Coronavirus : Au service de réanimation du CHR d'Orléans, la vague passée les soignants restent au front
C'est le service qui a été en première ligne face à l'épidémie de Covid 19, au CHR d'Orléans. La médecine intensive et réanimation, la "réa med". Il a accueilli les premiers patients Covid nécessitant un placement en réanimation, une crise qui marquera longtemps les soignants
Ce qui frappe, dans ce service dirigé par le docteur Grégoire Muller, c'est le silence relatif qui règne dans les couloirs. Ici, on n'entend pas les alarmes des appareils retentir dans les chambres, comme c'est le cas habituellement.
Toutes les chambres restent fermées, placées sous pression basse, pour y garder l'air contaminé par les patients maintenus à l'isolement. Ce sont les soignants qui entrent, après s'être équipés dans le couloir selon une procédure très rigoureuse.
Trois à cinq minutes pour s'équiper
"On a la charlotte, lunettes de protection, des surblouses, et plusieurs paires de gants les unes sur les autres. La dernière paire, on la gardera pour se déshabiller" explique Hélène Lion, infirmière anesthésiste au bloc opératoire qui vient une fois par semaine en renfort. Il faut compter entre trois et cinq minutes, rien que pour l'habillage.
Le service n'a pas pris la vague de l'épidémie de plein fouet, sans pouvoir s'organiser avant de recevoir ses premiers patients. Il y a eu deux à trois semaines de décalage avec le Grand Est, c'est toute la différence. "Les ingénieurs climatiques de l'hôpital ont pu passer 28 chambres en basse pression, c'est bien au-delà que ce prévoyait notre système. C'était un vrai défi technique" explique le docteur Grégoire Muller.
Des talkies walkies pour surveiller les malades
Mais il a fallu adapter les pratiques, dans cette configuration. Pour Sandra Collard, infirmière en réanimation ici depuis plusieurs années, ça n'a pas toujours été simple : "on a dû apprendre à ne pas se précipiter dans une chambre sans s'équiper, se protéger, même quand un patient était vraiment mal. Mais on avait tellement peur pour nous, que c'est vite entré dans les moeurs".
Et même pour la surveillance des patients, il a fallu trouver des solutions parfois improvisées se souvient le docteur Grégoire Muller : "le service logistique de l'hôpital a ainsi reçu un jour une commande très inhabituelle de talkies walkies, parce qu'une fois les chambres fermées on n'entendait plus les alarmes. Donc a trouvé cette solution, avec le nom de chaque chambre collé sur chaque talkie, pour garder une oreille attentive".
Derrière une vitre, trois soignants regardent la chambre d'un malade placé en isolement, toujours contagieux. Ici les progrès, les évolutions, sont suivis de très près. "En moyenne la durée d'hospitalisation en réanimation est comprise entre 7 et 21 jours, mais on a un patient qui est là depuis plus d'un mois". Un des patients vient d'être installé au fauteuil, il a quitté son lit, c'est une petite victoire.
C'est la cohésion des équipes qui a tout changé contre le Covid
Dans la salle de repos, c'est l'heure du repas pour Sandra Collard et ses collègues. Ce qu'elle retient de cette vague, c'est l'incroyable solidarité entre les équipes, "avec tout le personnel de l'hôpital, même. On a vu des gens arriver d'autres services, des cliniques. Des étudiants qui sont venus nous aider, et qui étaient opérationnels en quelques jours, ils étaient impressionnants. Une solidarité retrouvée avec les médecins, aussi. Et c'est cette cohésion qui a fait tout le boulot, c'est ça qui a tout changé".
Dans ce service de médecine intensive et de réanimation médicale, 10 patients Covid sous toujours à l'isolement. Une douzaine ont été testés négatifs, donc plus contagieux, mais nécessitent toujours une prise en charge importante. La vague est passée, mais la mission n'est pas terminée.
Une vague sur la durée, des lits disponibles tout l'été
"Pour les soignants du service, malheureusement, ça n'est pas du tout l'heure du repos, parce que les autres repartent vers leur métier d'origine, et nous on reste, avec une charge de travail plus importante, et des effectifs qui se réduisent" dit Grégoire Muller. "Ca va rester compliqué tout l'été". Hélène Lion, elle, a hâte de retourner au bloc : "il y a des patients en attente d'une opération qui ont besoin de nous".
Une dizaine de lits resteront disponibles pour des patients Covid, au moins pendant plusieurs semaines, ensuite le CHR d'Orléans ajustera selon les besoins. Grégoire Muller prévient que la seconde vague n'est pas exclue, mais qu'il s'agira sans doute d'un épisode plutôt dans la durée. . "C'était l'objectif du confinement : moins d'arrivées d'un coup. Mais on n'en a pas terminé".
Début avril, le scenario du pire était envisagé
Début avril, il y a eu jusqu'à 7 ou 8 entrées en réanimation par jour se souvient Marie-Françoise Barrault, la présidente de la commission médicale de l'hôpital d'Orléans. "On voyait que ça montait, ça montait, et on se disait "mais jusqu'où ça va aller". On avait même un scenario où on utilisait le bloc opératoire pour y mettre des patients en réa, mais on ne voulait pas en arriver là. Ca voulait dire énormément de besoins de personnel, et un possible arrêt des urgences".
Aujourd'hui la vague, donc, est passée, on est loin des 61 patients en réanimation au CHR d'Orléans, qui avait "armé" jusqu'à 82 lits pour faire face. Mais il faudra rester vigilants. Sandra Collard croit vraiment, malgré tout, que le pire est derrière nous : "les gens ont eu peur, ils prendront des précautions. Là on sort nos patients, et je pense vraiment qu'il n'y aura pas de deuxième vague".
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