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INTERVIEW - Marion Joffle : quand la nageuse en eau froide fait face au dérèglement climatique

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En octobre 2023, la Caennaise et nageuse de l'extrême, Marion Joffle, a tenté une performance en Mongolie, au lac Khövsgöl. La nage s'est bien déroulée, mais elle n'a pas pu être certifiée. L'eau était trois degrés au-dessus des cinq réglementaires.

Marion Joffle, 24 ans, veut nager sur tous les continents dans une eau inférieure à 5°C. Marion Joffle, 24 ans, veut nager sur tous les continents dans une eau inférieure à 5°C.
Marion Joffle, 24 ans, veut nager sur tous les continents dans une eau inférieure à 5°C. © Radio France - Léni Flouvat

De l'eau glacée, des paysages magnifiques, des voyages à travers le monde… La discipline de Marion Joffle, 24 ans, nageuse de l'extrême, la connecte directement avec la nature et ses paramètres. Un environnement qu'elle a vu évoluer depuis les premiers jours où elle a goûté à l'ice-swimming (nage en eau glacée) en 2018, en Allemagne.

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Depuis, elle a enchaîné les distances en eau libre et froide aux quatre coins du monde, et accumulé les titres mondiaux. En 2022, elle réalise une traversée de la Manche à la nage et bat le record féminin français de la traversée. Nouveau défi dans sa carrière sportive : les Seven Miles, le tour du monde la nage en eau glacée. Un défi qui la confronte au réchauffement des eaux.

France Bleu Normandie - Vous êtes au contact de la nature, en maillot de bain, dans l'eau froide, à moins de cinq degrés. Vous cherchez le froid sur une Terre qui se réchauffe… C'est moins facile qu'avant de trouver des endroits pour performer ?

Marion Joffle - Certes, ça va devenir de plus en plus compliqué. Je sais que des fois, il y avait des manifestations qui se déroulaient début décembre. Maintenant, ces mêmes manifestations se déroulent plutôt en janvier, voire fin janvier. Donc on sent vraiment le décalage. En fait, au niveau des températures, on a des mois qui sont de plus en plus chauds.  Rien qu'à voir le mois d'octobre qu'on a eu qui était quand même assez chaud. Je sais que, par exemple, en Mongolie, la semaine juste avant notre départ, il faisait proche des zéro degrés : des conditions vraiment parfaites pour la nage en eau glacée. Et il s'avère que la semaine où je suis arrivée en Mongolie, les températures ont monté jusqu'à dix ou quinze degrés, donc une condition assez exceptionnelle.

Vous parliez du décalage dans le temps des compétitions. Est-ce que les nageurs vont devoir abandonner certains lieux, certains lacs, parce qu'ils seront devenus trop chauds ?

Je pense honnêtement que certaines régions dans le monde ne pourront plus accueillir cette discipline, alors qu'avant, elles l'avaient accueillie. En France, si on ne va pas dans les Alpes, c'est assez compliqué de trouver de l'eau inférieure à cinq degrés. Moi-même, nageant des fois au lac de Pont-l’Évêque, j'ai eu des hivers où l'eau était à deux ou trois degrés. Mais, maintenant ce n'est plus du tout ça. Des fois l'eau est à cinq, sept ou huit. Donc ça change en fonction des hivers. Mais c'est vrai que c'est beaucoup plus difficile de trouver une eau inférieure à cinq degrés maintenant.

La rareté de plus en plus importante du froid… Quel sentiment cela vous procure ? Vous êtes attristée de ce qui peut se passer pour votre sport ?

Alors forcément, je suis attristé parce que ça touche ma discipline. Si on continue dans cette voie-là, ça peut mener à la disparition de cette discipline parce qu'on ne pourra pas forcément tous aller en Arctique ou en Antarctique pour aller nager. Surtout que ce n'est pas une bonne idée non plus, d'un point de vue écologique, de se déplacer énormément sur ces continents-là. Donc c'est vrai que ça m'attriste un petit peu, m'angoisse un peu pour le futur parce que peut-être que je ne pourrai plus pratiquer mon sport. Après, j'ai plein d'autres idées en tête en termes de projet sportif. Mais, c'est vrai que l'eau glacée est une discipline qui me tient vraiment à cœur et qui permet de relier les cœurs des nageurs du monde entier qui pratiquent cette discipline et ne plus avoir cette discipline. Peut-être dans dix ans. Ce serait vraiment triste.

Malgré ce réchauffement, il reste encore beaucoup d'endroits où pratiquer votre discipline. Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Alors, toujours dans mon défi des Seven Miles, il faudra que je complète encore cinq continents, dont l'Asie qui aurait dû être validée avec la Mongolie. J'aurais aimé vous dire qu'aujourd'hui elle était validée… Il y a aussi la Nouvelle-Zélande, je l'espère, pour juillet 2024. Le Canada, je n'ai pas encore la date pour l'Amérique du Nord.  En Amérique du Sud et pour le continent Antarctique, je devrais valider les deux au mois de février 2024. Cependant, comme c'est l'été sur place en Argentine, cela peut être très compliqué de trouver une eau inférieure à cinq degrés.

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