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20 ans après AZF : "Des images gravées à jamais" dans la mémoire de Daniel Van Schendel, expert judiciaire

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Vingt ans après la catastrophe d'AZF qui a tué 31 personnes à Toulouse, le chef du collège d'experts judiciaires revient sur l'expertise hors norme réalisée pour connaître l'origine de l'explosion de l'usine.

Daniel Van Schendel, chef du collège d'experts judiciaires de la catastrophe d'AZF Daniel Van Schendel, chef du collège d'experts judiciaires de la catastrophe d'AZF
Daniel Van Schendel, chef du collège d'experts judiciaires de la catastrophe d'AZF © Radio France - JMM

C'est lui qui a coordonné toutes les expertises judiciaires dans l'affaire d'AZF à Toulouse. Daniel Van Schendel, enfant du pays, est dans les explosifs et la pyrotechnie depuis cinquante ans. Cet ancien cadre du groupe Lacroix revient sur le dossier qui a occupé sa vie de 2001 à 2019. Il est à l'origine du rapport d'expertise final, de plus de 650 pages, prouvant l'accident chimique.

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Vous êtes allé sur le site de l'explosion dès les premières heures ?

Le vendredi 21 septembre, je me trouvais en expertise au palais de justice de Bayonne. En passant par un fax, parce qu'il n'arrivait pas à me joindre, le procureur m'a missionné. J'ai été escorté par la gendarmerie jusqu'au site sinistré, j'y suis arrivé vers 17h. En arrivant sur le site, quand on voit l'étendu des dégâts de cette catastrophe, les victimes encore sur place, l'énorme cratère et tout autour les dégâts collatéraux sur un très large périmètre, on voit qu'il va y avoir un travail considérable pour rechercher la cause et prouver réellement ce qu'il s'est passé.

Vos images sont encore précises, même vingt ans après ?

Les images sont restées gravées dans ma mémoire, gravées à jamais d'autant que dans la première semaine, nous sommes revenus à plusieurs reprises, le soir très tard, donc c'est resté gravé pour toujours.

Comme beaucoup de Toulousains, vous avez cru à un attentat ?

Aucune piste n'a été exclue et aucune piste n'a été privilégiée. Ce n'est pas parce qu'il y avait eu, quelques jours avant, un attentat à New-York que c'était un attentat. Dès le début, on n'a pas pensé à toutes les pistes, ça s'est enrichi au fur et à mesure de la progression de nos investigations techniques et scientifiques, en relation avec nos collègues spécialistes qui avaient été missionnés.

Huit jours à peine après l'explosion, vous avez rendu un avis au Procureur ?

Oui, un avis sur les premières investigations qui ne pouvait pas être définitif évidemment, il permettait l'ouverture d'une information judiciaire par le Procureur. Là, deux juges d'instruction ont été nommés pour conduire en toute indépendance cette enquête hors norme.

Comment avez-vous travaillé ?

Dès les premiers jours, nous avons engagé les premières constations et investigations sur site. Nous avons recherché, ratissé et prélevé différents indices qui pouvaient nous intéresser pour la suite en attendant d'être renforcés par des collègues. Le collège d'experts a été enrichi de deux collègues parisiens pour former un collège à quatre, ce qui était important pour conduire une telle enquête. Ces deux nouveaux spécialistes avaient déjà traité des attentats à Paris, on a multiplié notre expérience. Par la suite, il a aussi fallu s'entourer de détonitiens, de spécialistes sismiques en sismologique, en électricité etc. On a fait des expérimentations hors norme qui n'ont jamais été faites par ailleurs, en matière sismique, en matière de recherche du défaut électrique, tout ça grâce aussi à la confiance des magistrats qui nous ont laissé faire entièrement pour découvrir la vérité.

Humainement, comment avez-vous vécu toutes ces années d'enquête et de procédures ?

Étant Toulousain et habitant, dans ma jeunesse, pas trop loin de l'usine, à chaque fois il y a l'émotion qui surgit et le côté humain prend le pas à certains moments. Mais ensuite, dans la mission que nous avions, vis-à-vis des magistrats et de toutes les victimes, avec mes collègues on s'est toujours recentré pour rechercher toutes les causes possibles, prouver et confirmer la vérité pour que cette affaire judiciaire puisse déboucher.

Avez-vous subi des pressions ? Personne n'a cherché à vous acheter ?

Non ! Dans toute ma carrière d'expert ça n'est jamais arrivé, et ça n'arrivera jamais. Il y a eu la pression des avocats de la défense, ce qui est normal. Cela fait partie du rôle et de la mission de l'expert. La défense a ses droits, ça fait partie du métier. Les experts de la défense ont amené certaines informations qu'on a vérifiées. Les travaux qu'ils ont fait ont permis d'aller beaucoup plus loin dans nos recherches.

Avons-nous tiré des leçons de cette catastrophe ?

Oui, la communauté scientifique ou du moins les spécialistes dans le nitrate d'ammonium. Il y a eu des dispositions qui ont été prises pour améliorer les conditions de stockage ou les conditions de transport. Je ne connais pas les conditions d'entreposage du nitrate au Liban (qui a subi une catastrophe) mais je pense qu'en France des leçons ont été tirées à bon escient par les spécialistes de Grande Paroisse.

En 2017, la cour d'appel de Paris a rendu son jugement dans le troisième procès de la catastrophe d'AZF. La justice a considéré que l'ex-directeur Serge Biechlin comme l'entreprise Grande Paroisse ont été coupables de "négligences" et de "fautes caractérisées" ayant rendu la catastrophe possible. La cour a reconnu la thèse de l'explosion chimique accidentelle due à un mélange de produits incompatibles.

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