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Être maire en Indre-et-Loire [2/5] : quand l'État empêche parfois les élus d'avoir "les coudées franches"

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Trois mois après l'agression du maire de Saint-Brévin-les-Pins en Loire-Atlantique, France Bleu Touraine donne la parole aux élus pour montrer leur quotidien, leurs difficultés et leurs missions. Deuxième volet consacré aux injonctions du législateur avec le maire de La Roche-Clermault.

Jérôme Field craint que la loi sur l'accélération des énergies renouvelables soit à l'origine de la prochaine vague de démission d'élus ruraux. Jérôme Field craint que la loi sur l'accélération des énergies renouvelables soit à l'origine de la prochaine vague de démission d'élus ruraux.
Jérôme Field craint que la loi sur l'accélération des énergies renouvelables soit à l'origine de la prochaine vague de démission d'élus ruraux. © Radio France - Adrien Bossard

Être maire, ce n'est pas être maître de tout. Jérôme Field s'en est vite rendu compte lors de sa prise de fonction, en 2020, à La Roche-Clermault, dans le Chinonais. "C'est vrai qu'à chaque fois qu'on se dit : 'Tiens, on construirait bien un lotissement', on se trouve confronté aux règles du PLUI [NDLR : Plan local d'urbanisme intercommunal] ou on se voit confronté aux injonctions des Architectes des bâtiments de France. Typiquement, dans un périmètre de 500 mètres autour de notre église classée, on ne peut pas autoriser un certain nombre de constructions à nos administrés, comme les vérandas. Même chose pour les rénovations. Et on se rend compte que lorsqu'on est hors visibilité de l'église par exemple, on nous refuse néanmoins certaines choses, sous prétexte que l'on est dans le périmètre. Donc, parfois, c'est au maire de dire non à un administré en essayant de faire comprendre les règles qui ont été appliquées par quelqu'un d'autre que lui."

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L'élu de la petite commune aux 540 âmes le reconnaît volontiers : il n'imaginait pas à quel point un élu n'avait pas totalement "les coudées franches", même s'il reste décisionnaire de son budget et de ce qu'il souhaite en faire. "Je suis là pour respecter la loi, elle est faite par le législateur, ça ne pose aucun problème", poursuit Jérôme Field. Mais quand elle devient de plus en plus contraignante, que l'exécutif impose de plus en plus, "cela devient plus compliqué de la faire respecter."

Le zéro artificialisation nette, "une aberration complète"

Actuellement, deux projets gouvernementaux inquiètent le maire de La Roche-Clermault. Le premier d'entre eux, c'est le Zéro artificialisation nette (ZAN), d'ici 2050. "Il y a un flou artistique impressionnant autour du ZAN. On ne sait pas ce qu'on peut faire et ce qu'on pourra faire à l'avenir. Ce que nous ne comprenons, nous les maires de petits villages, c'est que nous ne pourrons pas construire plus de 50% de ce qu'on a urbanisé depuis 10 ans. Par exemple, si on a urbanisé un hectare, on ne pourra urbaniser qu'un demi-hectare sur les 10 prochaines années pour arriver au zéro artificialisation nette en 2050. En clair, si j'ai urbanisé au maximum dans les 10 années précédentes, je suis un mauvais élève au regard du ZAN. Mais j'ai le droit de continuer à urbaniser quand même un peu d'ici 2050. C'est là où il y a une aberration complète. Alors qu'à l'inverse, un village où il n'y a rien eu pendant 10 ans, mais qui projette de faire un lotissement bientôt va se retrouver le bec de l'eau. Car la moitié de zéro, ça fait zéro."

L'élu craint avec ce ZAN que certaines communes rurales entrent dans une forme d'immobilisme. Et en particulier la sienne. "Dans le cadre du PLUI, on a une orientation d'aménagement et de programmation qui nous autorise à construire une vingtaine de logements sur la commune. Mais le compteur tourne, il faut que je me dépêche. Or, le problème avec une urbanisation rapide et urgente, c'est qu'il n'y a pas forcément les opérateurs pour la faire. On n'a pas de promoteurs aujourd'hui qui sont prêts à nous dire : 'OK, on va vous construire vos logements.' Ça prend du temps ce genre de choses. Sinon, il faut désartificialiser. Mais nous, on est en ruralité. Donc on n'a pas de friche qu'on pourrait renaturer. On n'a pas d'espace bétonné qu'on pourrait rendre à l'agriculture par exemple. On est bloqué."

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"Si on devait m'imposer quelque chose que ni moi, ni mes élus, ni mes administrés ne souhaitent, je pense que ce serait vraiment l'abandon de mon autorité sur la commune"

L'autre inquiétude de Jérôme Field, c'est la loi sur l'accélération des énergies renouvelables. Les maires devront définir des terrains susceptibles d'accueillir des parcs éoliens ou photovoltaïques. "Lorsqu'un maire propose un emplacement, ça peut avoir une incidence sur la commune voisine. Donc ça peut poser un souci. Et on nous dit que si on n'arrive pas à se mettre d'accord, c'est le président de l'Intercommunalité qui proposera. Sinon, c'est le préfet qui choisira. Et il n'y a rien de pire pour un maire."

Pour Jérôme Field, ce serait la ligne rouge à ne pas franchir. "Si on devait m'imposer quelque chose que ni moi, ni mes élus, ni mes administrés ne souhaitent, je pense que ce serait vraiment l'abandon de mon autorité sur la commune et ça serait une fin de non-recevoir. Et il y en a d'autres qui jetteront l'éponge. Il faut que le gouvernement ou le législateur fasse confiance aux élus locaux. C'est nous qui connaissons les territoires, c'est nous qui connaissons nos administrés."

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