Passer au contenu

20 ans après AZF, Jean-Marie Cavada raconte la création de la radio éphémère M'Toulouse

- Mis à jour le
Par

Il y a 20 ans, la catastrophe d'AZF meurtrissait Toulouse et ses habitants. France Bleu a participé à l'élan de solidarité en créant une radio éphémère pour les sinistrés. Jean-Marie Cavada, alors patron de Radio France, revient sur la création de M'Toulouse.

La radio éphémère M'Toulouse. La radio éphémère M'Toulouse.
La radio éphémère M'Toulouse. © AFP - ERIC CABANIS

À l'époque de la catastrophe d'AZF, il y a 20 ans, Jean-Marie Cavada était le patron de Radio France, la maison mère de France Bleu. Il a été à l'origine de M'Toulouse, la radio éphémère d'urgence qui a été créée pour les sinistrés après l'explosion d'AZF à Toulouse.

Pour commencer, dans quel contexte avez-vous appris l'explosion ?

C'est une histoire complètement folle. Dix jours auparavant, vous vous souvenez, c'était l'attentat de New York contre les tours jumelles. J'étais allé avec l'avion du président de la République parce que les aéroports étaient fermés aux États-Unis. J'avais pu aller soutenir nos équipes qui étaient, pour certaines d'entre elles, rentrées par le Canada. Bref, je passe quelques jours avec eux. Je rentre le 20 septembre et j'ai atterri le 21 vers 10 heures et demie du matin ou 11 heures moins le quart. Et là, quelqu'un de France Info vient me cueillir à la descente de l'avion et me dit, il y a eu une explosion à Toulouse.

Évidemment, tout le monde pensait à cette époque que la probabilité, c'est que ce fut un acte de terrorisme et non pas du tout. En tout cas, moi, je passe chez moi pendant une demi-heure. Je change de valise et je repars aussitôt avec une équipe de reportage de France Info et nous essayons d'aller à Toulouse. L'aéroport est fermé à Blagnac. Et donc nous atterrissons à Pau et là, on loue une voiture que je conduis et on dévale vraiment en trombe la distance Pau-Toulouse. Mon comportement est d'ailleurs pas terrible, mais il fallait aller très vite, le plus vite possible.

Et là, quand on arrive sur la rocade, c'est terrible. C'est vraiment une scène de guerre. Du verre partout, des voitures retournées, défoncées, encastrées dans des barrières de fer. Et puis on voit des gens qui cherchent des gens... c'était une horreur absolue, j'en ai un souvenir, absolument tragique. On finit par passer tout doucement grâce à la protection de la police et des pompiers qui travaillent d'arrache-pied dans cette affaire, et nous commençons à travailler.

France Bleu Occitanie n'existait pas à l'époque, donc vous vous dites très vite, il faut créer une radio éphémère d'urgence pour les sinistrés. C'est ça ?

Oui, vous le dites mieux que moi parce que l'idée, je ne sais plus qui l'a eue, mais l'équipe que nous formions, nous sentons un tel désarroi. Non seulement les victimes, évidemment, non seulement les familles des victimes, non seulement les 2.500 blessés et les milliers de maisons éventrées, cassées. Enfin, tout ce que vous avez décrit avec beaucoup de précision et on se dit, on ne peut pas les laisser comme ça, il faut dédier une radio, trouver une fréquence pour qu'ils puissent se parler. D'abord, qu'ils parlent sur l'antenne, qu'ils puissent se retrouver, qu'ils appellent au secours, qu'ils demandent de l'aide pendant des jours et des jours, ça a duré en effet quatre mois.

Et cette radio, elle s'appelle M. Toulouse. Vous en garder un souvenir ému, même 20 ans après Jean-Marie Cavada ?

Totalement. Vous savez, des radios d'urgence dans les catastrophes, il y a eu d'autres travers le monde, et j'en ai connu d'ailleurs plusieurs. Mais alors là, c'était chez nous, sur le territoire français. C'était une blessure ouverte qu'il fallait aider à cautériser et je dois dire que les équipes ont été absolument formidables, parce que la moitié de Radio France s'est mobilisée bénévolement, voulait venir travailler. Et vous êtes d'une certaine manière les héritiers de cette radio puisqu'on a décidé de faire une locale sur Toulouse.

Et comment la création de M'Toulouse a été perçue à l'époque ? Je pense aux politiques notamment, ça a été facile ou pas ?

Il n'y a eu aucun problème, de personne, de nulle part et le CSA m'a adoubé une fréquence en quelques heures. La discussion avec le président du CSA de l'époque, je crois que c'était Hervé Bourges encore ou c'était déjà peut être Dominique Baudis, je ne sais plus, mais en tout cas, ça a été une discussion extrêmement rapide. On a même commencé d'ailleurs à utiliser la fréquence avant qu'elle n'ait pu être totalement attribuée légalement je crois. C'était vraiment un moment de solidarité que la population méritait bien.

Et pour revenir au fond de l'affaire de l'explosion, Jean-Marie Cavada, vous avez été député européen jusqu'en 2019. Est ce que vous estimez 20 ans après qu'on a tiré les leçons d'AZF ?

Je ne crois pas. Il y a d'ailleurs un livre qui sort en ce moment, qui est fait par un expert, dont le métier, justement, est d'évaluer les risques industriels, et on n'a pas tiré toutes les conséquences, naturellement, non. Et ça, c'est toujours la passivité dans le monde entier. On voit ces choses. Il faut des catastrophes pour rappeler à l'ordre ceux qui devraient prendre les décisions de protection. Mais petit à petit, on oublie, ça continue un peu comme avant, ça n'est pas bien. C'est dangereux, il faut faire attention.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined