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Mort de Nahel à Nanterre : ce que dit la loi sur le refus d'obtempérer

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La mort de Nahel, 17 ans, mardi à Nanterre, tué par un policier après un refus d'obtempérer, relance le débat sur les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre utilisent leurs armes. Qu'est-il écrit dans la loi ? Les refus d'obtempérer sont-ils plus nombreux ? France Bleu fait le point.

La mort de Nahel relance le débat sur les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre utilisent leurs armes La mort de Nahel relance le débat sur les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre utilisent leurs armes
La mort de Nahel relance le débat sur les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre utilisent leurs armes © AFP - Nicolas Guyonnet / Hans Lucas

Nahel, un jeune homme de 17 ans, a été tué mardi par un policier après un refus d'obtempérer à Nanterre (Hauts-de-Seine). Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux et authentifiée par l'AFP, on peut voir qu'un des deux policiers qui réalisait le contrôle routier, tenait le conducteur en joue, puis qu'il a tiré à bout portant lorsque la voiture a redémarré. "Une intervention qui n'est manifestement pas conforme aux règles d'engagement de nos forces de l'ordre" a réagi Elisabeth Borne ce mercredi devant les sénateurs. Le parquet de Nanterre a d'ailleurs ouvert deux enquêtes, dont une confiée à l'IGPN, pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique. Que dit la loi sur l'usage des armes lors d'un refus d'obtempérer ? Les refus d'obtempérer sont-ils plus nombreux ? Les tirs des policiers sont-ils en hausse ? France Bleu fait le point.

Qu'est-ce qu'un refus d'obtempérer ?

Selon l'article L233-1 du code de la route, le refus d'obtempérer est le fait de ne pas s'arrêter lors d'une sommation des forces de l'ordre, c'est-à-dire lorsqu'un gendarme ou un policier demande à un automobiliste de s'arrêter. C'est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende.

Le refus d'obtempérer est à distinguer du délit de fuite, qui désigne le fait de commettre un accident, "de ne pas s'arrêter et de tenter ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile" selon l'article 434-10 du code pénal et l'article L231-1 du code de la route.

Dans quel cas les policiers peuvent-ils tirer ?

Le cadre légal de l'usage des armes lors d'un refus d'obtempérer s'est assoupli dans une loi de février 2017, durant le mandat de François Hollande. Avant cette loi, les policiers étaient soumis au régime de tous les citoyens français : seule prévalait la légitime défense, prévue par le code pénal. Si un policier sentait que sa vie était mise en danger, il pouvait faire usage de son arme. Désormais, c'est un article du code de la sécurité intérieure qui régit l'usage des armes. Selon un haut responsable policier à l'AFP, ce texte a "élargi le périmètre d'usage de l'arme du policier, c'est incontestable". Le policier peut maintenant faire usage de son arme, notamment lorsque le conducteur est susceptible, dans sa fuite, de mettre la vie d'autrui en danger. La loi rappelle que cela doit se faire "en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée".

Mais selon Simon Varaine, chercheur en sciences politiques au laboratoire PACTE de Grenoble, spécialiste du maintien de l’ordre, cette nouvelle loi laisse trop de place à l'interprétation : "Avec cette loi, il y a eu l'introduction de l'idée que les policiers peuvent tirer sur des individus en fuite qui sont susceptibles, au cours de leur fuite, de mettre en danger la vie d'autrui" explique-t-il sur franceinfo, donc, il y a une notion de susceptibilité qui ouvre à toute une série d'interprétations par rapport à la version plus stricte qui préexistait avant". Simon Varaine assure également que l'interprétation diffère entre la police et la gendarmerie : On a pu voir que dans le cas de la police nationale, les directives qui ont été données (par la direction, ndlr) ont mis en avant le fait qu'il n'y avait plus besoin d'une menace immédiate contre les agents pour qu'ils puissent ouvrir le feu".

Les refus d'obtempérer et l'usage des armes de service sont-ils plus nombreux ?

La formule est martelée avec insistance par les syndicats de police et reprise régulièrement par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin : en France, "un refus d'obtempérer" se produit "toutes les vingt minutes". En 2021, environ 27.000 refus d'obtempérer ont été enregistrés par les autorités, soit une hausse de près de 50% en dix ans, selon les chiffres officiels. Parmi ceux-ci, 5.247 refus d'obtempérer avec "risque de mort ou de blessures" ont été recensés, selon les derniers chiffres de la Sécurité routière.

Si le nombre de refus d'obtempérer a augmenté, l'usage des armes de service est également plus nombreux depuis 2017. Selon l'IGPN, la police des polices, le nombre de tirs était de 137 en 2016 puis de 202 en 2017. Ce chiffre n'est jamais redescendu en dessous du niveau de 2016. Jacques de Maillard, sociologue spécialiste de la police, interrogé par Le Monde, estime que la loi de 2017 n'y est peut-être pas pour rien : "L’année 2017 a marqué un tournant, avec une augmentation importante du nombre de tirs, suivie d’une baisse puis d’une stabilisation à un niveau plus élevé qu’avant 2017. On ne sait pas si ces tirs étaient légitimes ou non, mais on sait qu’ils ont augmenté, notamment sur des véhicules en mouvement (153 en 2020)".

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Au total, 13 décès ont été enregistrés l'année dernière après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers. Sur franceinfo, Simon Varaine déplore ce chiffre : "Ces phénomènes se sont multipliés très récemment et c'est très inquiétant". D'après lui, la nouvelle loi de 2017 en est responsable : "On voit qu'il y a eu une multiplication par cinq du nombre de personnes tuées dans des situations de tir sur des véhicules en mouvement, donc de refus d'obtempérer, après février 2017. Ce qu'on n’observe pas du tout dans d'autres pays européens et ce qu'on observe uniquement pour la police nationale".

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