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Les enquêtes, les plaintes, l'état des blessés : ce que l'on sait après les affrontements à Sainte-Soline

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Quatre jours après les affrontements qui se sont produits à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, lors d'un rassemblement d'opposants aux bassines agricoles, France Bleu fait le point ce jeudi sur les enquêtes et les polémiques en cours.

Les affrontements lors de la manifestation organisée contre les bassines agricoles à Sainte-Soline. Les affrontements lors de la manifestation organisée contre les bassines agricoles à Sainte-Soline.
Les affrontements lors de la manifestation organisée contre les bassines agricoles à Sainte-Soline. © AFP - Thibaud Moritz

Que s'est-il passé exactement à Sainte-Soline samedi 25 mars ? La polémique qui enfle sur l'intervention des secours, les critiques sur la violence des forces de l'ordre, la réponse de la préfecture des Deux-Sèvres et les déclarations du ministère de l'Intérieur : depuis samedi et les affrontements qui ont marqué le rassemblement organisé par les opposants aux bassines agricoles à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, différentes versions des événements se font entendre. France Bleu fait le point ce mercredi.

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Plainte pour tentative de meurtre

Un manifestant est hospitalisé au CHU de Poitiers depuis samedi, plongé dans le coma et son pronostic vital est engagé. Ce Toulousain âgé de 32 ans, dont on a appris mardi qu'il était fiché S, est toujours entre la vie et la mort ce mercredi, quatre jours après les affrontements. Sa famille a porté plainte contre X pour tentative de meurtre et entrave volontaire à l'arrivée des secours ainsi que pour violation du secret professionnel dans le cadre d'une enquête de police. "Quand on prévoit autant de grenades, on peut anticiper pour prendre en charge de manière urgente les personnes qui peuvent être atteintes par ce dispositif", a estimé ce mercredi l'avocate du manifestant de 32 ans hospitalisé. Maître Chloé Chalot a affirmé que "d'après les informations communiquées à la famille, il a été blessé du fait de l'explosion d'une grenade jetée par les forces de l'ordre".

Les parents de ce jeune homme, Serge S., se sont exprimés dans un communiqué mercredi en fin de journée. Ils prennent la défense de leur fils, "fiché S, comme des milliers de militants dans la France d'aujourd'hui". "Serge a participé à de nombreux rassemblements anticapitalistes (...), nous considérons qu'il ne s'agit là nullement d'actes délictueux qui saliraient [leur] fils, mais que ces actes sont au contraire tout à son honneur."

Un autre manifestant, Mickaël, 34 ans, grièvement blessé samedi lors de la manifestation de Sainte-Soline est sorti du coma, a annoncé jeudi soir un porte-parole du mouvement Les Soulèvements de la Terre à Paris. Benoît Feuillu s'exprimait juste avant un rassemblement de quelques centaines de personne devant l'hôtel de ville de Paris, à l'appel de son mouvement. "On est là pour espérer qu'il s'en remette après des jours dans le coma", a dit Benoît Feuillu, aux côtés de représentants politiques (EELV, PCF, NPA) et d'associations écologistes.

Maïtre Chalot est également chargée de défendre la famille de ce second manifestant, hospitalisé dans un état grave. Sa famille a porté plainte à son tour, a-t-on appris ce mercredi. Les organisateurs ont évoqué 200 blessés, dont 40 grièvement et les autorités ont fait état de 47 gendarmes blessés. De 6.000 à 8.000 personnes selon les autorités, 30.000 selon les organisateurs, ont manifesté aux abords d'une bassine agricole.

La Défenseure des droits se saisit des deux cas de manifestants grièvement blessés

La Défenseure des droits Claire Hédon a annoncé ce jeudi s'être saisie d'office "au regard de la gravité des blessures occasionnées, possiblement par des armes de force intermédiaire, dans un contexte de manifestations". Son enquête indépendante visera à déterminer "les circonstances dans lesquelles ces blessures ont été occasionnées, et des conditions dans lesquelles les personnes blessées ont été secourues".

