"Cette mémoire nous concerne tous" : à Nantes, hommage aux Rwandais, 30 ans après le génocide

Il y a 30 ans, entre avril et juin 1994, plus de 800.000 Rwandais, principalement de la communauté Tusti, sont morts au Rwanda. Il s'agit du génocide le plus rapide de l'histoire, mené par les extrémistes Hutus. À Nantes, un hommage a lieu ce dimanche matin à 11h, dans le cimetière de la Chauvinière, en présence du sous-préfet. Une cérémonie organisée chaque année par l'association culturelle rwandaise "Retrouve le sourire", qui demande depuis une quinzaine d'années la création d'un lieu de mémoire spécifique à Nantes, consacré au génocide tutsi, comme c'est le cas dans d'autres villes de France (Toulouse, Strasbourg, etc).

Franck Kamali, Rwandais de 42 ans, rescapé du génocide des Tutsis, sera présent à la cérémonie avec sa mère. Il avait 13 ans en 1994 quand sa famille a été massacrée sous ses yeux. "Je vivais avec ma grand-mère, mon papa, mes oncles, tantes et cousins, raconte Franck Kamali. On était six dans la maison, et tout le monde est décédé sauf moi. J'ai perdu toute ma famille proche." À l'exception de sa mère, qui avait dû fuir le pays au début de la guerre civile en 1990. Quatre ans plus tard, elle est donc retournée au Rwanda faire son deuil. "Elle ne savait même pas si j'étais encore vivant. On s'est retrouvés et elle m'a ramené à Nantes. C'est très traumatisant. Même aujourd'hui, 30 ans plus tard, je mentirais si je disais que j'étais totalement reconstruit."

"Une catastrophe humanitaire qu'il ne faut pas oublier"

Pour continuer sa reconstruction, le quadragénaire tient à transmettre son histoire. "Surtout pour les générations futures, insiste-t-il. Pour éviter qu'un jour ça se reproduise. C'est une catastrophe humanitaire qu'il ne faut pas oublier." Depuis 2019, le 7 avril est devenu une journée nationale de commémoration du génocide des Tutsis. En 2021, Emmanuel Macron a reconnu les "responsabilités" de la France dans ce génocide. Aujourd'hui, Franck Kamali, père de trois enfants, est installé à Paris. Il intervient régulièrement dans des écoles, des prisons, des stages de citoyenneté pour raconter son histoire.

Une plaque commémorative demandée à Nantes

Avec l'association "Retrouve le sourire", Franck Kamali demande la création d'un lieu de recueillement spécifique à Nantes. "Un lieu de mémoire est indispensable pour officialiser l'histoire, et pour que le grand public se l'approprie", selon lui. "La plupart des morts n'ont pas de sépulture, car on n'a pas trouvé leur corps, explique Amélie Mutarabayiré-Schafer, la présidente de l'association. C'est très difficile de commémorer dans un cimetière où il n'y a aucune plaque, aucun symbole. pendant le génocide des Tutsis, on était seuls, abandonnés. Le génocide a été commis dans le silence total, et nous avons du mal à commémorer dans le silence total du monde. Nous avons besoin que d'autres personnes que les Rwandais approprient cette mémoire-là. Elle nous concerne tous et permet de comprendre l'histoire, prévenir la barbarie."

De son côté, la mairie de Nantes assure qu'un lieu a été arrêté pour accueillir une plaque commémorative, un parc dans lequel des élus et l'association se rendront à la fin du mois d'avril. L'association espère l'installation de cette plaque avant la fin des trois mois de commémoration.