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À Marseille, des habitants mobilisés contre la fermeture d'une résidence pour personnes âgées

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Les habitants de la résidence autonomie au Roy d'Espagne (9e arrondissement de Marseille) doivent déménager : le propriétaire veut céder son terrain à un promoteur pour y construire des logements, ce qui provoque l'indignation des résidents et l'inquiétude du voisinage de ce quartier arboré.

La résidence Entraide du quartier Roy d'Espagne La résidence Entraide du quartier Roy d'Espagne
La résidence Entraide du quartier Roy d'Espagne © Radio France - C. C.

C'est un petit mot, qui, après des jours de rumeur, a mis le feu aux poudres. Affiché dans plusieurs commerces du petit centre commercial du quartier du Roy d'Espagne, il validait ce que beaucoup redoutaient : la vente du terrain de la résidence autonomie du quartier à un promoteur, ce qui entrainerait sa démolition pour un nouveau projet de logements. Et c'est avec ces affichettes que l'une des personnes âgées de la résidence, scandalisée, a tenu à alerter ainsi le voisinage.

Des pensionnaires fragilisés

Dans les locaux du bâtiments à la façade fraichement rénovée (les travaux datent d'à peine quelques mois), la vieille dame nous reçoit chez elle, dans un espace restreint où l'on peut à peine passer : "Regardez, je suis en plein dans les cartons". Elle ne décolère pas : elle a appris, le 9 janvier dernier, comme les autres résidents, que tous allaient devoir déménager car le propriétaire des lieux, le groupe Entraide, a signé un compromis de vente avec le promoteur Sifer.

Elle avait déjà prévu de partir avant l'annonce, mais reste choquée par sa brutalité, et surtout par la situation de ses voisins : "Moi j'ai une solution, mais ce n'est vraiment pas le cas de tout le monde. Tous ces gens ont des docteurs, des infirmiers, ils vont être déplacés, perdent des repères géographiques et affectifs, on fait subir ça à des gens extrêmement fragilisés, des pensionnaires qui ont jusqu'à 100 ans ! Et le personnel, qui est très gentil, souffre aussi : on nous a dit que c'était ces gens qui allaient se charger d'aider pour les déménagements!".

La direction a proposé des solutions aux résidents, et organisé des visites dans d'autres antennes proches, à Aix ou Marseille. Mais, beaucoup sont méfiants : "Il n'a que peu de places dans la plus proches, celle des Pins. Et puis ceux qui comptent sur la direction rêvent : s'ils sont recasés là, dans trois ans, ce sera leur tour".

Une voisine explique : "Je suis très contrariée, car je n'ai pas un problème, j'en ai deux : je suis ici avec mon mari, qui est très malade, et je dois trouver une solution rapidement". Une autre octogénaire, croisée dans les couloirs, a demandé à la direction de lui trouver une solution dans une autre région, et dans un autre établissement, aussi grâce à l'aide de sa famille : "Hors de question de rester avec le même directeur, je n'ai plus envie de lui obéir!"

"On voudrait comprendre"

Dans ce grand quartier aux allures de petit village (23 copropriétés), la mobilisation a été rapide chez les voisins, choqués eux aussi par l'annonce. Caroline a organisé une pétition en ligne qui a recueilli immédiatement des milliers de signatures, puis le réseau s'est organisé, groupes Facebook ou WhatsApp à l'appui, et installation de banderoles ou rassemblement sur les lieux, pour tenter de bloquer le projet du promoteur, avec comme modèle la victoire des défenseurs du parc Henri-Fabre.

"Ici c'est de la naissance à la mort, on a une maternelle, un collège, et on avait cette résidence, dans ce lieu exceptionnel qu'il faut préserver. Mes enfants sont à l'école jusqu'à côté et des visites régulières de ces classes étaient organisées dans cette résidence pour faire du lien avec les personnes âgées". À côté, Angélique poursuit : "On pense à ces gens, qu'est-ce qu'ils vont devenir? On les voyait ici sortir tous les jours, faire leurs courses, prendre un café : c'est la vie, pour eux". Une voisine, qui a appris la fermeture prochaine de la résidence, s'approche et la discussion s'engage sur un bout de trottoirs : "Je suis choquée, si c'est pour de l'argent, on devient fous ! Je cherche à comprendre : que s'est-il passé? ". "Nous aussi, on voudrait comprendre", expliquent les deux femmes.

Tous redoutent aussi que le projet, encore mal connu, ne détruisent ce poumon vert proche de Marseilleveyre, et n'entraine l'abattage des grands arbres majestueux et de la faune qui occupent la pinède de cette unité d'habitation architecturale remarquable prévue pour 50.000 personnes, et montée entre 1959 et 1974.

À la mairie de secteur, on fait savoir qu'aucun permis de construire n'a encore été déposé pour cette parcelle de 1,27 hectare, et à la direction du groupe Entraide, on déplore la "désinformation systématique de la part de quelques résidents" de l'établissement, mais sans apporter, pour le moment, de réponse officielle. Le bureau de l'association du groupe prévoit de se réunir sur le sujet dans les jours qui viennent, et le CIQ du du Roy d'Espagne a sollicité une réunion rapide auprès de "tous les institutionnels en lien" avec le dossier.

Des habitants et certains résidents, eux, ont fermement décidé de mener ce qu'ils décrivent désormais comme un "combat pour la préservation du lien social". Ces derniers jours, d'autres banderoles ont été installées dans le quartier. "Certains ne veulent pas élever la voix pour faire des problèmes", explique une résidente : "Mais il faut que cela en fasse, des problèmes!".

Des banderoles installées par les voisins de la résidence Entraide Roy d'Espagne
Des banderoles installées par les voisins de la résidence Entraide Roy d'Espagne © Radio France - C.C.

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