Un manuscrit médiéval exceptionnel acquis par la ville d'Orléans

Au Moyen Âge, on appelait ça un "livre d'heures" : un ouvrage destiné aux laïcs catholiques - par opposition au bréviaire, réservé aux gens d'Église. Il s'agissait d'un recueil de textes, de prières, de psaumes, richement illustré, pour guider le pratiquant tout au long de l'année, avec un calendrier liturgique. Certains livres d'heures comportaient des spécificités régionales : c'est le cas de celui que vient d'acquérir la ville d'Orléans, conçu "à l'usage d'Orléans", et datant de 1480 et que la médiathèque présente exceptionnellement au grand public jusqu'à samedi.

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Une référence locale à Jeanne d'Arc

Il s'agit en l'occurrence d'un manuscrit - et non pas d'une version imprimée - écrit en français et en latin. L'ouvrage comporte un nombre important de miniatures et toutes les bordures sont décorées. Issu d'une collection privée, l'ouvrage est réapparu lors de plusieurs ventes aux enchères ces dernières années. L'an passé, la ville d'Orléans a enfin réussi à l'acheter, moyennant 140 000 € - dont une subvention de l'État de 58 000 €. "On tenait absolument à l'acquérir, explique William Chancerelle, l'adjoint à la Culture à Orléans, parce que c'est un trésor, dans un état de conservation remarquable, et surtout parce que c'est un trésor orléanais. Il y avait un grand risque que ce livre soit dépecé, vendu page par page, ou parte à l'étranger. Là, il va aller à la médiathèque, et c'est aussi une façon de mettre en lumière le rôle fondamental de la médiathèque en matière de préservation du patrimoine."

La dimension orléanaise du manuscrit apparaît particulièrement dans le calendrier. "Certains saints orléanais sont ainsi mis en avant, comme Saint-Aignan et Saint-Euverte, souligne Ariane Bouchard, conservatrice à la médiathèque d'Orléans et en charge des collections patrimoniales. Il est fait aussi mention de la "délivrance d'Orléans" par Jeanne d'Arc, ce qui n'est absolument pas le cas dans les livres d'heures à l'usage de Paris ou de Rome, par exemple."

Bizarrement, le manuscrit fixe au 9 mai - et non pas au 8 mai - la date de la délivrance d'Orléans. "Peut-être a-t-on voulu conserver un saint pour le 8 mai ? C'est un mystère qui reste à éclaircir, reconnaît Ariane Bouchard. Mais il y en a d'autres : il reste aussi à identifier la personne qui avait commandé ce livre au XVe siècle, on sait juste que c'était une femme, sans doute Orléanaise et très fortunée, vu la richesse des enluminures."

Le manuscrit présenté au public jusqu'à samedi à la médiathèque

Le manuscrit rejoint donc les collections de la médiathèque d'Orléans. "Et c'est un événement en soi, insiste Christine Perrichon, la directrice du réseau des médiathèques d'Orléans : nous n'avions pas acquis de manuscrit médiéval depuis 1970 ! Tout simplement parce que les manuscrits médiévaux sont rares et chers. Enfin, tout est relatif : l'an passé, une planche originale d'Hergé a été vendue 165 000 € (issue de l'album de Tintin "Coke en stock"). Là, pour moins cher, on a le livre complet !" La médiathèque d'Orléans possédait déjà plusieurs livres d'heures, mais aucun en version manuscrite et "à l'usage d'Orléans".

Ce manuscrit médiéval est exposé actuellement à la médiathèque d'Orléans, avec une journée spéciale ce samedi 27 janvier (conférences, présentations, ateliers d'enluminure, etc.). Il faut en profiter, car après, en raison à la fois de sa fragilité et de son caractère précieux, le manuscrit ne pourra plus être consulté que sur rendez-vous, et avec l'accord préalable du conservateur en charge des collections patrimoniales. Autre solution : le découvrir en ligne, puisqu'il a été entièrement numérisé !