"Pas de produit miracle, mais un gros business" : des médecins fustigent les "cures détox" après les fêtes

Des cures de jus de pamplemousse pour "détoxifier l'organisme", des ampoules au radis noir pour "aider le foie" à éliminer les toxines, ou encore des pilules à base d'artichaut pour soutenir le foie, mais aussi les reins dans leur mission de "nettoyer l'organisme"... après les excès des fêtes, les publicités pour des compléments alimentaires, jus et cures "détox" s'affichent partout. Ces remèdes sont-ils vraiment efficaces ? Des médecins dénoncent surtout un business très juteux, et recommandent avant tout d'avoir une bonne hygiène de vie, avec une alimentation équilibrée et une activité physique.

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"Le foie élimine les toxines de l'organisme tout seul, c'est son travail"

C'est le cas de la Docteure Pauline G., alias "Pauline Hépato", qui vulgarise ses connaissances scientifiques sur son compte Instagram. Cette hépato-gastro-entérologue est spécialiste des maladies du foie, l'organe star des cures détox. "Le problème de la détox, c'est de faire croire qu'il y a des solutions miraculeuses pour effacer les excès alimentaires et l'alcool", explique-t-elle. "Forcément, ça ne fonctionne pas : si on fait des excès, il n'y a pas de solution miracle après coup", résume-t-elle.

Mais surtout, "le foie élimine les toxines de l'organisme tout seul, c'est son travail", explique la spécialiste. "Il n'a pas besoin d’un coup de pouce ou de soutien, il travaille seul. En revanche, on a besoin d’une bonne hygiène de vie pour ne pas apporter de toxines dans l'organisme, comme du gras, du sucre ou de l'alcool", développe la spécialiste.

"Le problème des produits détox, c'est surtout tout le business qu'il y a derrière", alerte-t-elle. "Et parfois, malheureusement, la voix du business est plus importante, plus visible et plus entendue que celle de quelques médecins qui ont bien d'autres choses à faire que de convaincre leurs patients que les cures détox ne fonctionnent pas", déplore-t-elle.

La Docteure Océane Sorel, virologue et immunologue française qui vit aux États-Unis, est du même avis. Sur son compte Instagram "The French Virologist", elle dénonce aussi, avec humour, le business de la détox.

"Le corps n’a pas besoin d’être lavé de ses 'toxines' ni purifié, il fait tout ça très bien tout seul, entre autres grâce à son foie et ses reins", explique la scientifique dans un de ses posts. "L’idée de renforcer le processus de détoxication naturel de l’organisme en consommant des aliments détox ne repose sur aucune donnée scientifique", révèle-t-elle.

Des compléments alimentaires à l'efficacité pas prouvée

Océane Sorel dénonce le manque de preuves scientifiques quant à l'efficacité de ces remèdes. "Ce que dit la recherche, c'est que bien que quelques études suggèrent des résultats positifs, la qualité globale de ces études est très faible, avec des méthodologies hasardeuses et des résultats peu convaincants", explique-t-elle sur son compte Instagram. "D’autres études n’ont trouvé aucune preuve convaincante soutenant les régimes de 'détox' pour la gestion du poids ou l’élimination des toxines", renseigne-t-elle.

Pauline G., alias Pauline.Hépato souligne que ces compléments alimentaires ne sont pas soumis à la même règlementation que les médicaments, dont le circuit est très contrôlé, notamment en termes d’études sur la preuve de l'efficacité. "Les preuves scientifiques manquent pour démontrer leur efficacité", explique la spécialiste.

"L'idée qu'il faut aider l'organisme à éliminer les toxines relève de l'imaginaire, c'est de la pensée magique", déplore la médecin. "Le radis noir ou le chardon Marie stimulent en effet la sécrétion de bile. Mais quel est l’intérêt ? D’un point de vue de la maladie, ça n'améliore rien", tranche-t-elle.

La diététicienne-nutritionniste Solveig Darrigo-Dartinet, qui exerce à Issy-les-Moulineaux près de Paris, voit, elle, l'intérêt de certaines plantes, comme le radis noir ou l'artichaut qui "peuvent aider l'organisme". Mais comme les médecins, elle alerte sur la vente de certains produits excessivement chers, que ce soit en magasin bio, en pharmacie ou sur internet.

