Hervé Bédri, chargé du patrimoine historique de la Marine pour la façade Atlantique : "Clairement, il faut bien les mettre à un endroit en attendant que les procédures soient faites. Les procédures de déconstruction sont longues malheureusement, c'est comme ça. Et la base navale ne peut pas accueillir dix coques en fin de vie parce qu'elle a besoin de ses bassins et de ses quais."
"Le cimetière des bateaux est effectivement une installation extrêmement précieuse pour nous", confirme Jean-Christophe Coëffé. Avec la retraite prochaine des patrouilleurs de haute-mer, des chasseurs de mines et des navires océanographiques, il faudrait même faire de la place dans le méandre de l'Aulne. Le commandant de la base navale espère ainsi obtenir deux nouveaux emplacements de mouillage : "Le site de Landévennec est surchargé donc on a sollicité la possibilité d'étendre cette AOT pour faire face aux enjeux de déconstruction et d'attente de tous les bateaux qui vont être désarmés à Brest."
Attraction touristique
Les vieilles coques ne sont donc pas près de disparaître du lit de l'Aulne. "De toute façon dans trente ou quarante ans, il faudra remplacer les bateaux qu'on est en train de mettre en service aujourd'hui. Donc à moins qu'on ait gagné en rapidité d'exécution de la procédure de déconstruction, je pense qu'on aura toujours besoin d'une zone d'attente pour accueillir ces bateaux le temps que les marchés soient passés".
Sur place, le cimetière des bateaux n'est pas vraiment contesté, c'est même une véritable attraction touristique. "La population y est attachée, ça fait partie de notre cadre de vie, estime Roger Lars, maire de Landévennec depuis 1983. Aux beaux jours, le belvédère ne désemplit pas. Paradoxalement, ces bateaux apportent une certaine vie à notre commune".
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