Royville - Claude, ses citrouilles et la laiterie

Bon, les Saints de glace arrivent bientôt et ça commence à fumer, dans les potagers. Avec toute la flotte qui nous est tombé dessus ces dernières semaines, la terre est lourde, grasse et détrempée. Claude, à Royville, commence à se désespérer de pouvoir s'y mettre. Force est de constater que, si le printemps est là, il ne chante pas vraiment. Ça n'est sans doute pas cette année que Claude battra des records. Lui qui nous a donné l'habitude de produire chaque année des légumes hors normes.

DES CITROUILLES DE 25 KILOS

Chaque année, au moment des récoltes, les voisins ont les yeux rivés sur le potager de Claude. Imaginez, il nous a habitué à des kilos de tomates grosses comme le poing. Et ses citrouilles... Certaines ont pesé jusqu'à 25 kilos! Énorme! Quand on sait qu'une citrouille moyenne se situe plutôt entre 5 et 10 kilos, on se dit que le Royvillais a un secret. C'est simple, il dit que pendant des lustres il ramenait chaque année des mètres cubes et des mètres cubes de feuilles. Jusqu'à en étaler des couches de plus de 30 centimètres dans le potager. Si ça, c'est pas un bon terreau.

UN 12 JUILLET AU STADE DE FRANCE

Heureusement, Claude a de quoi s'occuper, il n'est pas du genre à se laisser gagner par l'ennui. Il a toujours été très actif, à Royville. Une locomotive, le Claude. Pendant des années il s'est investi dans le foot royvillais. Il suffit de s'arrêter devant la petite vitrine du salon, pour comprendre. On y voit des médailles à tous les étages. Il a l'œil qui brille, l'octogénaire, quand il nous parle de son amour du foot. Et quand il évoque les souvenirs d'une vie. Pour l'anecdote, il n'a pas oublié où il était, le 12 juillet 98, tout comme vous, je le sais. Vous et moi, nous étions devant la télé. Mais Claude, lui, il était au Stade de France, pour voir nos champions décrocher la coupe du monde.

AU TEMPS DE LA LAITERIE

Mais sa triste nostalgie, à Claude, c'est sa laiterie. Le fer de lance de Royville. Le nom officiel, c'était la Laiterie coopérative de la vallée de la Saane, mais pour tout le monde, dans le coin, c'était juste la laiterie. Les générations s'y sont succédé. On y bossait de père en fils. La laiterie employait en moyenne 80 personnes à l'année et une centaine l'été, au moment du rush. Autant vous dire qu'elle tenait une sacrée place, dans ce petit village de quelques centaines d'habitants. Mais voilà. Le 5 août 1985, la laiterie a mis la clé sous la porte. Bientôt 40 ans qu'elle erre dans les esprits royvillais, comme un fantôme du passé.

LE CAMEMBERT DE ROYVILLE

Claude ne s'en remet pas, de la fermeture de la laiterie. C'était il y a 40 ans, mais à chaque fois qu'il passe devant le site, il en rêve la nuit suivante. C'était une famille, vous voyez. On était fier d'y produire le célèbre Camembert de Royville. On y faisait aussi du bon beurre et du Pont l'Évêque. Tout semblait sourire à la petite coopérative. Jusqu'au jour de 85 où tout le monde a dû rentrer chez soi. Les Royvillais s'en souviennent, ce fut un drame, dans le village. Alors, pour qu'on n'oublie pas les années heureuses, Claude et quelques amis ont créé, il y a quelques années, la Confrérie des anciens de la laiterie. Histoire de se retrouver, tous les ans, autour d'un bon repas. Et de revivre ensemble les belles histoires du passé.