Des risques sur la santé en cas de pathologies existantes

"Dans la plupart des cas, les consommateurs perdent de l'argent pour quelque chose qui ne fonctionne pas sur la santé", explique Pauline.Hépato. Mais "acheter des compléments alimentaires dont parfois, on ne sait pas trop ce qu'ils contiennent, peut être risqué. Si une personne a une maladie du foie, non seulement ça ne fonctionne pas, mais ça peut en plus, dégrader sa santé, notamment en raison d'interactions possible avec ses médicaments".

La spécialiste explique être régulièrement "confrontée à des patients victimes d'hépatites aiguës liées à des compléments alimentaires de type détox". Elle tient donc à prévenir : "Si vous êtes en bonne santé, ne prenez rien, vous n'en avez pas besoin. Et si vous êtes malades, parlez-en à votre médecin avant de prendre des compléments."

"Certaines méthodes de détox peuvent être dangereuses pour la santé et avoir des effets secondaires graves en particulier chez les populations vulnérables", précise aussi Océane Sorel sur son compte Instagram.

La diététicienne-nutritionniste Solveig Darrigo-Dartinet, alerte également sur "les purges qui vont trop loin", sans aucun suivi, comme les jeûnes en autonomie, ou les "poudres de perlimpinpin". "Je vois des personnes se lancer dans des cures de jus, des vinaigres, mais attention, tout le monde n'a pas le même profil santé de base", prévient-elle. "Les jus de fruits par exemple peuvent contenir beaucoup de sucre, et surtout ne contiennent plus de fibres, essentiels à leur bonne absorption. Une trop grande consommation peut provoquer des pics d'hyperglycémie suivis d'hypoglycémie, provoquant des malaises", prévient-elle.

"Je vois trop de personnes faire les choses uniquement par elles-mêmes, après avoir suivi des conseils de leur prof de yoga, d'un coach sportif croisé dans une salle de sport ou d'un kiné, voire glanés sur internet. Mais ce qui va convenir à une personne ne conviendra pas forcément à tous", rappelle-t-elle.

Des conseils de bon sens

Pour Solveig Darrigo-Dartinet, certains légumes ou fruits, source d'antioxydants, ou encore des herbes ou des épices, peuvent aider à éliminer les radicaux libres produits lors du processus de détoxification naturel de l'organisme. Elle estime aussi qu'on peut favoriser le microbiote intestinal sans forcément prendre des pilules de probiotiques, mais plutôt en mangeant simplement des yaourts, du lait fermenté ou du pain au levain naturel.

"Bien sûr, en temps normal, avec une bonne hygiène de vie et sans trop d'excès, le foie, les reins et les intestins sont bien régulés, abonde-t-elle. Mais si l'on fait des excès et qu'on n'a pas l'habitude, on peut avoir des symptômes comme une fatigue chronique, le teint terne, des maux de tête ou des insomnies". Dans le cas d'une sensation de trop-plein, elle fait appel au bon sens : "Pour le repas d'après, on peut privilégier une soupe ou un bouillon et une compote, manger plus léger le temps de retrouver la sensation de faim, explique-t-elle. "Il faut s'écouter et se réguler."

Une bonne hygiène de vie

"Il n'y a pas de produit miracle, mais il y a un gros business derrière", résume Pauline.Hepato. "En réalité, on ne peut pas faire une soirée trop arrosée en pensant que si l'on prend des gélules le lendemain, tout va s'arranger. Il faut faire attention à son alimentation au quotidien, même ce n'est pas très populaire de dire ça", sourit-elle. Elle encourage aussi simplement à manger des légumes, des fruits, ne pas boire d'alcool et faire une activité physique.

"La seule manière d'aider son organisme, c'est la prévention, c'est-à-dire d'éviter les excès et d'avoir une alimentation équilibrée", affirmait déjà le Dr Robert Barouki, toxicologue à l'Inserm, dans une vidéo de 2018. L'institut national de la santé et de la recherche médicale critiquait aussi ces régimes détox dans une vidéo de sa chaîne Youtube "Canal détox", créée pour lutter contre la désinformation médicale.