Nuits au Bijou - Épisode 4 : Moi, procureur (Affaire Pierre Hontang)

A force d’auditions et de témoignages, les policiers finissent par reconstituer le film des événements. Mardi 25 mai 2004, la conférence réunissant le gratin des procureurs Européens, à Celle, dans le nord de l’Allemagne, s’achève en grande pompe. Un somptueux dîner de gala, financé par le Conseil de l’Europe, régale l’ensemble des convives avant qu’ils ne se quittent. Il est 22h30. Tout ce beau monde se sépare. Marie-Louise, une fonctionnaire française qui a veillé à l’organisation du congrès, s’aperçoit soudain que son sac à main a disparu. Ennuyeux. Il contenait ses pièces d’identité et sa carte bleue. Une main indélicate a profité du dîner de gala pour s’en emparer discrètement. A la police de désigner qui est le gentleman voleur qui a sévi à Celle…

Au Tribunal de la Préfecture Alsacienne, les magistrats sont stupéfaits : le suspect n°1 n’est autre que le procureur en poste à Bayonne. Selon l’enquête policière, le procureur Bayonnais a quitté le dîner de gala aux environs de 22h30. Avant de regagner son hôtel, il fait un crochet par le « Bijou », une sordide maison de passe. C’est dans les bras d’Helena, une jeune prostituée roumaine, qu’il poursuit cette nuit endiablée. A l’heure de payer l’addition, celui qui se fait appeler « Peter » s’empare de la carte bleue dérobée peu avant. Il débourse 224€ à bon compte. Il est 1h18. Mais, la chaude nuit continue. A 4h48, rebelote. La carte bleue dérobée siffle une seconde fois : 354€ envolés en instant du compte d’une malheureuse fonctionnaire du Conseil de l’Europe. 

A l’automne 2004, le Procureur Bayonnais est convoqué par le commissariat de Strasbourg. Cette fois, il s’assoit sur le fauteuil réservé aux suspects. Un comble. « Le Bijou, ça vous parle ? ». Pierre Hontang nie mordicus. L’enquêteur attaque de front : 2 nuits avant le vol, la carte bleue du magistrat y a été débitée de 175€ ! La mémoire lui revient. Il est bien entré dans ce club où il a commandé une bière et quelques paquets de cigarettes. Sans plus. Malgré les angelots et les cœurs rouges aux fenêtres, malgré les jeunes dames déambulant en string, M. Hontang ne s’est pas douté, un seul instant, qu’il est entré dans un bordel. Le témoignage de la jeune prostituée roumaine ne le déstabilise pas davantage : « Moi, Procureur, comment aurais-je pu agir ainsi ? ».