De nouveaux rassemblements jeudi soir

Divers rassemblements se sont déroulés, la plupart dans le calme, ce jeudi soir : 300 personnes devant la préfecture de Rennes et devant celle de Dijon, selon les estimation de l'AFP, 400 à Lyon, quelques centaines à Strasbourg, et un millier à Nantes, où la situation a dégénéré vers 21 heures, avec des jets de projectiles des manifestants vers les forces de l'ordre qui répliquaient par des tirs de gaz lacrymogènes.

À Niort, plus de 400 personnes se sont réunies sans incidents devant la préfecture des Deux-Sèvres, dont des membres du collectif Bassines Non Merci, coorganisateurs de la manifestation de samedi. Plus d'une cinquantaine de débris de grenades ramassées à Sainte-Soline ont été déposées et 200 bougies devaient être allumées à la tombée de la nuit pour symboliser les 200 blessés recensés par les organisateurs. "Nous n'oublierons pas ce que Darmanin a fait, jamais !", a lancé le porte-parole de Bassines Non Merci, Julien Le Guet, à la foule, répondant : "On n'oublie pas", "on ne pardonne pas", "résistance", "assassins" ou encore "Dubée démission", du nom de la préfète Emmanuelle Dubée.

Enquête confiée à l'Inspection générale de la gendarmerie

"L'origine des blessures des deux manifestants hospitalisés dans un état grave n'est, pour l'instant, pas déterminée" indique un rapport de la gendarmerie nationale daté du lundi 27 mars, publié sur le site du ministère de l'Intérieur et signé du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale et du général de corps d’armée André Pétillot, major général de la gendarmerie nationale. Christian Rodriguez invité en exclusivité sur france info ce jeudi et qui a exprimé son incompréhension face à la polémique. "Je trouve ça ahurissant" de dire que la gendarmerie a interdit aux secours d'intervenir à Sainte-Soline pour venir en aide aux blessés. "Considérer que des gendarmes vont s'opposer à des secours, mais c'est même plus qu'indécent", a ajouté Christian Rodriguez.

L'enquête judiciaire sur ces affrontements a été transférée du parquet de Niort à celui de Rennes, compétent sur les affaires militaires. "Il s'agit des procédures concernant les deux hommes actuellement dans le coma", a expliqué le parquet de Rennes à France Inter ce mercredi. La plainte pour tentative de meurtre, évoquée plus haut dans l'article, "figure à la procédure" a indiqué le parquet rennais. Les investigations ont été confiées à l'IGGN (inspection générale de la gendarmerie nationale). Les qualifications retenues sont celles de "violences par personne dépositaire de l'autorité publique" et "non-assistance à personne en péril". Les enquêteurs vont devoir établir "où se situaient les victimes au moment des affrontements", "quelle est l'origine de leurs blessures" et "quelles ont été les conditions d'évacuation et de prise en charge médicale". "

Au total, 88 enquêtes judiciaires de flagrance ont été ouvertes, dont 12 sont en lien direct avec les actes commis le 25 mars (attroupements violents, transport d’armes, etc.).

Un enregistrement à charge produit par la Ligue des droits de l'homme

Les conditions d'intervention des secours font polémique depuis samedi. Les organisateurs du rassemblement tout comme la Ligue des droits de l'homme accusent les forces de l'ordre d'avoir freiné l'intervention des secours. Dans un enregistrement d'une conversation avec le Samu, produit par la LDH, on entend notamment un opérateur du Samu dire : "On n'enverra pas d'hélicoptère ou de moyen SMUR sur place parce qu'on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l'ordre".

