"On ne voit pas le bout du tunnel" : une association vient en aide aux paysans en détresse en Dordogne

Tous les matins, dès le réveil, Pierre n'avait qu'une chose en tête : "Qu'est ce qu'il va nous arriver aujourd'hui ?". Cet éleveur de canards installé depuis 23 ans à Veyrignac (Dordogne) a du stopper sa production pendant 18 mois à cause de la grippe aviaire. Un an et demi pendant lequel il n'a pas touché de revenus, et dont il peine à se relever.

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"Quand on ne voit pas le bout du tunnel, comment voulez vous qu'on n'aille pas mal ?", interroge l'agriculteur de 52 ans, les yeux cernés. A cause d'une petite erreur de l'administration, Pierre n'a toujours reçu aucune indemnisation de l'Etat pour compenser ces 18 mois où il n'a rien pu produire.

Un sentiment de solitude

"Ca nous a mis extrêmement mal au niveau de l'exploitation. Et moralement. Quand vous avez 70 % de chiffre d'affaires en moins sur l'année 2022, avec des enfants, une femme qui travaille à l'extérieur, qu'il n'y a qu'un revenu qui rentre au niveau de la famille, c'est très compliqué", détaille Pierre.

Sauf que, dans un monde agricole de taiseux, il est très difficile d'oser parler de mal-être : "On ne va pas aller voir le voisin ou autre à coté pour dire qu'on a un problème. Qui aller voir, comment ? Non il n'y a personne, on est tout seul à bord". Pierre a finalement appelé à l'aide à temps, avant qu'il ne soit trop tard. Il a contacté l'association Zéro clivage. Depuis cinq ans, son président, Patrice Brachet, vient en aide à des paysans désespérés, parfois au point d'avoir envie de se donner la mort.

Des paysans qui n'osent pas aller toquer aux portes

L'association tenait son assemblée générale ce vendredi 23 février à Azerat. Une réunion sur le thème du mal-être des agriculteurs. Un temps d'échange nécessaire face à la détresse toujours plus grande des paysans. "Au départ c'était quelques dossiers à droite, à gauche. C'était un coup de main. En 2021, c'est monté en pression avec le gel. Et maintenant ça monte, ça monte", constate Patrice Brachet. Trois agriculteurs périgourdins ont fait une tentative de suicide depuis le début de l'année. Une dizaine en 2023.

"Tous les gens aujourd'hui qui font appel à moi, c'est qu'il y a un problème psycho-financier. D'abord financier, ensuite psychologique, parce que l'un entraine l'autre. Ce sont des dettes, un fournisseur qui fait un excès de zèle, la banque qui s'est servie dans la PAC... Mes collègues en mal-être sont tellement mal qu'ils n'osent pas aller toquer aux portes", détaille celui qui est lui-même éleveur laitier.

Du réconfort et de la force mentale

Patrice Brachet les aide ainsi à débloquer des situations auprès des administrations. Mais il représente surtout un soutien moral, un appui. "C'est grâce à cette association qu'on a trouvé du réconfort et la force mentale pour revenir, témoigne Pierre. Si on n'avait pas tenu bon, aujourd'hui il n'y aurait plus d'exploitation, terminé, on serait passé à autre chose."

Pierre n'a toujours pas reçu les aides que l'Etat lui doit, mais son dossier a été réexaminé. Il a à nouveau des canards dans ses hangars depuis le mois d'octobre dernier. Et malgré toutes ces difficultés, Pierre espère encore que son fils reprendra sa ferme après lui.