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RSA conditionné à 15h d'activité : "si on rentre dans ce circuit, on devient un numéro"

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Le Finistère fait partie des départements qui vont tester le conditionnement du RSA à 15h d'activité par semaine d'ici à l'été, avant une généralisation prévue l'an prochain. Les associations d'entraide s'inquiètent, les bénéficiaires aussi.

Danielle est prête à justifier de 15 heures d'activité par semaine pour toucher le RSA mais ne comprend pas la généralisation d'une telle mesure Danielle est prête à justifier de 15 heures d'activité par semaine pour toucher le RSA mais ne comprend pas la généralisation d'une telle mesure
Danielle est prête à justifier de 15 heures d'activité par semaine pour toucher le RSA mais ne comprend pas la généralisation d'une telle mesure © Radio France - Thomas Biet

Le conditionnement du RSA au menu de la session du Conseil départemental du Finistère ce jeudi. Le département fait partie de la vingtaine de territoires retenus pour être département pilote d'ici à cet été. La mesure doit être généralisée au 1er janvier 2025, conformément aux annonces de Gabriel Attal lors de son discours de politique générale fin janvier.

Les bénéficiaires finistériens devront donc bientôt justifier de 15 heures d'activité par semaine : stage, bénévolat, formation, recherche active de travail. En contrepartie, la majorité départementale menée par Maël de Calan s'engage à mieux les accompagner via du coaching, notamment.

"Il ne doit pas y avoir de contrepartie au bénévolat"

Certaines associations d'entraide ont déjà prévenu qu'elles ne joueront pas le jeu, pour ne pas donner l'impression d'appuyer la mesure. Ainsi, le Secours populaire ne signera aucun papier. "Si la personne vient se présenter en disant qu'elle doit faire 15h pour toucher le RSA, on ne la prendra pas, il ne doit pas y avoir de contrepartie à ce bénévolat selon nous", explique Didier Le Roux, le secrétaire général du comité quimpérois de l'association.

Emmaüs n'a pas encore pris de position nationale, mais s'inquiète aussi des conséquences d'une telle mesure. Le risque est de se retrouver avec des bénévoles qui n'ont pas choisi leur engagement : "Ça m'interpelle sur la raison du bénévolat, qui ne sera plus un choix, ce qui est essentiel chez nous et quelque part, on négociera la solidarité", lance Yann Toullec, l'un des responsables de la communauté de Rédéné.

Danielle (prénom modifié) est au RSA depuis une dizaine d'années et son arrivée à Quimper. Elle travaillait auparavant dans la vente en région parisienne avant de perdre son emploi : "Plus de boulot, un loyer trop cher et une opportunité avec une amie qui vivait dans la région qui m'a dit, je t'héberge et tu vas redémarrer". Elle trouve un petit studio avec l'OPAC, mais côté travail, ça ne fonctionne pas : "Quand on a déjà 50 ans passés et quand les employeurs voient la date de naissance, bah, c'est non. À un moment, j'ai baissé les bras, j'ai dit 'j'arrête, c'est bon". Je vais avoir 62 ans, je suis consciente que la situation ne va pas forcément s'améliorer".

"C'est le couteau sous la gorge, on n'aura pas le choix"

Elle vit avec 534 euros par mois et touche les APL. Elle va deux fois par mois au Secours populaire et se rend à la médiathèque pour assouvir gratuitement sa passion pour la lecture. Les loisirs payants sont évidemment exclus et il faut parfois faire des choix "entre manger ou s'acheter une paire de chaussures, pour rester digne".

Pour elle, chaque parcours est différent et la généralisation d'un RSA conditionné nie cette réalité : "On passe notre temps à ne rien faire, paraît-il, ils le disent tellement souvent et c'est vrai que 15h, ce n'est pas grand-chose, donc s'il faut les faire, je les ferai, mais je n'aime pas l'idée d'obligation".

Danielle regrette d'avoir à se justifier pour toucher une aide aussi essentielle : "C'est le couteau sous la gorge, les gens n'auront pas le choix. De toute façon, à partir du moment où malheureusement, on rentre dans ce circuit-là, on est des numéros, on est infantilisé. L'important, c'est de se dire qu'on n'a pas perdu notre dignité. On ne va pas m'apprendre à 60 ans qui je suis". Elle y voit aussi un nouveau moyen de faire baisser le prix du travail : "C'est une nouvelle manière détournée d'embaucher des gens à trois francs six sous, ils ne font que continuer leur politique".

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