La préfète des Deux-Sèvres assure que le problème venait du fait que "les conditions de sécurité n'étaient pas réunies". "La zone était complètement sûre" a affirmé de son côté le président de la Ligue des droits de l'homme et il s'est interrogé sur franceinfo : "Pourquoi le commandement donne-t-il cette directive ? Nous avons les éléments qui tendent à prouver qu'il y a eu non-assistance à personne en danger". "Les secours sont arrivés dès qu'ils ont pu", a assuré Gérald Darmanin sur RTL ce mercredi. Selon le déroulé décrit par le ministre de l'Intérieur, le premier appel aux pompiers a lieu à 13h49 et le Samu est déclenché à 14h01. Les pompiers, en parallèle, ne "trouvent pas le blessé au milieu des champs". Le Samu est ensuite engagé et le médecin du GIGN est envoyé vers 14h30.

Ce jeudi soir sur franceinfo, le patron du Samu des Deux-Sèvres conteste toute défaillance lors du secours aux manifestants blessés. "Il y a une concertation avant de décider comment on s'organise", indique Farnam Faranpour. "Dans ce système de médecine de catastrophe, il faut qu'il y est un commandement unifié. Quand je demande à des gendarmes de m'accompagner sur telle ou telle chose parce que je pense qu'il y a une dangerosité, c'est normal que je puisse leur faire confiance et quand eux me disent si il y a des difficultés, j'écoute leur expertise."

5.015 grenades lacrymogènes tirées

La préfecture des Deux-Sèvres avait interdit la manifestation annoncée samedi à Sainte-Soline. En octobre 2022, un rassemblement organisé au même endroit avait déjà dégénéré et les autorités craignaient que le scénario se répète. Le ministre de l'Intérieur avait mobilisé 3.200 policiers et gendarmes. D'après le rapport de la gendarmerie déjà cité plus haut, 5015 grenades lacrymogènes ont été tirées ainsi que 89 grenades de désencerclement et 81 tirs de LBD ont été délivrés, "dont deux (non-touchants) par le peloton motorisé d’intervention et d’interposition ; les conditions de ces deux cas précis feront l’objet d’une enquête administrative de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), qui vient d’être saisie à ce titre".

Christian Bodin, spécialiste des questions de gestion des violences et de prises en charge de victimes lors d’événements graves, est revenu sur les événements du week-end sur France Bleu Poitou ce mercredi. "La préfecture aurait dû mettre en place un plan tactique d'extraction des victimes. Il y aurait dû avoir des postes médicaux avancés tout autour de la bassine, avec un groupe d'extraction par poste. Cela aurait permis d'aller chercher la victime au plus vite."

Dissolution des "Soulèvements de la Terre"

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé ce mardi qu'il allait demander la dissolution de l'association "Les Soulèvements de la Terre", à l'occasion des questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale. Le collectif a lancé de son côté ce mardi un appel au rassemblement "devant les préfectures du pays" ce jeudi à 19h "en soutien aux deux manifestants dans le coma et aux blessé-es de Sainte-Soline". La manifestation interdite de samedi était organisée par "Les Soulèvements de la Terre" mais aussi par le collectif "Bassines non merci" et par le syndicat agricole "La Confédération paysanne". De 6.000 à 8.000 personnes selon les autorités, 30.000 selon les organisateurs, ont participé à cette manifestation.

Des "milliers de gens" étaient "simplement venus pour faire la guerre" à Sainte-Soline, a affirmé jeudi Emmanuel Macron en déplacement dans les Hautes-Alpes pour présenter un plan visant à améliorer la gestion de l'eau. "Vous avez des milliers de gens qui étaient simplement venus pour faire la guerre. C'est inacceptable", a déclaré le chef de l'État.

Le projet de bassines dénoncé par les écologistes

Les bassines agricoles ou réserves de substitution sont des ouvrages construits par des agriculteurs pour pomper de l'eau des nappes phréatiques ou des cours d'eau en hiver, afin de la réutiliser en été pour irriguer leurs cultures. À Sainte-Soline, le chantier fait partie d'un projet plus large de seize bassines qui concerne le bassin de la Sèvre niortaise. Il prévoit la construction de 16 bassines, d'une capacité d'environ six millions de mètres cubes. Soutenu par l'État, il est porté par une coopérative de 450 agriculteurs.

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